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Diviser sa Maison en Deux Appartements : Démarches Complètes

Diviser sa Maison en Deux Appartements : Toutes les Démarches

Temps de lecture : 11 minutes

Vous possédez une grande maison devenue trop vaste pour vos besoins. Ou vous souhaitez créer un logement pour un enfant, pour de la location, ou pour financer votre retraite. La solution : diviser votre maison en deux appartements distincts.

Cette opération est parfaitement légale et de plus en plus courante, mais elle implique des démarches administratives précises. Autorisation d'urbanisme, intervention d'un géomètre-expert, passage chez le notaire, mise aux normes techniques… Voici le parcours complet, étape par étape, pour transformer votre maison individuelle en deux logements indépendants.


Sommaire


Diviser une maison : de quoi parle-t-on exactement ?

Diviser une maison en deux appartements consiste à créer, à partir d'un bâtiment à usage d'habitation unique, deux (ou plusieurs) logements autonomes. Chaque logement doit disposer de son propre accès, de ses propres compteurs et de toutes les commodités nécessaires à une vie indépendante.

Les deux types de division

1. Division sans travaux structurels

Vous créez deux logements en séparant les espaces existants, sans toucher à la structure du bâtiment (murs porteurs, façades, toiture). L'entrée peut être commune ou séparée.

2. Division avec travaux

Vous créez une entrée indépendante (percement de façade), vous modifiez la structure (création d'un mur de refend, suppression d'une trémie), ou vous ajoutez des surfaces (extension pour créer un hall d'entrée séparé).

Ce que dit le Code de l'urbanisme

La division d'un bâtiment existant en plusieurs logements n'est pas un changement de destination (le bâtiment reste de l'habitation). Mais elle peut être soumise à autorisation si elle s'accompagne de travaux ou si elle crée des locaux indépendants.

La distinction est cruciale car elle détermine l'autorisation nécessaire – et parfois, aucune autorisation n'est requise du tout.


Quelle autorisation d'urbanisme ?

Cas n°1 : Aucune autorisation (rare mais possible)

Si vous divisez votre maison sans aucun travaux visible de l'extérieur et sans modification de structure, vous n'avez techniquement pas besoin d'autorisation d'urbanisme. C'est le cas si :

  • Vous utilisez l'escalier intérieur existant
  • Vous ne percez pas de nouvelle ouverture en façade
  • Vous ne modifiez pas l'aspect extérieur
  • Vous ne créez pas de surface supplémentaire

Attention : même sans autorisation d'urbanisme, vous devez respecter les règles du PLU sur le stationnement (nombre de places par logement) et sur la constructibilité de la zone.

Cas n°2 : Déclaration préalable

Une DP est nécessaire si les travaux de division impliquent :

  • Modification de l'aspect extérieur (nouvelle fenêtre, porte d'entrée supplémentaire)
  • Création de surface de plancher entre 5 et 20 m² (ou 40 m² en zone U du PLU)
  • Division foncière sans création de voie nouvelle

Le délai d'instruction est d'1 mois (2 mois en secteur ABF).

Cas n°3 : Permis de construire

Un PC est obligatoire si :

  • Vous créez plus de 20 m² de surface de plancher (ou 40 m² en zone U)
  • Vous modifiez la structure porteuse du bâtiment
  • Le projet porte la surface totale au-delà de 150 m² (architecte obligatoire)

Tableau récapitulatif

Nature des travaux Autorisation requise Délai d'instruction
Division sans travaux Aucune
Nouvelle porte d'entrée (façade) DP 1 mois
Création < 20 m² DP 1 mois
Création 20-40 m² en zone U DP 1 mois
Création > 40 m² ou hors zone U > 20 m² PC 2-3 mois
Modification structure PC 2-3 mois
Total > 150 m² après travaux PC + architecte 2-3 mois

La procédure complète en 7 étapes

Étape 1 : Vérifier la faisabilité urbanistique

Avant toute démarche, consultez le PLU de votre commune pour vérifier :

  • La constructibilité de votre zone (U, AU, A, N)
  • Le nombre de logements autorisés par parcelle
  • Les règles de stationnement (souvent 1 à 2 places par logement)
  • Les servitudes éventuelles

Un certificat d'urbanisme opérationnel (CUb) vous donne une réponse officielle de la mairie sur la faisabilité de votre projet. Valable 18 mois, il cristallise les règles applicables.

Étape 2 : Faire établir un diagnostic technique

Un architecte ou un maître d'œuvre peut réaliser une étude de faisabilité technique :

  • État de la structure (capacité à supporter les modifications)
  • Possibilités de création d'accès indépendants
  • Conformité aux normes d'habitabilité (surface minimale, ventilation, lumière)
  • Mise aux normes électricité et plomberie

Coût : 500 € à 2 000 € selon la complexité.

Étape 3 : Déposer l'autorisation d'urbanisme

Selon votre cas (cf. section précédente), déposez une déclaration préalable ou un permis de construire. Le dossier comprend notamment :

  • Le formulaire CERFA correspondant
  • Un plan de situation localisant le terrain
  • Un plan de masse coté montrant les aménagements
  • Les plans des façades avant/après
  • Une notice descriptive du projet

Si vous avez besoin d'exemples, consultez les modèles de plans de masse annotés. Pour les dessiner vous-même, des logiciels de plan de masse gratuits existent.

Étape 4 : Réaliser les travaux

Une fois l'autorisation obtenue, vous pouvez lancer le chantier. Les travaux courants comprennent :

  • Création d'une entrée indépendante
  • Pose d'une porte palière entre les deux logements
  • Installation de compteurs séparés (eau, électricité, gaz)
  • Création ou déplacement de sanitaires
  • Mise aux normes électriques (NF C 15-100)
  • Isolation phonique entre les logements

L'affichage du permis ou de la DP sur le terrain est obligatoire pendant toute la durée des travaux.

Étape 5 : Faire borner et diviser (si division foncière)

Si vous créez deux lots distincts (pour vendre un des appartements séparément), vous devez faire appel à un géomètre-expert pour établir le plan de masse et réaliser :

  • Un document d'arpentage pour le cadastre
  • Un bornage si vous divisez également le terrain
  • Un état descriptif de division (EDD) pour la copropriété

Coût du géomètre : 800 € à 2 500 € selon les prestations.

Étape 6 : Créer la copropriété (si vente séparée)

Pour vendre un des appartements, vous devez transformer votre maison en copropriété. Cette étape se fait chez le notaire et comprend :

  • La rédaction du règlement de copropriété
  • L'établissement de l'état descriptif de division
  • Le calcul des tantièmes (quote-part des parties communes)
  • La publication au service de la publicité foncière

Coût notaire : 1 500 € à 3 000 € pour la création de copropriété.

Le processus est similaire à celui de diviser un appartement en copropriété.

Étape 7 : Déposer la DAACT

À l'issue des travaux, déposez la DAACT (Déclaration Attestant l'Achèvement et la Conformité des Travaux) en mairie. La mairie dispose de 3 mois pour contester la conformité.


Cas particuliers et contraintes

Division en zone rurale (RNU)

Si votre commune n'a pas de PLU, le Règlement National d'Urbanisme s'applique. La division est généralement possible, mais la création de nouveaux logements peut être limitée en dehors des parties urbanisées.

Division en secteur protégé

En secteur ABF (abords de monuments historiques, site patrimonial remarquable), toute modification d'aspect extérieur nécessite l'avis de l'Architecte des Bâtiments de France. Les délais d'instruction sont majorés d'1 mois.

Division d'une maison en lotissement

Si votre maison est dans un lotissement, le règlement de lotissement peut interdire ou limiter la division. Vérifiez notamment :

  • Le nombre de logements autorisés par lot
  • Les règles d'aspect extérieur (couleurs, matériaux)
  • Les servitudes de passage

Contraintes d'ERP

Si l'un des logements est destiné à la location de courte durée (type Airbnb) avec capacité > 15 personnes, les règles des ERP s'appliquent. Un architecte spécialisé ERP peut être nécessaire.

Viabilisation des lots

Chaque logement doit être raccordé individuellement aux réseaux :

  • Électricité : compteur Linky séparé (ou sous-compteur)
  • Eau : compteur séparé auprès du gestionnaire
  • Assainissement : raccordement conforme

La viabilisation est un prérequis technique à la division.


Les coûts à prévoir

Tableau des coûts moyens

Poste Fourchette de prix
Étude de faisabilité (architecte) 500 € – 2 000 €
Dossier de déclaration préalable 500 € – 1 500 €
Dossier de permis de construire 1 500 € – 4 000 €
Géomètre (bornage + EDD) 800 € – 2 500 €
Notaire (création copropriété) 1 500 € – 3 000 €
Travaux (entrée séparée, compteurs…) 10 000 € – 50 000 €
Mise aux normes électriques 3 000 € – 8 000 €
Isolation phonique 2 000 € – 10 000 €

Total estimatif : 20 000 € à 80 000 € selon l'ampleur des travaux.

Rentabilité de l'opération

Diviser une maison peut être très rentable :

  • En location : deux loyers au lieu d'un, surface optimisée
  • En vente : deux appartements se vendent souvent plus cher qu'une grande maison
  • En transmission : facilite le partage successoral

Exemple : une maison de 180 m² en banlieue parisienne peut valoir 400 000 €. Divisée en deux appartements de 90 m², la valeur totale peut atteindre 500 000 € à 550 000 €, soit un gain net de 50 000 € à 100 000 € après travaux.


Erreurs à éviter

Erreur n°1 : Négliger le PLU

Le piège : "Ma maison existe depuis 50 ans, j'ai le droit de faire ce que je veux."

La réalité : Le PLU peut limiter le nombre de logements par parcelle ou imposer des places de stationnement que vous ne pouvez pas créer. Vérifiez avant de vous engager.

Erreur n°2 : Oublier l'isolation phonique

Le piège : Séparer les logements avec une simple cloison.

La réalité : Entre deux logements, la réglementation impose un isolement de 53 dB minimum. Une cloison standard ne suffit pas. Prévoyez un doublage acoustique ou un mur en parpaings de 20 cm.

Erreur n°3 : Créer des logements non conformes

Le piège : Faire un "studio" de 7 m² dans la cave.

La réalité : Un logement doit respecter des normes d'habitabilité :

  • Surface minimale : 9 m² avec hauteur 2,20 m (ou 20 m³ de volume)
  • Fenêtre avec vue sur l'extérieur
  • Ventilation conforme
  • Réseau d'eau et d'évacuation

Erreur n°4 : Ne pas prévoir deux entrées vraiment indépendantes

Le piège : Créer une entrée "commune" avec un simple couloir.

La réalité : Pour une vraie division, chaque logement doit avoir son accès propre depuis l'extérieur ou depuis les parties communes. Un couloir traversant n'est pas une solution pérenne.

Erreur n°5 : Oublier le dépôt du dossier

Le piège : Faire les travaux puis "voir après".

La réalité : Sans autorisation préalable, vous construisez dans l'illégalité. Les sanctions peuvent aller jusqu'à 6 000 € par m² d'amende. Le dépôt du dossier doit précéder les travaux.


Questions fréquentes

Peut-on diviser un terrain sans permis d’aménager ?

Oui, dans certains cas. Si vous divisez un terrain pour créer un lot à bâtir sans création de voie nouvelle ni d'équipements communs, une simple déclaration préalable de division suffit (DP division). En revanche, si la division implique la création d'une voie d'accès commune ou d'espaces collectifs, un permis d'aménager devient obligatoire. Le détachement de parcelle pour la vente d'un terrain à bâtir relève généralement de la DP.

Quelle autorisation pour diviser un terrain ?

L'autorisation dépend de la nature de la division foncière. Pour une simple division sans voirie commune (vendre une partie de terrain) : déclaration préalable (CERFA 16703). Pour la création d'un lotissement avec voirie ou équipements communs : permis d'aménager (CERFA 16297). Le morcellement terrain nécessite dans tous les cas l'intervention d'un géomètre-expert pour établir le document d'arpentage. Le plan de masse pour déclaration préalable est une pièce essentielle du dossier.

Faut-il un géomètre pour diviser un terrain ?

Oui, l'intervention d'un géomètre-expert est indispensable pour toute division de terrain ou de maison en plusieurs lots. Lui seul peut établir le document d'arpentage (obligatoire pour modifier le cadastre), réaliser le bornage contradictoire, et dresser l'état descriptif de division (EDD) pour créer une copropriété. Pour la division en lots d'une maison, comptez 800 € à 2 500 € selon la complexité du découpage et le nombre de lots créés.

Quand faut-il un permis d’aménager pour diviser ?

Le permis d'aménager est obligatoire pour lotir un terrain dès lors que la division crée au moins 2 lots à bâtir avec nécessité de voies, d'espaces ou d'équipements communs à plusieurs lots. En pratique, si vous découpez un grand terrain en créant une impasse commune pour desservir les lots, c'est un lotissement soumis à permis d'aménager. Si vous détachez simplement une partie de jardin donnant directement sur la voie publique, une DP division suffit.

Peut-on diviser sa maison pour louer un appartement ?

Oui, c'est une pratique courante et légale. Vous pouvez diviser votre maison pour créer un logement indépendant à louer, tout en conservant l'autre partie pour vous. Les démarches sont les mêmes (autorisation d'urbanisme si travaux, géomètre, etc.), mais vous n'êtes pas obligé de créer une copropriété si vous conservez la propriété des deux lots. Il suffit de déclarer le nouveau logement au cadastre et de respecter les normes d'habitabilité.


Conclusion

Diviser sa maison en deux appartements est un projet accessible qui peut transformer votre patrimoine immobilier. Que vous souhaitiez loger un proche, générer des revenus locatifs ou préparer une vente optimisée, les démarches sont balisées et les professionnels (géomètre, notaire, architecte) maîtrisent parfaitement ce type d'opération.

Les étapes clés à retenir :

  1. Vérifier la faisabilité urbanistique (PLU, certificat d'urbanisme)
  2. Choisir la bonne autorisation (DP ou PC selon les travaux)
  3. Faire intervenir un géomètre pour l'état descriptif de division
  4. Créer la copropriété chez le notaire si vente séparée
  5. Respecter les normes techniques (isolation, électricité, habitabilité)

Si votre projet inclut également une division du terrain, le formulaire CERFA 13409 peut être nécessaire. Pour les projets plus ambitieux avec création de nouveaux bâtiments, les règles sont différentes et font l'objet d'un permis de construire classique.


Sources : Legifrance – Code de l'urbanisme, Service-public.fr