Travaux en Copropriété : Qui Doit Donner son Accord ?
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Vous souhaitez installer une climatisation, changer vos fenêtres, fermer votre balcon ou créer une ouverture dans un mur porteur ? En copropriété, ces travaux ne dépendent pas que de vous. Deux niveaux d'autorisation se superposent : celle de la copropriété (assemblée générale) et celle de l'urbanisme (mairie). Un projet non autorisé par l'AG peut être contesté par les autres copropriétaires, même s'il dispose d'un permis de construire. À l'inverse, l'accord de l'AG ne dispense pas d'obtenir l'autorisation d'urbanisme requise. Cette double autorisation est source de confusion, d'erreurs et parfois de conflits coûteux. Je vous explique qui doit donner son accord selon la nature des travaux, les majorités requises en AG, et comment mener votre projet sans mauvaise surprise.
Sommaire
- Travaux en copropriété : le cadre légal
- Les différents types de travaux et leurs autorisations
- Procédure complète pour obtenir les accords
- Cas pratiques et exemples
- Erreurs à éviter
- Questions fréquentes
- Conclusion
Travaux en copropriété : le cadre légal
Parties privatives et parties communes
La loi du 10 juillet 1965 distingue deux types d'éléments dans une copropriété :
Parties privatives : l'intérieur de votre appartement (cloisons non porteuses, sols, peintures, équipements). Vous êtes libre d'y faire les travaux que vous souhaitez, sans autorisation de la copropriété.
Parties communes : structure du bâtiment (murs porteurs, façades, toiture), couloirs, escaliers, canalisations principales, cours et jardins collectifs. Toute modification nécessite l'accord de l'assemblée générale.
Parties communes à usage privatif : balcons, terrasses, fenêtres extérieures. Vous en avez l'usage exclusif, mais elles restent propriété commune. Leur modification requiert l'accord de l'AG.
Le règlement de copropriété
Chaque copropriété dispose d'un règlement qui peut être plus restrictif que la loi. Il peut interdire certains travaux (climatisation visible, stores de couleur), imposer des matériaux spécifiques (menuiseries bois), ou définir des horaires de chantier.
Consultez toujours le règlement avant d'engager des travaux. Une clause d'harmonie peut vous obliger à respecter l'aspect uniforme de la façade.
La double autorisation
Pour de nombreux travaux en copropriété, vous devez obtenir :
- L'autorisation de l'assemblée générale (droit privé)
- L'autorisation d'urbanisme (droit public)
Ces deux procédures sont indépendantes. L'une ne dispense pas de l'autre. Un projet approuvé par l'AG peut être refusé par la mairie pour non-conformité au PLU. Un projet autorisé par la mairie peut être contesté par la copropriété si l'AG n'a pas donné son accord.
Les différents types de travaux et leurs autorisations
Travaux sur parties privatives
| Travaux | Autorisation copro | Autorisation urbanisme |
|---|---|---|
| Peinture, papier peint | Non | Non |
| Abattage cloison non porteuse | Non | Non |
| Nouvelle salle de bain | Non (sauf si déplacement colonnes) | Non |
| Changement sol | Non | Non |
| Modification électricité | Non | Non |
Ces travaux intérieurs ne nécessitent aucune autorisation particulière, sauf si le règlement de copropriété le prévoit.
Travaux touchant les parties communes
| Travaux | Autorisation copro | Majorité | Autorisation urbanisme |
|---|---|---|---|
| Percement mur porteur | Oui | Art. 25 | DP ou PC |
| Changer ses fenêtres | Oui | Art. 25 | DP |
| Fermer son balcon | Oui | Art. 25 ou 26 | DP ou PC |
| Installer une climatisation | Oui | Art. 25 | Parfois DP |
| Poser une antenne parabolique | Oui | Art. 25 | Non |
| Créer une véranda | Oui | Art. 26 | PC |
| Diviser un appartement | Oui | Art. 25 ou 26 | DP ou PC |
Les majorités en assemblée générale
Majorité simple (article 24) : majorité des voix des copropriétaires présents ou représentés. Pour les travaux d'entretien et de maintien en état.
Majorité absolue (article 25) : majorité des voix de tous les copropriétaires (présents, représentés et absents). Pour les travaux affectant les parties communes mais ne modifiant pas leur destination.
Double majorité (article 26) : 2/3 des voix de tous les copropriétaires. Pour les travaux modifiant la destination de l'immeuble ou l'aspect de la façade de manière significative.
Unanimité : pour les travaux supprimant un équipement commun ou portant atteinte aux droits privatifs d'un copropriétaire.
Procédure complète pour obtenir les accords
Étape 1 : Identifier les autorisations nécessaires
Avant tout, analysez votre projet :
- Touche-t-il aux parties communes ?
- Modifie-t-il l'aspect extérieur du bâtiment ?
- Le règlement de copropriété prévoit-il des restrictions ?
Si oui, vous devrez passer par l'AG. En parallèle, vérifiez si une autorisation d'urbanisme est requise.
Étape 2 : Préparer le dossier pour l'AG
Pour faire inscrire votre projet à l'ordre du jour de la prochaine AG, adressez une demande au syndic avec :
- Description précise des travaux
- Plans avant/après
- Devis de l'entreprise
- Étude de structure (si mur porteur)
- Attestation d'assurance décennale de l'entreprise
Le syndic doit recevoir votre demande au moins 2 mois avant la date prévue de l'AG pour l'inscrire à l'ordre du jour.
Étape 3 : Obtenir le vote de l'AG
Le jour de l'AG, le projet est présenté et soumis au vote à la majorité requise. Trois issues possibles :
- Accord : vous pouvez passer à la phase urbanisme
- Refus : vous pouvez contester devant le tribunal judiciaire
- Report : nouvelle présentation à la prochaine AG
Conservez précieusement le procès-verbal d'AG : il constitue la preuve de l'autorisation de la copropriété.
Étape 4 : Déposer l'autorisation d'urbanisme
Avec l'accord de l'AG en poche, déposez votre déclaration préalable ou permis de construire en mairie. Joignez le PV d'AG au dossier pour prouver l'accord de la copropriété.
Le pétitionnaire doit être vous-même (copropriétaire), pas le syndic. Vous êtes responsable de la conformité des travaux.
Étape 5 : Réaliser les travaux
Une fois les deux autorisations obtenues :
- Respectez les prescriptions de l'AG (matériaux, couleurs)
- Conformez-vous à l'autorisation d'urbanisme
- Informez le syndic du calendrier des travaux
- Respectez les horaires prévus par le règlement
À l'issue des travaux, déclarez leur achèvement (DAACT) si un permis de construire était requis. La copropriété peut aussi demander un contrôle de conformité.
Cas pratiques et exemples
Exemple 1 : Changement de fenêtres
Situation : Remplacement de fenêtres bois par des fenêtres PVC double vitrage dans un appartement.
Analyse copropriété :
- Les fenêtres sont des parties communes à usage privatif
- Autorisation AG requise (majorité article 25)
- Le règlement impose des fenêtres blanches
Analyse urbanisme :
- Modification de l'aspect extérieur → déclaration préalable obligatoire
- Zone ABF : avis de l'architecte des Bâtiments de France
Procédure :
- Inscription à l'ordre du jour de l'AG
- Vote favorable (majorité article 25)
- Dépôt déclaration préalable avec PV d'AG
- Délai instruction : 1 mois (2 mois si ABF)
- Travaux conformes à l'autorisation
Budget : 5 000 à 8 000 € pour 5 fenêtres (fourniture et pose).
Exemple 2 : Fermeture de balcon en véranda
Situation : Transformation d'un balcon de 10 m² en véranda fermée vitrée.
Analyse copropriété :
- Le balcon est une partie commune à usage privatif
- La fermeture modifie significativement la façade → majorité article 26 (2/3)
- Risque de refus si l'immeuble n'a pas de précédent
Analyse urbanisme :
- Création de surface de plancher (environ 10 m²)
- Si total appartement + véranda < 150 m² : pas d'architecte
- Déclaration préalable si < 20 m², permis de construire au-delà
Difficulté : Obtenir les 2/3 des voix. Préparez un dossier solide (visuels, matériaux, impact esthétique limité).
Exemple 3 : Installation climatisation avec unité extérieure
Situation : Pose d'une climatisation split avec groupe extérieur sur le balcon.
Analyse copropriété :
- L'unité extérieure est visible depuis l'extérieur
- Autorisation AG requise (majorité article 25)
- Vérification du règlement : certains interdisent les clim visibles
Analyse urbanisme :
- Généralement pas d'autorisation si discret
- Mais certaines communes l'exigent en zone protégée
Solution alternative : Si l'AG refuse, envisagez une climatisation sans groupe extérieur (monobloc) ou une installation en combles.
Exemple 4 : Travaux d'isolation par l'extérieur (ITE)
Situation : Le syndicat des copropriétaires vote des travaux d'ITE sur la façade.
Particularité : C'est un travaux collectif, pas individuel. Le vote se fait à la majorité article 25 (travaux d'amélioration énergétique).
Urbanisme : Déclaration préalable obligatoire (modification aspect extérieur). Le syndic dépose au nom du syndicat.
Financement : Réparti selon les tantièmes. Éligible aux aides (MaPrimeRénov' Copropriétés, CEE).
Erreurs à éviter
Erreur 1 : Faire les travaux sans accord de l'AG
Un copropriétaire qui réalise des travaux sur parties communes sans autorisation s'expose à :
- L'obligation de remise en état aux frais du fautif
- Des dommages et intérêts aux autres copropriétaires
- La contestation même des années plus tard (pas de prescription)
Exemple réel : Un copropriétaire ferme son balcon sans autorisation. Dix ans plus tard, lors de la vente, le notaire découvre l'irrégularité. L'acheteur exige une régularisation ou une réduction de prix.
Erreur 2 : Confondre accord AG et autorisation urbanisme
L'accord de l'AG ne dispense pas de l'autorisation d'urbanisme. Un projet approuvé par la copropriété mais réalisé sans déclaration préalable est en infraction. La mairie peut exiger la remise en état.
Inversement, un permis de construire ne vaut pas accord de la copropriété. Les autres copropriétaires peuvent contester et demander la démolition.
Erreur 3 : Mal évaluer la majorité requise
Présenter un projet à la majorité simple (art. 24) alors qu'il nécessite la majorité absolue (art. 25) rend le vote nul. Consultez le syndic ou un avocat spécialisé pour déterminer la bonne majorité.
Erreur 4 : Ne pas respecter le règlement de copropriété
Le règlement peut imposer des contraintes plus strictes que la loi : matériaux, couleurs, horaires de travaux. Un projet voté en AG mais non conforme au règlement peut être contesté par un copropriétaire minoritaire.
Solution : Lisez attentivement le règlement avant de définir votre projet. Si nécessaire, demandez une modification du règlement (majorité article 26).
Erreur 5 : Oublier la RE2020 pour les extensions importantes
Si vous créez plus de 50 m² de surface chauffée (grande véranda, extension sur terrasse), la RE2020 s'applique. Vous devrez fournir une attestation thermique au permis et une attestation de conformité à la fin des travaux. Un thermicien doit réaliser l'étude thermique.
Questions fréquentes
Quels travaux peut-on faire sans accord de la copropriété ?
Les travaux strictement intérieurs à votre lot privatif ne nécessitent pas l'accord de la copropriété : peinture, revêtements de sol, abattage de cloisons non porteuses, rénovation de salle de bain sans déplacement de colonnes. En revanche, dès que les travaux touchent aux parties communes (murs porteurs, façade, canalisations principales) ou modifient l'aspect extérieur (fenêtres, balcon), l'accord de l'AG est obligatoire.
Comment faire passer un projet en assemblée générale ?
Adressez une demande écrite au syndic au moins 2 mois avant la date prévue de l'AG. Joignez une description précise du projet, des plans, des devis, et si nécessaire une étude de structure. Le syndic inscrit votre demande à l'ordre du jour. Le jour de l'AG, présentez votre projet aux copropriétaires et répondez à leurs questions. Le vote a lieu à la majorité requise (art. 24, 25 ou 26 selon la nature des travaux).
Peut-on contester un refus de l’assemblée générale ?
Oui, vous pouvez saisir le tribunal judiciaire dans les 2 mois suivant la notification du procès-verbal d'AG. Mais attention : le juge n'autorisera pas votre projet, il vérifiera seulement si le refus est abusif. Un refus motivé par des raisons esthétiques ou techniques légitimes sera généralement confirmé. Avant d'engager une procédure coûteuse, tentez de modifier votre projet pour répondre aux objections.
Faut-il une autorisation d’urbanisme pour installer une climatisation ?
En principe, l'installation d'une climatisation avec groupe extérieur ne nécessite pas de déclaration préalable si elle est peu visible et réversible. Mais certaines communes l'exigent, notamment en zone protégée (ABF) ou dans les centres historiques. En copropriété, l'autorisation de l'assemblée générale est toujours requise car le groupe extérieur affecte l'aspect de la façade. Consultez le service urbanisme de votre mairie.
Quelle majorité pour changer les fenêtres en copropriété ?
Le changement de fenêtres (remplacement à l'identique ou changement de matériau/couleur) nécessite la majorité de l'article 25 (majorité absolue de tous les copropriétaires). Si le règlement de copropriété prévoit une uniformité des menuiseries, vous devrez respecter les matériaux et couleurs imposés. Une modification du règlement pour assouplir ces règles nécessiterait la majorité de l'article 26 (2/3 des voix).
Les travaux d’un copropriétaire peuvent-ils affecter les autres ?
Oui. Des travaux sur parties privatives peuvent avoir des conséquences sur les voisins : bruit, vibrations, dégâts des eaux, affaiblissement de la structure. C'est pourquoi certains travaux apparemment privatifs nécessitent l'accord de l'AG (percement mur porteur par exemple). Le copropriétaire qui cause des dommages est responsable et doit réparer. Souscrivez une assurance dommages-ouvrage pour les gros travaux.
Comment calculer la taxe d’aménagement en copropriété ?
La taxe d'aménagement s'applique à toute création de surface de plancher, y compris en copropriété. Si vous créez une véranda de 15 m², vous paierez la taxe sur ces 15 m². Le calcul est le même qu'en maison individuelle : surface × valeur forfaitaire × taux communal. La taxe est due par le pétitionnaire (vous), pas par le syndicat des copropriétaires.
Conclusion
Les travaux en copropriété obéissent à une double logique : le droit de la copropriété (loi de 1965) et le droit de l'urbanisme (Code de l'urbanisme). L'accord de l'assemblée générale ne suffit pas si une autorisation d'urbanisme est requise. Inversement, un permis de construire ne vaut pas accord de la copropriété.
Avant tout projet, identifiez les autorisations nécessaires, préparez un dossier solide, et anticipez les objections des copropriétaires. Le règlement de copropriété peut imposer des contraintes spécifiques qu'il faut respecter.
Pour les projets complexes (véranda, division d'appartement, percement de mur porteur), faites-vous accompagner par un professionnel. Le coût d'un architecte ou d'un avocat spécialisé est souvent rentabilisé par le gain de temps et la sécurité juridique.
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Sources : Loi du 10 juillet 1965 sur la copropriété, Code de l'urbanisme, Service-public.fr
