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Mise en Conformité : Régulariser des Travaux Non Autorisés

Mise en Conformité : Comment Régulariser des Travaux

Temps de lecture : 11 minutes

Vous avez construit une extension sans permis ? Modifié votre toiture autrement que prévu sur l'autorisation ? Un contrôle de conformité vient de révéler des écarts entre les travaux réalisés et le permis accordé ? La mise en conformité est la procédure qui permet de corriger cette situation. Contrairement aux idées reçues, la régularisation reste possible dans de nombreux cas. Mais elle suit des règles précises, et le temps joue contre vous. Voici comment procéder pour éviter les sanctions les plus lourdes.

Sommaire

  1. Qu'est-ce que la mise en conformité ?
  2. Les situations nécessitant une régularisation
  3. La procédure de mise en conformité
  4. Cas pratiques et exemples concrets
  5. Erreurs fréquentes à éviter
  6. Questions fréquentes
  7. Conclusion

Qu'est-ce que la mise en conformité ?

Définition juridique

La mise en conformité est l'action de corriger des travaux pour les rendre conformes soit à l'autorisation d'urbanisme délivrée, soit aux règles d'urbanisme en vigueur. Elle intervient après un constat de non-conformité par l'administration (article R462-9 du Code de l'urbanisme).

Deux cas de figure :

  1. Travaux réalisés sans autorisation : construction, extension, modification de façade effectués sans permis de construire ni déclaration préalable
  2. Travaux non conformes au permis : travaux réalisés différemment de ce qui était autorisé (surface plus grande, emplacement décalé, matériaux différents)

Les deux voies de régularisation

Face à une non-conformité, vous avez deux options :

Option 1 : Régulariser administrativement
Déposer un permis de construire ou une déclaration préalable a posteriori pour les travaux déjà réalisés. Cette voie n'est possible que si les travaux respectent les règles d'urbanisme actuelles (PLU notamment).

Option 2 : Corriger physiquement
Réaliser des travaux de mise en conformité pour adapter la construction au permis initial ou aux règles en vigueur. Parfois, cela implique de démolir une partie des travaux.

Le cadre légal

Les articles L421-1 et suivants du Code de l'urbanisme définissent les travaux soumis à autorisation. L'article L480-1 prévoit les sanctions pour travaux irréguliers : amende jusqu'à 6 000 € par m² de surface construite illégalement, avec un plafond porté à 300 000 €.

La prescription est de 6 ans pour l'action pénale et 10 ans pour l'action civile (recours des voisins).

Les situations nécessitant une régularisation

Après un contrôle de conformité

La visite de conformité (ou récolement) permet à l'administration de vérifier les travaux sur place. Elle est obligatoire dans certains cas :

  • Zone ABF (périmètre de monument historique)
  • Site classé ou inscrit
  • ERP (Établissement Recevant du Public)

Si la visite révèle des écarts, la mairie vous adresse une mise en demeure de vous mettre en conformité dans un délai imparti (souvent 3 à 6 mois).

Après une dénonciation

Un voisin signale vos travaux à la mairie ? Le maire est tenu de constater l'infraction et de dresser un procès-verbal. Ce signalement peut intervenir pendant les travaux ou après leur achèvement.

Lors d'une vente immobilière

Le notaire ou l'acheteur demande l'attestation de conformité. Si elle n'existe pas ou révèle une irrégularité, la vente peut être compromise. La régularisation devient alors urgente.

Lors d'un raccordement ou d'une assurance

EDF, Enedis ou votre assureur peuvent exiger une preuve de conformité. Sans elle, le raccordement définitif ou la garantie décennale peuvent être refusés.

La procédure de mise en conformité

Étape 1 : Identifier l'écart de conformité

Comparez les travaux réalisés avec l'autorisation accordée (plans du permis ou de la DP). Listez précisément les différences :

  • Surface réellement construite vs surface autorisée
  • Implantation sur le terrain (distances aux limites)
  • Hauteur de la construction
  • Aspect extérieur (matériaux, couleurs, ouvertures)

Un géomètre-expert peut établir un relevé précis de l'existant. Ce document sera essentiel pour la suite.

Étape 2 : Vérifier la conformité au PLU actuel

Consultez le PLU en vigueur. Les règles ont peut-être évolué depuis votre permis. Si vos travaux respectent le PLU actuel, la régularisation administrative est envisageable.

Points à vérifier :

  • Emprise au sol maximale (CES)
  • Hauteur maximale
  • Distances aux limites séparatives
  • Aspect extérieur (matériaux autorisés)

Étape 3 : Déposer une demande de régularisation

Pour une extension non autorisée de moins de 40 m² (en zone U avec PLU) :
Déposez une déclaration préalable avec le formulaire CERFA 13703. Joignez les plans de l'existant : plan de situation, plan de masse coté, façades.

Pour une construction de plus de 40 m² ou hors zone U :
Déposez un permis de construire (CERFA 13406). Le dossier complet doit représenter fidèlement les travaux réalisés.

Pour un écart mineur par rapport au permis :
Déposez un permis modificatif (CERFA 13411) qui corrige les plans initiaux.

Étape 4 : Attendre l'instruction

Les délais d'instruction sont identiques à une demande classique :

  • Déclaration préalable : 1 mois (2 mois si ABF)
  • Permis de construire : 2 mois (3 mois si ABF)

L'administration peut demander des pièces complémentaires. Un refus reste possible si les travaux violent les règles du PLU.

Étape 5 : Obtenir l'arrêté et l'afficher

Si la régularisation est accordée, vous recevez un arrêté de non-opposition (DP) ou un permis (PC). Affichez-le sur le terrain pendant 2 mois pour purger le délai de recours des tiers.

Cas pratiques et exemples concrets

Exemple 1 : Extension non déclarée de 25 m²

Situation : garage transformé en pièce habitable de 25 m² sans autorisation
Vérification PLU : la surface totale (maison 120 m² + extension 25 m²) = 145 m² < 150 m², donc pas d'architecte obligatoire
Procédure : déclaration préalable car < 40 m² en zone U
Coût : 0 € (pas de taxe rétroactive si régularisé avant contrôle)
Délai : 1 mois d'instruction + 2 mois de recours

L'extension non autorisée peut ainsi être régularisée simplement si elle respecte le PLU.

Exemple 2 : Véranda de 35 m² construite autrement que prévu

Situation : permis accordé pour véranda de 30 m², réalisée à 35 m² et décalée de 2 m
Écarts : surface (+5 m²) et implantation
Vérification : respect des distances aux limites ? de l'emprise maximale ?
Procédure : permis modificatif si les règles sont respectées
Risque : si la nouvelle implantation viole le retrait minimum, il faudra démolir partiellement

Exemple 3 : Piscine construite sans autorisation

Situation : piscine de 50 m² sans déclaration
PLU : autorise les piscines, distance minimum aux limites : 3 m
Réalité : piscine à 2 m de la limite séparative
Conséquence : la régularisation est impossible car le PLU n'est pas respecté
Solution : soit modifier la piscine (techniquement complexe et coûteux), soit risquer un ordre de démolition

Les coûts de régularisation peuvent exploser en cas de travaux physiques nécessaires.

Exemple 4 : Maison construite avec façades différentes

Situation : permis accordé avec façade enduit blanc, réalisée en bardage bois
Vérification PLU : le bardage bois est-il autorisé dans la zone ?
Si oui : permis modificatif pour régulariser
Si non : mise en conformité obligatoire (repeindre ou ré-enduire)
Conseil : utilisez un logiciel de plan pour produire des plans de façade corrects

Erreurs fréquentes à éviter

Erreur n°1 : Attendre la prescription

Croire qu'après 6 ans "c'est prescrit" est une erreur courante. La prescription pénale de 6 ans ne supprime pas l'obligation de mise en conformité. L'administration peut toujours exiger une régularisation. Et un voisin dispose de 10 ans pour agir en civil (article 2224 du Code civil).

Erreur n°2 : Ne pas répondre à la mise en demeure

Ignorer le courrier de la mairie aggrave la situation. Le délai fixé commence à courir, et l'absence de réponse peut entraîner des poursuites pénales. Répondez toujours, même pour demander un délai supplémentaire.

Erreur n°3 : Tenter de régulariser l'irrégularisable

Certaines constructions violent des règles d'urbanisme non négociables : zone naturelle N, zone inondable, périmètre de monument historique sans avis ABF favorable. Dans ces cas, la démolition reste la seule issue. Consultez un avocat spécialisé avant d'engager des frais.

Erreur n°4 : Sous-estimer les coûts

La régularisation administrative coûte peu (frais de dossier). Mais si des travaux de mise aux normes sont nécessaires, la facture peut atteindre plusieurs dizaines de milliers d'euros. Anticipez ce scénario.

Erreur n°5 : Oublier l'accessibilité PMR (ERP)

Pour les locaux recevant du public, la mise en conformité inclut souvent l'accessibilité PMR : rampes, largeur de portes, sanitaires adaptés. Un Ad'AP (Agenda d'Accessibilité Programmée) peut étaler ces travaux sur 3 à 9 ans.

Questions fréquentes

Quel délai pour une mise en conformité urbanisme ?

Le délai est fixé par l'administration dans la mise en demeure, généralement entre 3 et 6 mois. Ce délai peut être prolongé sur demande motivée si les travaux de mise en conformité sont complexes. En cas de non-respect, le maire peut saisir le procureur pour poursuites pénales ou le tribunal administratif pour ordonner la démolition sous astreinte.

Mise en conformité ou permis modificatif : quelle différence ?

Le permis modificatif corrige un permis existant pour des modifications mineures (changement de matériaux, légers ajustements de surface). La mise en conformité vise à régulariser des travaux réalisés sans aucune autorisation ou avec des écarts majeurs par rapport au permis. Dans le premier cas, le formulaire est le CERFA 13411 ; dans le second, c'est une nouvelle demande complète (CERFA 13406 ou 13703).

Combien coûte une mise en conformité urbanisme ?

La demande de régularisation elle-même est gratuite. Les coûts indirects comprennent : honoraires de géomètre (500 à 1 500 €) pour les relevés, frais de dossier si vous faites appel à un professionnel (1 000 à 3 000 €). Si des travaux physiques sont nécessaires, comptez plusieurs milliers à dizaines de milliers d'euros. Les amendes en cas de condamnation pénale peuvent atteindre 6 000 €/m² de surface irrégulière.

Peut-on vendre une maison non conforme ?

Oui, mais avec des risques pour les deux parties. Le vendeur doit informer l'acheteur de la non-conformité (obligation de loyauté). L'acheteur reprend la responsabilité de la régularisation ou assume le risque d'une mise en demeure. Le prix de vente est généralement négocié à la baisse. Le notaire peut refuser d'instrumenter si le risque juridique est trop élevé.

Quelles modifications de façade sont soumises à déclaration ?

Toute modification de l'aspect extérieur nécessite une déclaration préalable : création ou suppression d'ouvertures, changement de matériaux (enduit → bardage), modification des menuiseries (couleur, forme), pose de panneaux solaires visibles, ravalement modifiant l'aspect. En secteur protégé (ABF), même un simple ravalement à l'identique peut nécessiter une autorisation.

La régularisation efface-t-elle l’infraction pénale ?

Non, la régularisation administrative n'efface pas l'infraction commise. Elle permet en revanche de mettre fin aux poursuites en cours et d'éviter la condamnation la plus lourde (démolition). Si l'action pénale est déjà engagée, le tribunal peut prononcer une relaxe si les travaux sont régularisés, mais l'amende reste possible. La régularisation montre la bonne foi du propriétaire.

Comment régulariser des travaux en zone ABF ou monument historique ?

En zone de monuments historiques, l'avis de l'Architecte des Bâtiments de France (ABF) est obligatoire. La régularisation sera accordée uniquement si l'ABF donne un avis favorable. Si les travaux dénaturent le site, l'ABF peut exiger une mise en conformité physique (démolition, modification). Les délais d'instruction sont allongés (2 mois pour DP, 3 mois pour PC). Anticipez un refus possible et consultez l'ABF en amont.

Conclusion

La mise en conformité est une procédure encadrée qui permet de régulariser la plupart des situations irrégulières en urbanisme. Retenez ces points clés :

Agissez vite : plus vous attendez, plus les risques augmentent (poursuites pénales, démolition, difficultés de vente).

Vérifiez le PLU : la régularisation n'est possible que si les travaux respectent les règles actuelles. Sinon, des travaux de mise en conformité physique seront nécessaires.

Constituez un dossier complet : plan de masse coté, plan de situation, façades, photos. Un dossier bâclé sera retourné pour pièces manquantes.

Ne négligez pas l'aspect pénal : la régularisation administrative n'efface pas l'infraction, mais elle limite considérablement les sanctions.

Si vous recevez une mise en demeure de la mairie, ne l'ignorez jamais. Consultez un professionnel (architecte, avocat spécialisé) pour évaluer vos options et engager la procédure adaptée.


Sources : Code de l'urbanisme (articles L421-1, L480-1, R462-9, R462-10), Service-public.fr, Legifrance