Diviser un Appartement en Copropriété : Règles et Démarches Complètes
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Vous possédez un grand appartement de 120 m² et souhaitez le diviser en deux logements distincts pour louer ou revendre séparément ? Cette opération, juridiquement et techniquement complexe, nécessite plusieurs autorisations : celle de la copropriété, celle de la mairie, et le respect de nombreuses normes. Diviser un appartement en copropriété ne s'improvise pas — sans les bonnes démarches, vous risquez l'annulation de la division, des amendes et l'obligation de remettre les lieux en état. Cet article vous guide pas à pas, du vote en assemblée générale au dépôt du dossier en mairie, en passant par les pièges à éviter.
Sommaire
- Ce qu'implique la division d'un appartement
- Les démarches obligatoires
- Cas pratiques de divisions réussies
- Erreurs à éviter
- Questions fréquentes
- Conclusion
Ce qu'implique la division d'un appartement
Définition juridique de la division
Diviser un appartement en copropriété consiste à créer, à partir d'un lot de copropriété unique, deux ou plusieurs lots distincts, chacun disposant de son propre accès, de ses propres compteurs et pouvant être vendu ou loué de manière indépendante. Cette opération implique une modification de l'état descriptif de division de la copropriété et une création de nouveaux tantièmes.
La division foncière d'un terrain est réglementée par le Code de l'urbanisme (articles R421-19 et suivants), mais la division d'un appartement relève d'abord du droit de la copropriété (loi du 10 juillet 1965) et du règlement de copropriété. Les deux régimes s'articulent et doivent être respectés.
Le cadre légal de la copropriété
Le règlement de copropriété définit les règles applicables à chaque lot. Avant toute division, vous devez vérifier :
- Les restrictions du règlement : certains règlements interdisent expressément la division des lots ou imposent une surface minimale par logement
- La destination de l'immeuble : un immeuble à destination bourgeoise peut limiter le nombre de logements
- Les parties communes concernées : créer un nouvel accès ou modifier les réseaux touche les parties communes
La division modifie l'état descriptif de division, qui recense tous les lots de la copropriété. Cette modification nécessite l'intervention d'un géomètre-expert et le vote de l'assemblée générale.
Les surfaces minimales à respecter
Depuis la loi ELAN de 2018 et le décret décence, un logement doit respecter des surfaces minimales :
| Critère | Minimum légal |
|---|---|
| Surface habitable | 9 m² |
| Volume habitable | 20 m³ |
| Hauteur sous plafond | 2,20 m |
Ces seuils sont des minima absolus pour louer un logement. En pratique, diviser un appartement de 80 m² en deux studios de 40 m² est réaliste. Diviser un 50 m² en deux 25 m² est limite mais possible. Diviser un 30 m² en deux 15 m² respecte la loi mais sera difficile à louer et valoriser.
Certaines communes (Paris, Lyon, Marseille) imposent des contraintes supplémentaires dans leur PLU ou leur règlement sanitaire départemental. Vérifiez les règles locales.
Division parcellaire vs division d'appartement
La division parcellaire (ou division de terrain) consiste à découper un terrain en plusieurs lots pour les vendre séparément ou y construire. Elle nécessite un géomètre pour le plan de masse et un document d'arpentage. Un permis d'aménager ou une déclaration préalable peut être requis selon que des voies communes sont créées.
La division d'appartement est différente : vous ne divisez pas un terrain mais un volume bâti existant. Cependant, les principes sont similaires : intervention d'un géomètre-expert, modification des documents officiels (cadastre pour le terrain, état descriptif de division pour la copropriété), et autorisations administratives.
Si vous envisagez de diviser une maison en deux appartements, les démarches sont comparables mais sans l'étape copropriété si vous êtes propriétaire unique.
Les démarches obligatoires
Étape 1 : Vérifier le règlement de copropriété
Avant tout projet, lisez intégralement le règlement de copropriété et l'état descriptif de division. Recherchez :
- Les clauses relatives à la division des lots
- La destination de l'immeuble (habitation bourgeoise, mixte, etc.)
- Les restrictions sur le nombre de logements par étage
- Les servitudes de passage existantes
Si le règlement interdit la division, il faudra d'abord obtenir sa modification en assemblée générale — ce qui requiert la double majorité de l'article 26 (2/3 des tantièmes).
Étape 2 : Mandater un géomètre-expert
Le géomètre-expert est indispensable pour :
- Établir les plans des nouveaux lots
- Calculer les nouveaux tantièmes de copropriété
- Rédiger le modificatif à l'état descriptif de division
- Créer les exemples de plan de masse nécessaires aux autorisations
Coût moyen : 1 500 à 3 000 € selon la complexité. Ce document aura une valeur juridique et sera transmis au notaire.
Étape 3 : Obtenir l'autorisation de la copropriété
La division d'un lot privatif nécessite le vote de l'assemblée générale si :
- Elle affecte les parties communes (nouveau compteur, modification de canalisation)
- Elle modifie la répartition des charges (nouveaux tantièmes)
- Le règlement l'exige
Majorité requise : généralement la majorité de l'article 25 (majorité des voix de tous les copropriétaires) pour les modifications d'état descriptif de division, ou l'article 24 (majorité des présents/représentés) si aucune partie commune n'est touchée.
Préparez un dossier solide pour l'AG :
- Plans avant/après du géomètre
- Tableau des nouveaux tantièmes
- Justification technique (accès indépendants, compteurs séparés)
Étape 4 : Déposer une déclaration préalable ou un permis
Toute division créant des logements distincts nécessite une autorisation d'urbanisme :
| Situation | Autorisation requise |
|---|---|
| Division sans travaux de structure | Déclaration préalable |
| Division avec modification de façade | Déclaration préalable |
| Division avec modification de structure | Permis de construire |
| Division créant plus de 2 logements | Souvent permis de construire |
Le plan de masse pour déclaration préalable doit indiquer l'implantation de chaque logement. Si vous ne créez pas de surface, pas besoin de plan de masse pour permis de construire.
Comprenez bien la différence entre plan de masse et plan de situation : le plan de situation localise l'immeuble dans la commune, le plan de masse montre la répartition des lots dans le bâtiment.
Le dépôt du dossier se fait en mairie. Le pétitionnaire (vous) signe le formulaire et joint les pièces requises.
Étape 5 : Passer chez le notaire
Une fois les autorisations obtenues, le notaire :
- Publie le modificatif à l'état descriptif de division au fichier immobilier
- Met à jour les tantièmes de copropriété
- Crée les nouveaux numéros de lots
Cette étape est obligatoire pour que la division ait une existence juridique. Les nouveaux lots pourront alors être vendus ou loués séparément.
Coût notarial : environ 1 000 à 2 000 € pour les actes et publications.
Étape 6 : Créer les accès et équipements séparés
Pour que chaque logement soit autonome :
- Accès indépendants : porte d'entrée distincte, idéalement depuis les parties communes
- Compteurs séparés : eau, électricité, gaz si applicable
- Boîtes aux lettres : une par logement (obligation postale)
- Réseaux privatifs : chaque logement doit avoir ses propres canalisations pour éviter les conflits
Les compteurs Linky (électricité) et Gazpar (gaz) facilitent aujourd'hui la séparation des réseaux.
Cas pratiques de divisions réussies
Exemple 1 : Studio de 20 m² créé dans un T4
Situation : Appartement T4 de 95 m² au 3e étage d'un immeuble haussmannien. Le propriétaire souhaite créer un studio de 20 m² pour le louer meublé, en conservant un T3 de 75 m² pour sa résidence principale.
Démarches réalisées :
- Vérification du règlement : pas d'interdiction, destination bourgeoise mais sans restriction de nombre
- Géomètre : plans et calcul des tantièmes (le T3 conserve 75 % des tantièmes du lot initial, le studio en obtient 25 %)
- AG de copropriété : vote favorable à la majorité de l'article 25
- Déclaration préalable : déposée et accordée en 1 mois (pas de modification de façade)
- Notaire : publication du modificatif
Coûts : géomètre 1 800 €, notaire 1 200 €, travaux d'aménagement 15 000 € (cloison, salle d'eau, kitchenette), compteur électrique 500 €.
Résultat : studio loué 650 €/mois en meublé.
Exemple 2 : Division refusée par la copropriété
Situation : Appartement T5 de 140 m² dans une résidence des années 1970. Le propriétaire veut créer deux T3. Le règlement de copropriété stipule : "Chaque lot ne pourra être divisé en vue de créer des logements supplémentaires."
Analyse : La clause est claire et opposable. Le propriétaire a demandé une modification du règlement à l'AG.
Résultat : La modification du règlement requiert la double majorité de l'article 26 (2/3 des tantièmes). Vote : 58 % favorables, insuffisant. La division est impossible sans un nouveau vote ou une action en justice pour abus de majorité (longue et incertaine).
Leçon : Vérifiez TOUJOURS le règlement avant d'acheter si vous envisagez une division.
Exemple 3 : Division avec création de surface
Situation : Appartement sous combles de 85 m² avec grenier attenant de 40 m² non aménagé. Le propriétaire veut créer un studio de 30 m² en aménageant une partie du grenier.
Démarches :
- Le grenier était déjà dans le lot (vérification état descriptif)
- Aménagement créant 30 m² de surface de plancher
- Déclaration préalable (surface < 40 m² en zone U)
- AG de copropriété pour la division du lot (nouveau studio = nouveau lot)
- Consultation des exemples de dossiers permis pour bien préparer le dossier
Coûts : géomètre 2 200 €, notaire 1 500 €, travaux 45 000 € (isolation, fenêtre de toit, cloisonnement, SDE, cuisine).
Résultat : T3 de 55 m² + studio de 30 m², valorisation totale supérieure à l'appartement initial.
Erreurs à éviter
Erreur 1 : Diviser sans autorisation de la copropriété
Créer un deuxième logement sans vote en AG expose à :
- L'annulation de la division par le tribunal
- L'obligation de remettre les lieux en état initial
- Des dommages-intérêts aux autres copropriétaires
Le syndic ou un copropriétaire peut agir dans les 10 ans.
Erreur 2 : Oublier la déclaration en mairie
La division créant des logements est un changement de destination partiel qui requiert une autorisation d'urbanisme. Sans déclaration préalable ou permis, vous êtes en infraction. Sanctions : amende jusqu'à 6 000 € par m², obligation de régularisation ou de remise en état.
Erreur 3 : Ne pas séparer les compteurs
Deux logements avec un seul compteur électrique ou d'eau créent des conflits inévitables entre locataires. Légalement, chaque logement doit pouvoir être alimenté de manière indépendante. La division des compteurs doit être prévue dès la conception du projet.
Erreur 4 : Créer des logements non décents
Un logement de moins de 9 m² ou 20 m³ ne peut pas être loué légalement. Un bailleur qui loue un logement non décent s'expose à des sanctions et à la réduction du loyer par le juge. Ne divisez pas un 50 m² en trois studios de 16 m² sous prétexte de maximiser les loyers.
Erreur 5 : Ignorer les contraintes techniques
La division implique souvent des contraintes invisibles :
- Évacuations : créer une salle d'eau nécessite une évacuation vers la colonne existante
- Ventilation : chaque logement doit avoir une VMC fonctionnelle
- Électricité : le tableau existant supporte-t-il un deuxième logement ?
- Accès : un logement sans accès direct aux parties communes est difficilement louable
Faites appel à un architecte ou un maître d'œuvre pour anticiper ces points. Un logiciel de plan de masse peut aider à visualiser les contraintes, mais l'expertise terrain reste indispensable. La cotation du plan de masse devra être précise pour les autorisations.
Questions fréquentes
Peut-on diviser un appartement sans l’accord de la copropriété ?
Non, si la division modifie les parties communes (création d'un compteur, accès supplémentaire) ou les tantièmes de copropriété. L'assemblée générale doit voter à la majorité requise (article 25 ou 26 selon les cas). Même sans modification des parties communes, le règlement de copropriété peut interdire la division. Une division réalisée sans autorisation peut être contestée par le syndic ou tout copropriétaire pendant 10 ans, avec obligation de remise en état.
Quelle autorisation d’urbanisme pour diviser un appartement ?
Une déclaration préalable suffit généralement si la division n'implique pas de travaux sur la structure porteuse. Si vous modifiez la structure (création de trémie, percement de mur porteur) ou la façade, un permis de construire peut être requis. La création de logements supplémentaires constitue un changement de destination partiel, soumis à autorisation. Le délai d'instruction est de 1 mois (DP) ou 2-3 mois (PC). En zone ABF, comptez 1 mois supplémentaire.
Faut-il un géomètre pour diviser un appartement en copropriété ?
Oui, le géomètre-expert est indispensable pour établir le modificatif à l'état descriptif de division. Ce document, qui a valeur juridique, définit les nouveaux lots, leurs surfaces et leurs tantièmes de copropriété. Il sera transmis au notaire pour publication. Coût moyen : 1 500 à 3 000 €. Sans ce document, la division n'a pas d'existence légale et les nouveaux lots ne peuvent pas être vendus séparément.
Combien coûte la division d’un appartement en copropriété ?
Les coûts incompressibles comprennent : géomètre-expert (1 500 à 3 000 €), notaire (1 000 à 2 000 €), éventuels frais de syndic pour l'AG extraordinaire (200 à 500 €). Les travaux varient selon l'ampleur : création d'une salle d'eau (8 000 à 15 000 €), cloisons et portes (2 000 à 5 000 €), séparation des compteurs (500 à 1 500 € par compteur). Budget total typique pour une division avec création de salle d'eau : 20 000 à 40 000 €.
Quels sont les délais pour diviser un appartement ?
Comptez un délai global de 4 à 8 mois : vérification du règlement et mandat géomètre (2-4 semaines), établissement des plans (4-6 semaines), convocation de l'AG (3-6 semaines selon les statuts du syndic), instruction de la déclaration préalable (1-2 mois), publication notariale (1-2 mois). Les travaux peuvent commencer après l'autorisation d'urbanisme. Si l'AG refuse ou si le permis est contesté, les délais s'allongent considérablement.
Peut-on diviser un appartement pour le vendre en plusieurs lots ?
Oui, c'est même l'objectif fréquent des divisions : créer deux lots vendables séparément à un prix total supérieur au lot unique. Une fois la division actée (AG, urbanisme, notaire), chaque lot dispose de son propre numéro, ses tantièmes et peut être vendu à des acheteurs différents. Attention : vérifiez la rentabilité réelle après frais (géomètre, notaire, travaux) et décote éventuelle liée à la petite surface des lots créés. Un 25 m² se vend proportionnellement moins cher qu'un 50 m².
Conclusion
Diviser un appartement en copropriété est une opération rentable si elle est bien préparée. Les étapes sont claires : vérifier le règlement de copropriété, mandater un géomètre-expert, obtenir le vote de l'assemblée générale, déposer une déclaration préalable ou un permis, puis passer chez le notaire pour officialiser les nouveaux lots.
Les erreurs coûtent cher : une division sans autorisation peut être annulée des années plus tard, avec obligation de remettre les lieux en état. Les travaux réalisés seraient perdus.
Avant de vous lancer, faites vos calculs : coût total (géomètre, notaire, travaux) contre plus-value espérée. Dans les grandes villes où le m² est cher, diviser un grand appartement en deux petits logements peut représenter une plus-value de 10 à 30 %. En zone rurale, la rentabilité est souvent plus incertaine.
Un conseil : faites-vous accompagner par un professionnel (architecte, notaire spécialisé en copropriété) pour sécuriser votre projet dès l'origine.
Sources : Legifrance (loi du 10 juillet 1965, Code de l'urbanisme articles R421-17, L151-1), Service-public.fr
