Distance de Plantation d'un Arbre par Rapport à la Limite de Propriété : 50 cm ou 2 m ?
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Planter un arbre dans son jardin semble anodin. Pourtant, chaque année, des milliers de litres d'encre coulent devant les tribunaux pour des conflits de voisinage liés à des arbres mal placés. Racines qui soulèvent une terrasse, branches qui débordent chez le voisin, ombrage excessif sur une piscine… Ces situations auraient pu être évitées en respectant une règle simple du Code civil : la distance légale de plantation. Selon que votre arbre mesure plus ou moins de 2 mètres à maturité, cette distance varie de 50 centimètres à 2 mètres de la limite séparative. Un écart qui peut sembler minime, mais qui fait toute la différence entre une cohabitation paisible et des années de procédure. Voici ce que vous devez savoir avant de sortir votre pelle.
Sommaire
- La règle des distances : 50 cm ou 2 m
- Comment déterminer la bonne distance
- Cas pratiques et exemples chiffrés
- Erreurs fréquentes à éviter
- Questions fréquentes
- Conclusion
La règle des distances de plantation
Le principe de base du Code civil
Les articles 671 et 672 du Code civil fixent les règles de distance de plantation en France. Ces textes, inchangés depuis 1804, établissent deux seuils fondamentaux :
- Arbres de plus de 2 mètres de hauteur : distance minimale de 2 mètres de la limite de propriété
- Arbres de 2 mètres ou moins : distance minimale de 50 centimètres de la limite séparative
La hauteur s'apprécie à maturité, pas au moment de la plantation. Un jeune chêne de 80 cm peut atteindre 25 mètres : il doit être planté à 2 mètres minimum de la clôture, même s'il ressemble encore à un arbuste.
Comment mesurer la distance ?
La distance se mesure depuis le centre du tronc (pas depuis les branches) jusqu'à la ligne séparative exacte. Cette ligne correspond souvent au milieu du mur ou de la clôture mitoyenne. En cas de doute, consultez le cadastre ou faites appel à un géomètre. Le plan de masse coté en 3 dimensions que vous devez fournir pour toute demande d'urbanisme indique précisément ces limites de propriété.
Les dérogations légales
Le Code civil prévoit trois exceptions majeures :
-
Usages locaux : Certaines régions ont des règles différentes, notamment dans le Sud où les haies de cyprès sont traditionnelles. Renseignez-vous en mairie.
-
Titre de propriété : Une servitude de plantation peut autoriser des arbres plus proches.
-
Prescription trentenaire : Un arbre planté depuis plus de 30 ans et jamais contesté acquiert une sorte de "droit acquis". Mais attention : cette prescription ne protège pas des demandes d'élagage des branches débordantes.
Le PLU peut également imposer des règles plus strictes. Dans certaines zones, les distances aux limites séparatives sont renforcées pour préserver l'intimité ou l'ensoleillement des parcelles voisines.
Comment déterminer la bonne distance
Étape 1 : Identifier la hauteur à maturité
Avant d'acheter un arbre, renseignez-vous sur sa taille adulte. Un pommier nain atteint 2-3 mètres, un chêne 25-30 mètres, un séquoia plus de 80 mètres. Les pépiniéristes indiquent cette information sur les étiquettes. En cas de doute, partez du principe qu'un arbre fruitier standard ou un arbre d'ornement dépassera 2 mètres.
Tableau des distances selon les essences courantes
| Type d'arbre | Hauteur adulte | Distance minimale |
|---|---|---|
| Haie de thuyas | 3-10 m | 2 m |
| Laurier-cerise | 4-6 m | 2 m |
| Cyprès de Leyland | 15-25 m | 2 m |
| Pommier/Poirier | 3-8 m | 2 m |
| Chêne | 20-35 m | 2 m |
| Buis taillé | < 2 m | 50 cm |
| Haie champêtre taillée | < 2 m | 50 cm |
| Arbuste d'ornement nain | < 2 m | 50 cm |
Étape 2 : Localiser précisément la limite de propriété
La limite séparative n'est pas toujours là où on le croit. Les clôtures existantes ne correspondent pas toujours aux limites cadastrales. Pour un projet important, faites réaliser un bornage par un géomètre-expert. Ce document vous protégera en cas de litige ultérieur.
Le plan de masse que vous établissez pour une demande de permis de construire doit indiquer les cotations précises depuis les limites. Cette représentation en plan masse coté vous permettra de vérifier les distances de vos plantations existantes.
Étape 3 : Vérifier le règlement local
Consultez le PLU de votre commune. Certaines zones imposent des règles spécifiques :
- Obligation de planter des haies d'essences locales
- Interdiction de certaines espèces invasives
- Hauteur maximale des clôtures végétales
- Distances renforcées en zone protégée
En zone ABF ou dans les abords d'un monument historique, l'Architecte des Bâtiments de France peut émettre un avis sur vos plantations si elles modifient l'aspect du site.
Étape 4 : Matérialiser l'emplacement
Avant de creuser, plantez un piquet à l'emplacement prévu et mesurez la distance depuis la limite. Prenez des photos avec un mètre visible : elles pourront servir de preuve en cas de contestation ultérieure. Pour une haie, matérialisez toute la ligne de plantation.
Cas pratiques et exemples chiffrés
Exemple 1 : La haie de thuyas
Situation : Famille Martin, terrain de 600 m² en zone U d'un PLU. Souhait : planter une haie de thuyas pour se protéger du vis-à-vis avec le nouveau lotissement voisin.
Analyse : Les thuyas atteignent 8-10 mètres si non taillés. Même avec un entretien régulier à 2 mètres de hauteur, la règle de distance s'applique sur la hauteur potentielle de l'arbre, pas sur sa hauteur maintenue artificiellement (jurisprudence constante).
Solution : Plantation à 2 mètres de la limite séparative. Avec une haie de 10 mètres de long, cela "consomme" une bande de 20 m² de terrain (10 m × 2 m). Un compromis : opter pour une haie champêtre composée d'arbustes naturellement bas (troène, buis), plantée à 50 cm.
Coût comparatif :
- Thuyas à 2 m de la limite : 15 plants × 25 € = 375 €
- Haie champêtre à 50 cm : 20 plants × 12 € = 240 €, avec 15 m² de terrain "gagné"
Exemple 2 : Le cerisier du grand-père
Situation : Héritage d'une maison avec un vieux cerisier planté à 1,50 m de la limite, il y a plus de 40 ans. Le nouveau voisin demande l'arrachage.
Analyse : L'arbre bénéficie de la prescription trentenaire (article 672 alinéa 3). Le voisin ne peut plus exiger son arrachage. En revanche, il peut toujours demander l'élagage des branches qui dépassent sur son terrain (article 673).
Solution : Refuser l'arrachage (droit acquis), mais procéder à l'élagage des branches débordantes à vos frais. Si le voisin fait appel à un élagueur sans votre accord, il devra vous remettre les fruits et le bois coupé.
Coût : Élagage professionnel du cerisier : 150-300 € selon l'ampleur.
Exemple 3 : La piscine et l'ombre
Situation : Monsieur Dupont installe une piscine de 8 × 4 m. Son voisin a un tilleul de 15 mètres planté à 3 mètres de la limite, dans les règles. Mais l'ombre couvre la piscine l'après-midi.
Analyse : L'arbre respecte la distance légale. Monsieur Dupont ne peut pas exiger d'élagage pour raison d'ombre. Le droit de plantation a été exercé conformément à la loi. La distance de la piscine par rapport à la limite de propriété aurait dû être calculée en tenant compte de l'ombre portée.
Solution : Négociation amiable avec le voisin pour un élagage partiel, ou déplacement du coin détente de la piscine. Aucun recours juridique possible.
Erreurs fréquentes à éviter
Erreur 1 : Confondre hauteur actuelle et hauteur à maturité
Un bambou acheté en pot de 1,50 m peut atteindre 8 mètres en 5 ans. Un platane de pépinière de 2 mètres grimpera à 30 mètres. La distance de 2 mètres s'applique dès la plantation si l'espèce dépasse 2 mètres à l'âge adulte. Les contentieux sont nombreux avec les bambous, espèce particulièrement invasive.
Erreur 2 : Se fier à la clôture existante
La clôture n'est pas toujours sur la limite de propriété. Elle peut être en retrait de votre côté ou empiéter sur le terrain voisin. Avant une plantation en limite, vérifiez le bornage. Un écart de 30 cm peut transformer une plantation conforme en infraction.
Erreur 3 : Ignorer les usages locaux
Dans certaines régions (Alsace, Midi), des usages particuliers autorisent des distances différentes. Ces usages doivent être "constants et reconnus" pour s'appliquer. Renseignez-vous en mairie ou auprès de la chambre d'agriculture locale.
Erreur 4 : Croire que l'entretien suffit
Tailler un arbre à 1,80 m de hauteur ne vous autorise pas à le planter à 50 cm s'il s'agit d'une espèce qui atteint naturellement 10 mètres. La jurisprudence est constante : c'est la hauteur potentielle qui compte, pas la hauteur maintenue. Un voisin peut exiger l'arrachage même d'un arbre taillé court, s'il a été planté trop près.
Erreur 5 : Négliger les règles du PLU
Le Code civil fixe un minimum, mais le PLU peut imposer des distances supérieures. Certains règlements exigent 3 mètres pour les arbres de haute tige, ou interdisent les plantations à moins de 5 mètres des limites en zone inondable. Avant toute construction ou aménagement, le calcul de l'emprise au sol doit intégrer l'ensemble des contraintes locales.
Questions fréquentes
Quelle est la distance minimum entre deux constructions par rapport aux arbres ?
La distance des arbres ne concerne que les limites de propriété, pas les constructions. En revanche, il est recommandé de planter les grands arbres à une distance égale à leur hauteur adulte des bâtiments, pour éviter les dégâts en cas de chute. Pour les fondations, comptez au minimum 5 mètres entre un arbre de grande taille et une construction pour éviter les problèmes de racines. Le délai d'instruction du permis de construire peut être rallongé si des arbres protégés sont impactés.
Un Velux crée-t-il une vue sur le voisin nécessitant une distance particulière ?
Oui, mais c'est une règle différente de celle des plantations. Les vues droites (fenêtres permettant de regarder directement chez le voisin) doivent respecter une distance de 1,90 m depuis le bord de l'ouverture jusqu'à la limite (article 678 Code civil). Les vues obliques nécessitent 60 cm. Un Velux orienté vers le ciel n'est pas une vue, mais s'il permet de voir le jardin voisin en se penchant, il peut être considéré comme une vue oblique.
Peut-on installer une clôture mitoyenne sans accord du voisin ?
Non pour une clôture sur la limite exacte (mitoyenne), qui nécessite l'accord du voisin et le partage des frais. Oui pour une clôture en retrait sur votre terrain. Si vous plantez une haie à 50 cm de la limite, elle vous appartient entièrement et le voisin n'a pas son mot à dire, à condition de respecter les distances légales. En revanche, le PLU peut réglementer la hauteur maximale des clôtures végétales.
Quelle distance respecter pour une piscine par rapport aux arbres du voisin ?
Il n'existe pas de distance légale entre votre piscine et les arbres du voisin. Si ces arbres sont plantés dans les règles, vous ne pouvez pas exiger leur coupe pour cause d'ombre ou de feuilles. Anticipez ce problème en positionnant votre bassin côté sud du terrain. La déclaration préalable pour une piscine ne vérifie pas la proximité des arbres voisins, c'est à vous d'y penser.
Quelle distance pour un abri de jardin par rapport aux arbres ?
L'abri de jardin doit respecter les distances aux limites séparatives du PLU (souvent 3 m minimum ou implantation en limite). Les arbres, eux, suivent la règle des 50 cm/2 m du Code civil. Les deux règles sont indépendantes. Si vous construisez un abri et plantez un arbre à côté, chacun doit respecter sa propre distance. Pour une extension de 20 m², vérifiez également les distances par rapport aux plantations existantes.
Mon voisin peut-il contester mes plantations auprès de la mairie ?
Les règles de distance de plantation relèvent du Code civil, pas du Code de l'urbanisme. La mairie n'est pas compétente pour trancher ces litiges. Votre voisin doit saisir le tribunal judiciaire (ex-tribunal d'instance). En revanche, si vos arbres gênent la visibilité sur la voie publique ou présentent un danger, la mairie peut intervenir au titre de la sécurité publique. Le recours des voisins contre un permis de construire ne concerne pas les plantations, sauf si le PLU les réglemente spécifiquement.
Que faire si le voisin refuse d’élaguer ses branches qui débordent ?
L'article 673 du Code civil vous autorise à exiger que le voisin coupe les branches qui avancent sur votre terrain. En cas de refus, envoyez une mise en demeure par lettre recommandée. Sans réponse sous 30 jours, saisissez le tribunal judiciaire ou le juge de proximité. Vous n'avez pas le droit de couper vous-même les branches (sauf accord écrit), mais depuis 2023, les racines qui pénètrent sur votre terrain peuvent être coupées sans autorisation.
Conclusion
La règle des distances de plantation est simple dans son principe : 2 mètres pour les arbres de plus de 2 mètres, 50 cm pour les autres. Mais son application demande de la rigueur : connaître la hauteur adulte de l'espèce choisie, identifier précisément la limite de propriété, vérifier les éventuelles règles locales dérogatoires.
Un arbre mal placé aujourd'hui, c'est potentiellement un conflit de voisinage dans 10 ans, quand il aura pris de l'ampleur. Les contentieux liés aux plantations représentent une part significative des litiges de voisinage devant les tribunaux, avec des procédures qui peuvent durer des années.
Avant de planter, prenez le temps de mesurer, de vous renseigner en mairie sur le PLU et les usages locaux, et de consulter les règles de vis-à-vis et distances applicables à votre parcelle. Ces quelques heures d'attention vous épargneront des années de complications. Et si un arbre existant pose problème, la négociation amiable reste toujours préférable à la voie judiciaire.
Sources : Code civil articles 671-673, Legifrance, Service-public.fr
