Mon Voisin ne Respecte pas le PLU : Quels Recours ?
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La construction du voisin dépasse la hauteur autorisée, son extension empiète sur le recul imposé par le PLU, sa clôture ne respecte pas les prescriptions de zone… Ces situations génèrent frustration et sentiment d'injustice. Pourtant, des recours existent : signalement à la mairie, action devant le tribunal administratif contre le permis, ou action civile pour trouble de voisinage. Encore faut-il agir dans les bons délais et avec les bons arguments. Voici comment faire valoir vos droits face à un voisin qui ne respecte pas les règles d'urbanisme.
Sommaire
- Vérifier la réalité de l'infraction
- Signaler les travaux à la mairie
- Le recours contre le permis de construire
- L'action civile pour trouble de voisinage
- Cas pratiques et exemples
- Erreurs à éviter
- Questions fréquentes
Vérifier la réalité de l'infraction
Avant toute démarche, assurez-vous que votre voisin est effectivement en infraction. Une construction qui vous déplaît n'est pas forcément illégale.
Consulter le PLU de votre commune
Le Plan Local d'Urbanisme fixe les règles applicables dans chaque zone. Consultez-le pour vérifier :
- La hauteur maximale autorisée
- Les distances d'implantation par rapport aux limites séparatives
- Le coefficient d'emprise au sol (CES)
- Les prescriptions architecturales (matériaux, couleurs)
Le PLU est consultable en mairie ou sur le Géoportail de l'urbanisme. L'UDAP (Unité Départementale de l'Architecture et du Patrimoine) peut également vous renseigner si vous êtes dans le périmètre de protection d'un monument historique.
Vérifier l'existence d'une autorisation
Votre voisin a peut-être obtenu une autorisation. Pour le savoir :
- Consultez l'affichage sur le terrain (panneau de permis obligatoire)
- Demandez à la mairie une copie du permis de construire ou de la déclaration préalable
- Vérifiez les registres des autorisations délivrées
Tout citoyen peut consulter les dossiers d'autorisations d'urbanisme (article L424-8 du Code de l'urbanisme). La mairie doit vous communiquer les pièces du dossier sur simple demande.
Comparer l'autorisation aux travaux réalisés
Si une autorisation existe, comparez les travaux réalisés aux plans autorisés. L'infraction peut porter sur :
- Une construction réalisée sans aucune autorisation
- Des travaux non conformes à l'autorisation délivrée (hauteur, implantation, aspect)
- Un changement de destination non déclaré
Le plan de masse et les plans de façade figurant au dossier permettent cette comparaison.
Signaler les travaux à la mairie
La voie administrative
Le maire dispose du pouvoir de police de l'urbanisme. Il peut :
- Faire dresser un procès-verbal d'infraction
- Mettre en demeure le contrevenant de régulariser ou démolir
- Transmettre le dossier au procureur de la République
Comment signaler :
Adressez un courrier au maire décrivant précisément l'infraction constatée. Joignez des photos, un relevé de la situation et les références du PLU violées. Envoyez par lettre recommandée avec accusé de réception pour conserver une preuve.
Les suites possibles
Si l'infraction est avérée, plusieurs scénarios :
| Situation | Réponse de la mairie |
|---|---|
| Travaux sans autorisation | Mise en demeure de régulariser ou démolir |
| Non-conformité au permis | Mise en demeure de mise en conformité |
| Infraction mineure | Procès-verbal + transmission au procureur |
| Aucune infraction | Classement sans suite |
Les limites du signalement
La mairie n'est pas obligée d'agir. Le maire dispose d'un pouvoir d'appréciation. En pratique, les infractions mineures font rarement l'objet de poursuites. Toutefois, votre signalement crée une trace écrite qui peut être utile pour une action ultérieure.
Si la mairie refuse d'intervenir, vous pouvez saisir le préfet pour qu'il se substitue au maire défaillant (article L422-6 du Code de l'urbanisme).
Le recours contre le permis de construire
Le recours des tiers
Si votre voisin a obtenu un permis de construire que vous estimez irrégulier, vous pouvez le contester devant le tribunal administratif. C'est le recours des tiers.
Conditions :
- Avoir intérêt à agir (être voisin direct, subir un préjudice)
- Agir dans le délai de 2 mois suivant l'affichage du permis sur le terrain
- Démontrer une violation des règles d'urbanisme
Délai critique :
Le délai de 2 mois court à compter du premier jour d'un affichage continu et régulier. Si vous n'avez pas vu le panneau, le délai peut être prolongé, mais il est limité à 6 mois maximum après l'achèvement des travaux.
La procédure de recours gracieux
Avant de saisir le tribunal, vous pouvez adresser un recours gracieux au maire en demandant le retrait du permis. Ce recours, gratuit, suspend le délai contentieux. Si le maire refuse, vous disposez de 2 mois supplémentaires pour saisir le tribunal.
Attention : le recours gracieux doit être notifié au bénéficiaire du permis (votre voisin) dans les 15 jours de son envoi à la mairie.
Le recours contentieux
Le recours au tribunal administratif implique :
- La rédaction d'une requête motivée
- Le paiement d'un timbre fiscal (35 €)
- Un délai de jugement de 12 à 24 mois
- L'assistance facultative mais recommandée d'un avocat
Le tribunal peut annuler le permis, le considérer comme régularisable, ou rejeter votre recours.
Le risque d'amende pour recours abusif
Depuis la loi ELAN de 2018, un recours jugé abusif peut exposer le requérant à une amende (article L480-1 du Code de l'urbanisme). Cette disposition vise à dissuader les recours dilatoires motivés uniquement par un conflit de voisinage.
Si votre voisin a fait opposition à votre propre permis, vous êtes dans la situation inverse et devrez vous défendre.
L'action civile pour trouble de voisinage
Le fondement juridique
Indépendamment du respect du PLU, une construction peut causer un trouble anormal de voisinage : perte d'ensoleillement, perte de vue, nuisances sonores, etc. Ce préjudice peut être indemnisé devant le tribunal judiciaire, même si les règles d'urbanisme sont respectées.
C'est la théorie des troubles anormaux de voisinage, construction jurisprudentielle fondée sur l'article 544 du Code civil.
Les conditions du recours
Pour obtenir réparation, vous devez prouver :
- L'existence d'un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage
- Un lien avec la construction du voisin
- Un préjudice (perte de valeur, gêne quotidienne)
Exemples de troubles reconnus :
- Perte d'ensoleillement importante (privation de lumière naturelle)
- Vue plongeante sur votre jardin ou votre piscine
- Nuisances liées à un usage commercial non prévu
Les réparations possibles
Le juge peut ordonner :
- Des dommages et intérêts (souvent 5 000 à 30 000 €)
- Des travaux correctifs (modification de la hauteur, pose d'occultants)
- Dans les cas extrêmes, la démolition
Les délais de l'action civile
L'action en responsabilité pour trouble de voisinage se prescrit par 5 ans à compter de la manifestation du dommage. Ce délai est donc plus long que celui du recours administratif contre le permis.
Cas pratiques et exemples
Exemple 1 : Extension non conforme au recul imposé
Situation : M. Dupont construit une extension de 20m² à 1,50 m de la limite séparative. Le PLU impose un recul minimum de 3 m.
Analyse :
- Le permis a été délivré (affichage visible)
- Le recul autorisé était de 3 m sur le plan
- Les travaux réalisés ne respectent pas le plan
Recours :
- Signalement en mairie pour non-conformité au permis
- Si le délai de 2 mois n'est pas expiré : recours contre le permis
- Si le délai est expiré : action civile pour trouble de voisinage (perte d'intimité)
Exemple 2 : Construction sans aucune autorisation
Situation : Un voisin a construit une piscine de 50 m² avec un abri de 2 m de hauteur sans aucune déclaration.
Analyse :
- Piscine > 10 m² + abri > 1,80 m = déclaration préalable obligatoire
- Aucun panneau d'affichage
- Pas de dossier en mairie
Recours :
- Signalement en mairie pour travaux sans autorisation
- La mairie peut dresser PV et exiger régularisation ou démolition
- Amende possible : jusqu'à 6 000 € par m² soit 300 000 € pour cette piscine
Le délai de prescription pénale est de 6 ans à compter de l'achèvement des travaux.
Exemple 3 : Hauteur de clôture excessive
Situation : Un voisin a édifié un mur de clôture de 2,50 m. Le PLU limite la hauteur à 2 m.
Analyse :
- Le mur nécessitait une déclaration préalable (formulaire CERFA 13703)
- La hauteur dépasse la limite du PLU
Recours :
- Signalement en mairie
- La mairie peut exiger l'abaissement à 2 m
- Si aucune déclaration préalable : double infraction (absence d'autorisation + non-respect du PLU)
Tableau récapitulatif des délais
| Type de recours | Délai | Point de départ |
|---|---|---|
| Recours administratif (tribunal) | 2 mois | Affichage continu du permis |
| Recours gracieux (mairie) | 2 mois | Affichage continu du permis |
| Signalement mairie | Aucun délai | À tout moment |
| Action civile (trouble voisinage) | 5 ans | Manifestation du dommage |
| Prescription pénale | 6 ans | Achèvement des travaux |
| Prescription civile (démolition) | 10 ans | Achèvement des travaux |
Erreurs à éviter
1. Agir trop tard contre le permis
Le délai de 2 mois pour contester un permis est très court. Si vous constatez l'affichage, notez immédiatement la date et consultez le dossier en mairie. Un recours tardif sera irrecevable.
La durée de validité du permis est de 3 ans, mais le délai de recours reste de 2 mois quelle que soit la durée du chantier.
2. Confondre recours et signalement
Le signalement en mairie n'interrompt pas le délai de recours contentieux. Si vous voulez contester le permis lui-même, vous devez saisir le tribunal administratif dans les 2 mois, même si un signalement est en cours.
3. Négliger la preuve de l'affichage
En cas de recours, votre voisin devra prouver l'affichage continu du permis pour invoquer la forclusion. Si l'affichage était intermittent ou non conforme (absence de mentions obligatoires), le délai n'a pas couru correctement. Photographiez l'absence d'affichage ou les défauts du panneau.
4. Attaquer sans vérifier les règles
Un recours infondé peut vous exposer à une amende pour procédure abusive et au paiement des frais de justice de votre voisin. Avant d'agir, vérifiez scrupuleusement que le projet viole effectivement le PLU.
Votre voisin peut lui aussi contester votre permis si vous-même ne respectez pas les règles.
5. Espérer la démolition automatique
Même si l'infraction est avérée, la démolition n'est pas systématique. Le juge administratif prononce l'annulation du permis mais c'est le juge judiciaire qui ordonne la démolition, et seulement si elle est proportionnée au préjudice subi.
Questions fréquentes
Que faire si mon voisin construit sans permis ?
Signalez la situation à la mairie par courrier recommandé en décrivant les travaux et en joignant des photos. Le maire peut dresser un procès-verbal, mettre en demeure de régulariser ou démolir, et transmettre le dossier au procureur. Les sanctions pour construction sans permis peuvent atteindre 6 000 € par m² de surface irrégulière. La prescription pénale est de 6 ans, la prescription civile de 10 ans.
Quel délai pour contester le permis de mon voisin ?
Le délai de recours est de 2 mois à compter du premier jour d'un affichage continu et régulier du permis sur le terrain. Ce délai est très court et impératif. Passé ce délai, le recours contre le permis devient irrecevable. Toutefois, si l'affichage était absent ou irrégulier, le délai ne court pas correctement et un recours reste possible jusqu'à 6 mois après l'achèvement des travaux.
Peut-on obliger un voisin à démolir une construction non conforme ?
Oui, mais c'est rare et long. L'annulation du permis par le tribunal administratif n'entraîne pas automatiquement la démolition. Il faut ensuite saisir le tribunal judiciaire pour obtenir une condamnation à démolir. Le juge apprécie la proportionnalité entre le préjudice subi et la mesure de démolition. En pratique, des dommages et intérêts ou des travaux correctifs sont plus souvent prononcés que la démolition pure.
La mairie est-elle obligée d’agir sur un signalement ?
Non, le maire dispose d'un pouvoir d'appréciation. Il peut décider de ne pas poursuivre les infractions mineures. Cependant, s'il refuse systématiquement d'agir face à des infractions avérées, vous pouvez saisir le préfet pour qu'il exerce son pouvoir de substitution (article L422-6 du Code de l'urbanisme). Votre signalement écrit constitue dans tous les cas une preuve pour d'éventuelles actions ultérieures.
Puis-je agir même si la construction de mon voisin respecte le PLU ?
Oui, si la construction vous cause un trouble anormal de voisinage (perte d'ensoleillement importante, vue plongeante, bruit excessif). Cette action relève du tribunal judiciaire et se fonde sur la théorie des troubles anormaux de voisinage. Le respect du PLU n'exonère pas de l'obligation de ne pas causer un préjudice excessif aux voisins. L'action se prescrit par 5 ans à compter de la manifestation du dommage.
Comment prouver que l’affichage du permis n’était pas conforme ?
Prenez des photos datées (avec un journal du jour ou un cachet de la poste) montrant l'absence de panneau, sa mauvaise visibilité ou les mentions manquantes. Le panneau doit être visible depuis la voie publique, indiquer la surface de plancher, la hauteur du projet, le numéro du permis et les voies de recours. Un constat d'huissier constitue une preuve plus solide encore, pour un coût d'environ 200 à 300 €.
Quelle est l’amende pour construction sans permis ?
L'amende pénale peut atteindre 6 000 € par m² de surface construite irrégulièrement (article L480-4 du Code de l'urbanisme). Pour une extension de 30 m² sans autorisation, l'amende peut donc théoriquement atteindre 180 000 €. En pratique, le tribunal prononce des amendes proportionnées à la gravité de l'infraction et à la situation du contrevenant, souvent comprises entre 5 000 et 30 000 €.
Conclusion
Face à un voisin qui ne respecte pas le PLU, vous disposez de plusieurs leviers : signalement en mairie, recours contre le permis devant le tribunal administratif, action civile pour trouble de voisinage. Le choix dépend de la nature de l'infraction, du délai écoulé et du préjudice subi.
La rapidité est essentielle si vous voulez contester le permis : le délai de 2 mois est impératif. Passé ce délai, seuls le signalement en mairie et l'action civile restent possibles.
Avant d'engager une procédure, vérifiez toujours que l'infraction est réelle en consultant le PLU et le dossier d'autorisation. Un recours mal fondé peut vous exposer à des sanctions et à des frais de justice. En cas de doute, l'avis d'un avocat spécialisé en urbanisme peut vous éviter des déconvenues.
Si vous-même envisagez un projet (terrasse ou pergola, isolation extérieure, plan de masse pour déclaration préalable), assurez-vous de respecter scrupuleusement les règles pour éviter de vous retrouver dans la situation inverse.
Sources : Code de l'urbanisme (articles L480-1 et suivants, L424-8, R421-1 et suivants), Code civil (article 544), Légifrance, Service-public.fr
