Droit de préemption urbain : quand la mairie peut acheter votre bien
Vous vendez votre maison ou votre terrain et la mairie vous informe qu’elle souhaite l’acquérir en priorité ? C’est le droit de préemption urbain (DPU). Voici tout ce que vous devez savoir sur ce droit, ses limites et vos recours.

Qu’est-ce que le droit de préemption urbain ?
Le droit de préemption urbain (DPU) permet à une commune (ou un établissement public) de se substituer à l’acquéreur d’un bien immobilier pour réaliser des opérations d’intérêt général.
Base légale : Articles L210-1 à L213-18 du Code de l’urbanisme.
Pourquoi ce droit existe-t-il ?
Le DPU vise à permettre aux collectivités de :
- Constituer des réserves foncières
- Réaliser des équipements publics (écoles, voiries)
- Créer des logements sociaux
- Préserver des espaces naturels ou agricoles
- Rénover des quartiers anciens
DPU Simple vs DPU renforcé
| Type | Biens concernés | Conditions |
|---|---|---|
| DPU simple | Terrains nus, immeubles, droits sociaux de SCI | Zone urbaine U ou à urbaniser AU du PLU |
| DPU renforcé | Tous les biens du DPU simple + lots de copropriété, bâtiments < 10 ans | Délibération spécifique du conseil municipal |
Quand le DPU s’applique-t-il ?
Zones concernées
Le DPU ne peut s’appliquer que dans les zones délimitées par la commune :
- Zones U (urbaines) du PLU
- Zones AU (à urbaniser) du PLU
- Périmètres de ZAC (Zone d’Aménagement Concerté)
- Périmètres de protection des monuments historiques
- Zones de préemption commerciale
Opérations soumises au DPU
| Soumis au DPU | Non soumis au DPU |
|---|---|
| Vente d’un terrain | Donation |
| Vente d’une maison | Succession |
| Vente d’un appartement (DPU renforcé) | Échange |
| Vente de parts de SCI | Partage familial |
| Vente aux enchères | Apport en société |
Note : La vente entre parents jusqu’au 4e degré n’est pas soumise au DPU.
La Procédure de préemption
Étape 1 : La Déclaration d’Intention d’Aliéner (DIA)
Avant toute vente, le vendeur (ou son notaire) doit adresser une DIA à la mairie contenant :
- Identité du vendeur et de l’acquéreur pressenti
- Prix et conditions de la vente
- Description du bien (surface, affectation)
- Existence éventuelle de locataires
Délai : La DIA doit être envoyée par lettre recommandée ou déposée en mairie.
Étape 2 : Le délai de réponse
La commune dispose de 2 mois pour :
| Décision | Conséquence |
|---|---|
| Silence | Renonciation tacite, vous pouvez vendre |
| Renonciation expresse | Vous pouvez vendre |
| Préemption au prix demandé | La commune achète au prix prévu |
| Préemption à un prix inférieur | Négociation ou saisine du juge |
| Demande de visite | Délai prolongé de 1 mois |
Étape 3 : En cas de désaccord sur le prix
Si la commune propose un prix inférieur, vous avez 3 options :
- Accepter le prix proposé
- Retirer le bien de la vente (maintenir le statu quo)
- Saisir le juge de l’expropriation pour fixer le prix
Le juge rendra sa décision sous 6 à 12 mois. Ni vous ni la commune n’êtes tenus d’accepter le prix fixé par le juge.
Motivations et projet de la commune
Obligation de motivation
Depuis 2014, la commune doit motiver sa décision de préemption en indiquant :
- L’objet pour lequel le droit est exercé (logement social, équipement…)
- La nature de l’opération envisagée
- Le cas échéant, le délai de réalisation
Projets justifiant une préemption
- Construction de logements sociaux
- Création d’équipements publics (école, médiathèque)
- Aménagement d’espaces verts
- Résorption de l’habitat insalubre
- Extension du centre-ville
Absence de projet = préemption illégale
Une préemption sans projet précis et réel est illégale. La commune ne peut pas préempter pour constituer une réserve foncière sans perspective concrète d’utilisation.
Vos droits et recours
Contester la préemption
Vous pouvez saisir le tribunal administratif dans un délai de 2 mois pour contester :
- L’absence ou l’insuffisance de motivation
- L’inexistence d’un projet réel
- Le non-respect de la procédure
- L’erreur manifeste d’appréciation sur le prix
Motifs d’annulation fréquents
| Motif | Exemple |
|---|---|
| Défaut de motivation | « Pour les besoins de la commune » sans plus de précision |
| Projet fictif | Projet non budgété, pas de délibération |
| Détournement de pouvoir | Préemption pour « punir » un administré |
| Erreur de droit | Bien non situé en zone de préemption |
Conséquences de l’annulation
Si le tribunal annule la préemption :
- La vente initiale peut être conclue (si l’acquéreur est toujours intéressé)
- Vous pouvez demander des dommages et intérêts
- La commune peut avoir à rembourser ses frais de procédure
Cas particuliers
Préemption sur les fonds de commerce
Le droit de préemption commercial (DPC) permet à la commune de préempter les cessions de fonds de commerce pour maintenir la diversité commerciale de proximité.
- Applicable dans les périmètres définis par délibération
- Objectif : éviter la multiplication de certaines activités (kebabs, banques…)
- Délai de réponse : 2 mois également
Préemption dans les espaces naturels sensibles
Le département peut exercer un droit de préemption dans les Espaces Naturels Sensibles (ENS) pour :
- Préserver les sites naturels
- Ouvrir des espaces au public
- Protéger les zones humides
Ce droit est délégué au Conservatoire du littoral sur les zones côtières.
Préemption et permis de construire
Si vous vendez un terrain avec un permis de construire en cours :
- La commune peut toujours préempter
- Le permis est transféré au nouvel acquéreur (la commune)
- La commune n’est pas tenue de réaliser votre projet
Impact sur la vente immobilière
Délais de vente allongés
La procédure de DPU rallonge le délai de vente de 2 à 3 mois minimum :
- Envoi de la DIA
- Délai de réponse (2 mois)
- Éventuelle négociation ou recours
Incertitude pour l’acquéreur
L’acquéreur potentiel subit l’incertitude :
- Pas de garantie que la vente aboutira
- Risque de préemption à un prix inférieur (renonciation possible)
- Immobilisation des fonds pendant la procédure
Clause suspensive
Il est recommandé d’inclure dans le compromis une clause suspensive :
« La vente est conclue sous la condition suspensive de non-exercice du droit de préemption ou de renonciation expresse de la commune. »
Questions fréquentes
La commune peut-elle préempter à n’importe quel prix ?
Non, si la commune propose un prix inférieur au vôtre, vous pouvez refuser et demander au juge de l’expropriation de fixer le prix. Le juge évaluera le bien sur la base de sa valeur vénale réelle. Ni vous ni la commune n’êtes obligés d’accepter ce prix : vous pouvez retirer le bien de la vente, et la commune peut renoncer à préempter.
Comment savoir si mon bien est en zone de préemption ?
Consultez le PLU de votre commune, disponible en mairie ou sur le site de la collectivité. Les zones de préemption (U et AU) y sont clairement identifiées. Vous pouvez également demander un certificat d’urbanisme qui mentionnera si le terrain est situé en zone de préemption et quel est le titulaire du droit.
La préemption est-elle fréquente ?
Non, le droit de préemption est rarement exercé. Sur les millions de DIA déposées chaque année, moins de 1% donnent lieu à une préemption effective. Les communes préemptent principalement pour des projets précis : construction de logements sociaux, équipements publics, ou rénovation urbaine.
Puis-je vendre à ma famille sans DIA ?
Oui, les ventes entre parents ou alliés jusqu’au 4e degré (parents, enfants, frères, sœurs, oncles, tantes, cousins germains) sont dispensées de DIA et donc de préemption. De même, les donations, successions, échanges et apports en société ne sont pas soumis au DPU.
Que se passe-t-il si la mairie ne réalise pas son projet ?
Si la commune ne réalise pas l’opération ayant justifié la préemption dans un délai de 5 ans, vous disposez d’un droit de rétrocession. Vous pouvez demander à racheter le bien en priorité, au prix auquel il avait été acquis. Ce droit doit être exercé dans les 3 ans suivant la fin du délai de 5 ans.
Conclusion
Le droit de préemption urbain est un outil au service de l’intérêt général, mais il est strictement encadré. Si votre bien est préempté, vérifiez que la commune respecte la procédure et dispose d’un projet réel. En cas de doute, n’hésitez pas à contester devant le tribunal administratif.
Vous envisagez de vendre un bien en zone de préemption ? Anticipez la procédure avec votre notaire et consultez nos experts pour comprendre les implications urbanistiques de votre terrain.
