Enseigne Commerciale : Quelle Autorisation pour l'Installer ?
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Ouvrir un commerce, c'est aussi marquer sa présence dans la rue. L'enseigne commerciale joue ce rôle fondamental de signalement et d'identification. Mais sa pose ne s'improvise pas : depuis janvier 2024, l'autorisation d'enseigne relève de la compétence exclusive du maire. Que votre projet concerne une enseigne lumineuse, une enseigne drapeau ou un simple panneau sur façade, des règles précises encadrent les dimensions, l'implantation et l'aspect extérieur du dispositif. Les sanctions en cas d'infraction peuvent atteindre 7 500 € d'amende pénale. Voici comment procéder pour installer votre enseigne dans les règles.
Sommaire
- Qu'est-ce qu'une enseigne commerciale ?
- Autorisation ou déclaration : quelle procédure ?
- Le Règlement Local de Publicité (RLP)
- Les zones protégées et l'avis ABF
- Cas pratiques et exemples
- Erreurs à éviter
- Questions fréquentes
Qu'est-ce qu'une enseigne commerciale ?
L'enseigne commerciale est définie par l'article L581-3 du Code de l'environnement comme toute inscription, forme ou image apposée sur un immeuble et relative à une activité qui s'y exerce. Elle se distingue de la publicité (qui promeut un produit ou service sans lien avec le lieu) et du pré-enseigne (qui signale une activité à proximité).
Les différents types d'enseignes
La réglementation distingue plusieurs catégories selon leur implantation et leur mode de fonctionnement :
Selon la position :
- Enseigne parallèle (ou en bandeau) : fixée sur la façade, dans le plan du mur
- Enseigne perpendiculaire (ou drapeau) : en saillie par rapport à la façade
- Enseigne scellée au sol : implantée sur le terrain de l'établissement
- Enseigne sur toiture : posée au-dessus du niveau de l'égout du toit
Selon le fonctionnement :
- Enseigne non lumineuse : lettres peintes, panneau classique
- Enseigne lumineuse : éclairée de l'intérieur ou par projection
- Enseigne clignotante : interdite sauf pharmacies et services d'urgence
- Enseigne numérique (LED, écran) : soumise à des règles spécifiques
Le cadre juridique
La réglementation des enseignes relève principalement du Code de l'environnement (articles L581-1 à L581-45). Depuis le 1er janvier 2024, la loi 3DS a transféré la compétence d'autorisation des enseignes aux maires, auparavant partagée avec le préfet.
Cette autorisation d'enseigne ne doit pas être confondue avec les autorisations d'urbanisme classiques comme le permis de construire ou la déclaration préalable de travaux. Il s'agit d'une procédure spécifique, distincte, même si les services instructeurs peuvent être les mêmes.
Enseigne et modification de façade
Si la pose de votre enseigne implique des travaux modifiant l'aspect extérieur du bâtiment (percement, création d'un support saillant important), une déclaration préalable de travaux peut s'ajouter à l'autorisation d'enseigne. Le formulaire CERFA 13703 sera alors nécessaire en complément du CERFA d'enseigne.
Autorisation ou déclaration : quelle procédure ?
Le régime de l'autorisation préalable
Dans la grande majorité des cas, l'installation d'une enseigne nécessite une autorisation préalable délivrée par le maire. Cette autorisation est obligatoire avant tout commencement des travaux d'installation.
Le CERFA 14798*01 est le formulaire de demande d'autorisation d'enseigne. Il doit être déposé en 3 exemplaires auprès du service urbanisme de la mairie.
Le dossier comprend :
- Le formulaire CERFA complété
- Un plan de situation du terrain
- Un plan de masse ou un plan cadastral
- Une représentation graphique de l'enseigne (dimensions, couleurs, matériaux)
- Des photographies du bâtiment et de l'environnement
- Un plan de façade montrant l'implantation de l'enseigne
Le régime de la déclaration préalable d'enseigne
Dans certaines communes disposant d'un Règlement Local de Publicité (RLP) le prévoyant, une simple déclaration peut suffire pour les enseignes de petite taille ou non lumineuses.
Le CERFA 14799*01 correspond à la déclaration préalable d'enseigne (à ne pas confondre avec le CERFA 14799 de déclaration préalable publicité). Il se dépose en 2 exemplaires.
Délai d'instruction
Le délai d'instruction de la demande d'enseigne est de 2 mois à compter du dépôt d'un dossier complet. À l'expiration de ce délai, le silence de l'administration vaut accord tacite.
Ce délai peut être prolongé en cas de consultation obligatoire, notamment :
- Dans les secteurs sauvegardés (Sites Patrimoniaux Remarquables)
- Aux abords des monuments historiques
- En site classé ou inscrit
Le délai d'instruction d'un permis de construire suit une logique différente mais le principe de l'accord tacite s'applique de façon comparable.
Durée de validité de l'autorisation
L'autorisation d'enseigne est délivrée pour une durée indéterminée. Elle reste valable tant que l'enseigne est conforme à l'autorisation délivrée et que l'activité commerciale se poursuit.
En revanche, l'autorisation devient caduque :
- Si l'activité cesse
- Si l'enseigne est modifiée sans nouvelle autorisation
- Si le propriétaire change et ne reprend pas l'activité
La durée de validité d'un permis de construire obéit à d'autres règles (3 ans avec possibilité de prorogation).
Le Règlement Local de Publicité (RLP)
Qu'est-ce que le RLP ?
Le RLP (Règlement Local de Publicité) est un document d'urbanisme facultatif que les communes ou intercommunalités peuvent adopter pour définir des règles locales en matière de publicité, enseignes et pré-enseignes.
En l'absence de RLP, c'est le règlement national de publicité (RNP) qui s'applique, avec des règles générales fixées par le Code de l'environnement.
Ce que le RLP peut réglementer
Un RLP peut fixer des règles plus strictes que le règlement national sur :
| Paramètre | Règlement national | RLP possible |
|---|---|---|
| Surface enseigne parallèle | Libre (proportionnelle à la façade) | Limitée (ex : 6 m² max) |
| Saillie enseigne drapeau | 2 m max au-dessus domaine public | Réduite (ex : 0,80 m) |
| Hauteur enseigne scellée | 6,50 m max | Réduite (ex : 4 m) |
| Enseigne lumineuse | Autorisée | Interdite en certaines zones |
| Couleurs | Libres | Palette imposée |
Où consulter le RLP ?
Le RLP est consultable :
- En mairie, au service urbanisme
- Sur le site internet de la commune ou de l'intercommunalité
- Via le Géoportail de l'urbanisme (pour les communes l'ayant numérisé)
Comme pour le PLU, vérifiez systématiquement l'existence d'un RLP avant de concevoir votre enseigne. Une enseigne conforme au règlement national peut être refusée si elle contrevient au RLP local.
Les zones protégées et l'avis ABF
Les secteurs nécessitant l'avis de l'ABF
Dans certaines zones, l'Architecte des Bâtiments de France (ABF) doit être consulté sur les demandes d'enseigne :
Périmètres des monuments historiques :
Les monuments historiques bénéficient d'un périmètre de protection de 500 mètres (ou d'un Périmètre Délimité des Abords plus précis). Toute enseigne visible depuis ou en co-visibilité avec le monument requiert un avis ABF.
Sites Patrimoniaux Remarquables (SPR) :
Ces zones (anciennes ZPPAUP, AVAP, secteurs sauvegardés) sont soumises à un contrôle renforcé de l'ABF. L'avis porte sur l'intégration de l'enseigne dans le paysage urbain protégé.
Sites classés et inscrits :
Les sites classés interdisent généralement toute enseigne. En site inscrit, l'enseigne peut être autorisée sous conditions strictes.
L'impact de l'avis ABF
L'avis de l'ABF peut être :
- Conforme : le maire doit le suivre
- Simple : le maire peut s'en écarter sous motivation
En secteur ABF, les prescriptions portent généralement sur :
- Les dimensions (plus réduites qu'en zone banale)
- Les matériaux (bois, métal patiné plutôt que PVC ou aluminium brillant)
- Les couleurs (nuancier local)
- L'éclairage (souvent interdit ou limité)
- La typographie (polices classiques privilégiées)
Exemples de prescriptions ABF
| Zone | Prescription courante |
|---|---|
| Abords monument historique | Enseigne non lumineuse uniquement |
| Site patrimonial remarquable | Surface max 2 m², lettres découpées |
| Site classé | Enseigne interdite |
| ZPPAUP/AVAP | Couleurs du nuancier local obligatoires |
Cas pratiques et exemples
Exemple 1 : Enseigne de boutique en centre-ville
Situation : Mme Durand ouvre une boutique de vêtements dans le centre-ville d'une commune de 25 000 habitants. Elle souhaite poser une enseigne en lettres lumineuses sur la façade (4 m de long x 0,60 m de haut) et une enseigne drapeau perpendiculaire.
Analyse :
- Commune sans RLP : règlement national applicable
- Zone hors périmètre monument historique : pas d'avis ABF
- Surface enseigne parallèle : 2,4 m² (conforme)
- Saillie drapeau : prévoir max 2 m au-dessus du domaine public
Procédure : Demande d'autorisation CERFA 14798 en 3 exemplaires. Délai 2 mois. Coût dossier : 0 € (pas de taxe sur les enseignes dans cette commune).
Coût installation : 3 500 à 5 500 € pour l'enseigne lumineuse + 800 à 1 200 € pour le drapeau.
Exemple 2 : Enseigne en zone ABF
Situation : Un restaurant s'installe à 200 m d'une église classée monument historique. Le restaurateur souhaite une enseigne lumineuse rouge de 5 m².
Analyse :
- Périmètre monument historique : avis ABF conforme obligatoire
- L'ABF imposera probablement une enseigne non lumineuse
- Surface à réduire selon prescriptions locales
Déroulement : L'ABF a demandé :
- Enseigne non lumineuse en lettres découpées métal
- Surface réduite à 2 m²
- Couleur gris anthracite (RAL 7016)
- Suppression de l'enseigne drapeau initialement prévue
Délai total : 2,5 mois (échanges avec l'ABF).
Surcoût : +800 € par rapport au projet initial (lettres découpées métal au lieu de caisson lumineux).
Exemple 3 : Enseigne scellée au sol pour un garage automobile
Situation : Un garage automobile en zone commerciale périurbaine souhaite installer un totem lumineux de 6 m de hauteur.
Analyse :
- Zone commerciale avec RLP : vérifier les règles locales
- Hauteur 6 m < 6,50 m (conforme au règlement national)
- Le RLP autorise les enseignes scellées jusqu'à 8 m en zone d'activités
Procédure : CERFA 14798 + plan d'implantation précis. Délai 2 mois.
Coût : Totem lumineux double face 6 m : 8 000 à 15 000 € selon finitions. Si le projet nécessite également un changement de destination pour les locaux, une autorisation distincte sera requise.
Erreurs à éviter
1. Poser l'enseigne avant d'avoir l'autorisation
L'enseigne commerciale autorisation préalable n'est pas une formalité optionnelle. Installer une enseigne sans attendre la décision expose à :
- Une mise en demeure de retrait
- Une amende administrative de 1 500 €
- Une amende pénale jusqu'à 7 500 €
Après réception de l'autorisation, vous disposez de 2 mois pour installer l'enseigne. Comme pour l'ouverture de chantier d'une construction, vous pouvez déposer une déclaration d'ouverture de chantier pour formaliser le démarrage des travaux.
2. Ignorer le RLP de la commune
Le règlement local de publicité peut interdire ce que le règlement national autorise. Une enseigne lumineuse parfaitement légale au plan national peut être refusée si le RLP local l'interdit en centre-ville.
Conseil : demandez systématiquement au service urbanisme si un RLP est applicable et quelles sont ses prescriptions pour votre zone.
3. Négliger l'impact sur le bail commercial
Si vous êtes locataire, vérifiez les clauses de votre bail concernant les enseignes. Le propriétaire peut avoir son mot à dire sur l'emplacement et l'aspect de l'enseigne. Certains baux imposent une validation préalable.
De même, en copropriété, le règlement de copropriété peut restreindre les possibilités d'enseigne sur les parties communes (façade).
4. Oublier la taxe locale sur les enseignes (TLPE)
Certaines communes ont institué une taxe locale sur la publicité extérieure (TLPE) qui frappe également les enseignes. Le taux varie selon la commune et la surface de l'enseigne.
Exemple : Paris applique un tarif de 62 € / m² pour les enseignes non lumineuses et jusqu'à 124 € / m² pour les enseignes lumineuses (tarifs 2024).
5. Sous-estimer les contraintes techniques
Une enseigne lumineuse nécessite une alimentation électrique. Prévoir :
- L'accord du gestionnaire de réseau pour le raccordement
- La conformité de l'installation (norme NF C 15-100)
- L'accessibilité pour la maintenance
Pour les enseignes imposantes, la résistance au vent doit être calculée. Un architecte d'intérieur peut vous accompagner sur l'aspect esthétique, mais les calculs de structure relèvent d'un bureau d'études.
Questions fréquentes
Où déposer une demande d’autorisation d’enseigne ?
La déclaration enseigne mairie se fait auprès du service urbanisme de la commune où se situe l'établissement. Depuis janvier 2024, le maire est l'autorité compétente exclusive pour délivrer les autorisations d'enseigne. Déposez le CERFA 14798 en 3 exemplaires ou envoyez-le par lettre recommandée avec accusé de réception. Certaines communes proposent désormais le dépôt en ligne via leur portail d'urbanisme.
Quel CERFA pour une demande d’enseigne ?
Le CERFA 14798*01 est le formulaire de demande d'autorisation d'enseigne. Il doit être accompagné des pièces graphiques (plan de situation, plan de façade, représentation de l'enseigne, photographies). Pour une simple déclaration préalable (dans les communes où le RLP le prévoit), utilisez le CERFA 14799 publicité adapté. Ces formulaires sont téléchargeables sur service-public.fr.
Peut-on installer une enseigne lumineuse sans autorisation ?
Non, une enseigne lumineuse autorisation préalable est obligatoire dans tous les cas. L'éclairage ne dispense pas de la procédure d'autorisation et peut même la compliquer en zone protégée où les enseignes lumineuses sont souvent interdites ou limitées. De plus, des règles spécifiques d'extinction nocturne s'appliquent (entre 1h et 6h du matin pour les enseignes lumineuses, sauf activités de nuit). Le non-respect expose à des amendes.
Faut-il une autorisation pour poser une enseigne ?
Oui, la pose enseigne autorisation est obligatoire pour toute enseigne commerciale, qu'elle soit lumineuse ou non, petite ou grande. Seules exceptions très limitées : certaines enseignes temporaires pour des événements ponctuels. L'autorisation doit être obtenue avant l'installation. Une fois accordée, elle est valable tant que l'activité persiste et que l'enseigne n'est pas modifiée. Le transfert à un nouveau propriétaire exploitant la même activité ne nécessite pas de nouvelle autorisation.
Quel délai pour obtenir une autorisation d’enseigne ?
Le délai d'instruction est de 2 mois à compter du dépôt d'un dossier complet. Si l'administration ne répond pas dans ce délai, l'autorisation est réputée accordée (accord tacite). Ce délai peut être prolongé si une consultation de l'ABF est nécessaire (zones protégées). Contrairement au permis de construire, aucune majoration forfaitaire du délai n'est prévue ; la mairie doit notifier une prolongation motivée le cas échéant.
Quelle différence entre déclaration et autorisation d’enseigne ?
L'autorisation (CERFA 14798) est le régime de droit commun : la mairie délivre une décision expresse ou tacite après instruction. La déclaration préalable (CERFA 14799) est un régime simplifié prévu par certains RLP pour les enseignes de faible impact (petite taille, non lumineuses). En déclaration, vous informez la mairie et pouvez procéder à l'installation sauf opposition dans le délai d'un mois. La plupart des enseignes commerciales relèvent du régime de l'autorisation.
Comment savoir si un balcon peut accueillir une enseigne ?
L'installation d'une enseigne sur un balcon ou une terrasse dépend du règlement de copropriété (si applicable) et du RLP local. En copropriété, les parties communes (façade, balcon en saillie) ne peuvent recevoir d'enseigne sans autorisation de l'assemblée générale. Le RLP peut interdire les enseignes sur les éléments en saillie. Vérifiez également les règles de sécurité : l'enseigne ne doit pas présenter de danger pour les passants.
Conclusion
L'installation d'une enseigne commerciale exige une anticipation rigoureuse. Même si la procédure semble simple (un formulaire, 2 mois d'attente), les contraintes locales peuvent considérablement compliquer le projet : RLP restrictif, zone ABF, prescriptions architecturales.
Avant de contacter un enseigniste, trois vérifications s'imposent :
- L'existence d'un RLP et ses prescriptions pour votre zone
- La situation de votre local par rapport aux monuments historiques et sites protégés
- Les clauses de votre bail et du règlement de copropriété
En cas de doute, sollicitez un rendez-vous avec le service urbanisme de votre mairie. Un échange préalable peut vous éviter de concevoir un projet qui sera refusé. Si votre projet commercial implique également des travaux d'aménagement nécessitant un permis et que la surface totale dépasse 150 m², le recours à un architecte sera obligatoire pour cette partie du dossier.
L'enseigne est le premier contact visuel avec votre clientèle : prenez le temps de la concevoir dans le respect des règles, elle n'en sera que plus durable.
Sources : Code de l'environnement (articles L581-1 à L581-45), Loi 3DS du 21 février 2022, Légifrance, Service-public.fr
