Voisinage & Conflits

Bruit de pas voisin du dessus : Règles et Formalités

Bruit de Pas du Voisin du Dessus : Recours en Copropriété et Réglementation Acoustique

Temps de lecture : 9 minutes

Les bruits de pas du voisin du dessus constituent la nuisance la plus fréquente en copropriété. Talons sur parquet, enfants qui courent, déplacements de meubles : ces bruits d'impact traversent les planchers et perturbent la vie quotidienne. Mais entre ce qui relève de la vie normale et ce qui constitue un trouble anormal de voisinage, la frontière est parfois floue. La réglementation acoustique (NRA) impose des seuils précis pour les constructions neuves. Pour les immeubles anciens, les recours sont plus limités. Cet article explique les normes applicables, les démarches possibles et les solutions techniques pour réduire ces nuisances sonores.

Sommaire

  1. La réglementation acoustique des bâtiments
  2. Bruits d'impact et bruits aériens : comprendre la différence
  3. Niveaux sonores réglementaires
  4. Procédure en copropriété
  5. Cas pratiques et exemples
  6. Erreurs à éviter
  7. Questions fréquentes
  8. Conclusion

La réglementation acoustique des bâtiments

La NRA (Nouvelle Réglementation Acoustique)

La réglementation acoustique des bâtiments d'habitation est définie par l'arrêté du 30 juin 1999 (NRA – Nouvelle Réglementation Acoustique). Elle s'applique aux constructions dont le permis de construire a été déposé après le 1er janvier 2000.

Cette réglementation fixe des exigences minimales pour :

  • L'isolation phonique entre logements (bruit aérien)
  • L'isolation aux bruits de choc (bruit d'impact)
  • L'isolation vis-à-vis des bruits extérieurs
  • Le bruit des équipements collectifs

L'attestation acoustique

Pour les logements collectifs, une attestation de prise en compte de la réglementation acoustique est obligatoire. Elle doit être jointe à la DAACT (Déclaration d'Achèvement des Travaux) pour certifier la conformité acoustique du bâtiment.

Cette attestation est établie par un organisme certificateur acoustique après des mesures réalisées dans le bâtiment terminé. Le contrôle acoustique à l'achèvement vérifie que les niveaux sonores réglementaires sont respectés.

Les DTU et règles de l'art

Les DTU (Documents Techniques Unifiés) définissent les bonnes pratiques en matière d'isolation phonique. Le DTU 25.1 (enduits intérieurs), le DTU 52.1 (revêtements de sols) et le DTU 58.1 (plafonds suspendus) contiennent des prescriptions acoustiques.

Le respect des DTU n'est pas légalement obligatoire, mais il sert de référence en cas de litige. Un tribunal se fondera sur ces règles de l'art pour apprécier si le constructeur a respecté ses obligations.

Bruits d'impact et bruits aériens : comprendre la différence

Le bruit d'impact (ou bruit de choc)

Le bruit d'impact résulte d'un choc direct sur une paroi : pas sur le plancher, chute d'objet, déplacement de meuble. Il se propage par la structure du bâtiment (transmission solidienne) et peut être entendu à plusieurs étages.

L'indice utilisé pour mesurer l'isolation aux bruits d'impact est le L'nT,w (niveau de pression pondéré du bruit de choc normalisé). Plus cet indice est faible, meilleure est l'isolation.

Valeur réglementaire NRA : L'nT,w ≤ 58 dB

Le bruit aérien

Le bruit aérien se propage dans l'air : conversations, télévision, musique. Il traverse les parois par vibration de celles-ci.

L'indice utilisé est le DnT,A (niveau sonore DnT,A : isolement acoustique standardisé pondéré). Plus cet indice est élevé, meilleure est l'isolation.

Valeur réglementaire NRA : DnT,A ≥ 53 dB entre logements

Tableau récapitulatif des exigences

Type de bruit Indice Exigence NRA
Bruit d'impact entre logements L'nT,w ≤ 58 dB
Bruit aérien entre logements DnT,A ≥ 53 dB
Bruit aérien vis-à-vis extérieur DnT,A,tr 30 à 45 dB selon zone
Bruit équipements collectifs L'nAT ≤ 30 dB (jour)

Niveaux sonores réglementaires

Les exigences de la NRA

La NRA nouvelle réglementation acoustique impose des performances minimales vérifiables par une mesure acoustique logement :

Entre logements :

  • Isolement aux bruits aériens : DnT,A ≥ 53 dB
  • Isolement aux bruits d'impact : L'nT,w ≤ 58 dB

Depuis les parties communes :

  • Circulations communes : DnT,A ≥ 40 dB
  • Locaux techniques : DnT,A ≥ 55 dB

Équipements collectifs :

  • Ascenseur : L'nAT ≤ 30 dB
  • Chaufferie, VMC : L'nAT ≤ 30 dB

La conformité acoustique en collectif

Pour les bâtiments d'habitation collectifs, la conformité acoustique collectif est vérifiée par un bureau d'études acoustique. Les mesures sont réalisées dans plusieurs logements représentatifs.

Si les seuils ne sont pas atteints, des travaux correctifs sont nécessaires avant la délivrance de l'attestation acoustique. Le promoteur reste responsable de la conformité jusqu'à la levée des réserves.

Cas des immeubles anciens

Les immeubles construits avant 2000 ne sont pas soumis à la NRA. Les seuils de bruit ne leur sont pas opposables. Seul le trouble anormal de voisinage (article 544 du Code civil) permet d'agir.

Pour les travaux de rénovation, une étude thermique peut être obligatoire, mais pas d'étude acoustique… sauf si le PLU ou le règlement de copropriété l'impose.

Procédure en copropriété

Étape 1 : Documenter les nuisances

Avant toute action, constituez un dossier de preuves :

  • Journal des nuisances (dates, heures, durée, nature du bruit)
  • Témoignages d'autres copropriétaires
  • Enregistrements sonores (avec précautions juridiques)
  • Mesures acoustiques si possible

Étape 2 : Dialogue avec le voisin

Dans 80% des cas, une discussion courtoise suffit. Votre voisin n'a peut-être pas conscience du problème. Proposez des solutions :

  • Pose de tapis ou moquette
  • Patins sous les meubles
  • Horaires de calme respectés

Un courrier simple garde une trace de vos démarches.

Étape 3 : Saisir le syndic

Si le dialogue échoue, adressez un courrier recommandé au syndic. Le règlement de copropriété contient souvent des clauses sur les nuisances sonores :

  • Obligation de revêtement de sol souple
  • Horaires de calme (généralement 22h-7h)
  • Interdiction de certaines activités bruyantes

Le syndic peut mettre en demeure le copropriétaire fautif de se conformer au règlement.

Étape 4 : Recours amiable ou judiciaire

Conciliation : Un conciliateur de justice (gratuit) peut intervenir pour trouver un accord.

Médiation : Un médiateur professionnel peut être désigné (payant, partagé).

Action en justice : En cas d'échec, le tribunal judiciaire peut être saisi pour trouble anormal de voisinage. Les dommages-intérêts peuvent atteindre plusieurs milliers d'euros, avec obligation de réaliser des travaux d'isolation.

Le recours des voisins contre un permis de construire est différent : il conteste l'autorisation d'urbanisme, pas les nuisances post-construction.

Cas pratiques et exemples

Exemple 1 : Immeuble neuf non conforme

Situation : M. Durand achète un appartement dans un immeuble livré en 2023. Les bruits de pas du voisin du dessus sont insupportables malgré la réglementation.

Constat : Une mesure acoustique révèle un L'nT,w de 65 dB au lieu des 58 dB réglementaires.

Action : Le promoteur est mis en demeure de réaliser des travaux. Après expertise, l'isolation sous chape était défectueuse. Coût des travaux correctifs : 8 000 € à la charge du promoteur.

Délai : 18 mois entre la réclamation et la fin des travaux.

Exemple 2 : Changement de revêtement de sol

Situation : Mme Martin remplace la moquette de son appartement par du parquet. Le voisin du dessous se plaint de bruits d'impact amplifiés.

Problème : Le règlement de copropriété impose un revêtement avec un classement acoustique minimal (ΔLw ≥ 18 dB).

Solution : Installation d'une sous-couche acoustique sous le parquet. Coût : 1 200 € pour 50 m².

Si le règlement était silencieux, le voisin devrait prouver le trouble anormal de voisinage, ce qui est plus complexe.

Exemple 3 : Construction d'une extension

Situation : Un propriétaire construit une extension de 20 m² au-dessus du garage d'un voisin en mitoyenneté.

Obligations : Le plan de masse du permis de construire doit prévoir une isolation acoustique conforme. L'attestation PCMI14 peut être exigée selon les risques.

Précaution : Respect des DTU pour l'isolation entre les deux propriétés. Un défaut d'isolation pourrait engager la responsabilité décennale du constructeur.

Erreurs à éviter

Erreur n°1 : Croire que le bruit de pas est toujours fautif

Les bruits de la vie courante (pas normaux, conversations, activités ménagères raisonnables) ne constituent pas un trouble anormal de voisinage. Un tribunal rejettera une action fondée sur des bruits "normaux", même s'ils vous gênent.

Erreur n°2 : Agir sans preuves

Sans mesures acoustiques professionnelles ni témoignages, une action en justice a peu de chances d'aboutir. Investissez dans une mesure acoustique logement par un acousticien agréé (300 à 600 €) avant d'engager une procédure.

Erreur n°3 : Confondre réglementation et règlement de copropriété

La NRA ne s'applique qu'aux constructions post-2000. Pour les immeubles anciens, seul le règlement de copropriété et le Code civil s'appliquent. Vérifiez les clauses spécifiques de votre copropriété.

Erreur n°4 : Négliger les solutions techniques

Avant le contentieux, explorez les solutions d'isolation phonique :

  • Faux-plafond acoustique (500 à 1 500 €)
  • Sous-couche sous parquet du voisin (si accord)
  • Traitement des ponts phoniques

Ces travaux sont souvent moins coûteux qu'une procédure judiciaire.

Erreur n°5 : Oublier la durée de validité du permis

Si vous envisagez des travaux d'isolation importants nécessitant une déclaration préalable, n'oubliez pas que l'autorisation a une durée de validité limitée (3 ans avec prorogations possibles). Des travaux comme l'ajout d'un bow-window peuvent améliorer l'isolation mais nécessitent une autorisation préalable.

Questions fréquentes

Quand l’attestation acoustique est-elle obligatoire ?

L'attestation acoustique est obligatoire pour les bâtiments d'habitation collectifs dont le permis de construire a été déposé après le 1er janvier 2013. Elle doit être jointe à la DAACT (Déclaration d'Achèvement et de Conformité des Travaux). Pour les maisons individuelles, l'attestation n'est obligatoire que si le logement est situé dans une zone de bruit (aéroport, voie ferrée, route à fort trafic).

Qui peut réaliser les mesures acoustiques ?

Les mesures acoustiques réglementaires doivent être réalisées par un organisme certificateur acoustique ou un bureau d'études acoustiques qualifié. Pour l'attestation de conformité NRA, seuls les organismes agréés par le ministère peuvent intervenir. Pour un simple constat de nuisance, un acousticien indépendant suffit. Comptez 300 à 600 € pour une mesure ponctuelle, 1 500 à 3 000 € pour un contrôle complet d'immeuble.

Combien coûte une attestation acoustique ?

Le coût d'une attestation acoustique varie selon la taille du programme immobilier. Pour un petit immeuble (10 logements), comptez 2 000 à 4 000 €. Pour un programme de 50 logements, le coût peut atteindre 8 000 à 15 000 €. Ces frais sont à la charge du maître d'ouvrage et sont généralement répercutés dans le prix de vente. L'attestation comprend les mesures in situ et le rapport de conformité.

Quels sont les niveaux sonores réglementaires ?

La NRA impose : isolement aux bruits aériens entre logements DnT,A ≥ 53 dB, isolement aux bruits d'impact L'nT,w ≤ 58 dB, isolement depuis les circulations DnT,A ≥ 40 dB, bruit des équipements L'nAT ≤ 30 dB. Pour les bruits extérieurs, l'exigence dépend du classement de la voie (30 à 45 dB). Ces valeurs sont des minima : un promoteur peut viser mieux (label Qualitel par exemple).

L’attestation acoustique concerne-t-elle les maisons individuelles ?

L'attestation acoustique n'est pas obligatoire pour les maisons individuelles isolées. Elle devient obligatoire uniquement si la maison est située dans une zone de bruit définie par un plan d'exposition au bruit (PEB) : proximité d'aéroport, de voie ferrée ou de route à fort trafic. Dans ce cas, l'attestation porte sur l'isolation vis-à-vis des bruits extérieurs. Pour une piscine avec local technique bruyant, aucune attestation acoustique n'est requise mais le respect des distances aux limites est vérifié.

Conclusion

Les bruits de pas du voisin du dessus relèvent de deux cadres juridiques distincts selon l'âge de l'immeuble :

  • Immeubles post-2000 : la NRA impose des seuils de performance acoustique mesurables (L'nT,w ≤ 58 dB pour les bruits d'impact)
  • Immeubles anciens : seul le trouble anormal de voisinage permet d'agir

En copropriété, les recours passent par :

  1. Le dialogue direct avec le voisin
  2. La saisine du syndic (règlement de copropriété)
  3. La conciliation ou médiation
  4. L'action judiciaire en dernier recours

Avant toute procédure, faites réaliser une mesure acoustique professionnelle. Ce document constituera la base de votre dossier et permettra de déterminer si les seuils réglementaires sont respectés.

Les solutions techniques (isolation phonique, sous-couche acoustique, faux-plafond) sont souvent plus rapides et moins coûteuses qu'un contentieux judiciaire. Privilégiez l'approche pragmatique : un voisin qui accepte de poser un tapis résout parfois des mois de conflit.


Sources : Legifrance (arrêté du 30 juin 1999, Code civil article 544), Service-public.fr