Les Branches du Voisin Dépassent Chez Moi : Vos Droits et Recours
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Les branches de l'arbre de votre voisin envahissent votre jardin, obstruent la lumière ou salissent votre terrasse de feuilles mortes. Situation banale mais source de nombreux conflits de voisinage. Pouvez-vous les couper vous-même ? Quelles démarches entreprendre ? La loi a évolué récemment avec la loi du 8 octobre 2023 qui simplifie vos droits. Voici ce que dit le Code civil et comment procéder pour retrouver la jouissance paisible de votre propriété sans risquer un procès.
Sommaire
- Ce que dit la loi sur les branches dépassantes
- Procédure pour faire élaguer les branches
- Cas pratiques et jurisprudence
- Erreurs à éviter
- Questions fréquentes
- Conclusion
Ce que dit la loi sur les branches dépassantes
L'article 673 du Code civil régit les relations de voisinage concernant les plantations. Depuis la loi du 8 octobre 2023 (n°2023-568), ce texte a été profondément modifié pour renforcer les droits du propriétaire gêné par les branches du voisin.
Le principe : demander l'élagage au voisin
Avant la réforme de 2023, vous ne pouviez pas couper vous-même les branches dépassant chez vous. Vous deviez demander au voisin de procéder à l'élagage, et en cas de refus, saisir le tribunal.
Depuis la réforme, l'article 673 du Code civil dispose : « Celui sur la propriété duquel avancent les branches des arbres, arbustes et arbrisseaux du voisin peut contraindre celui-ci à les couper. À défaut, il a le droit de procéder lui-même à la coupe. »
Cette évolution majeure vous autorise désormais à couper vous-même les branches dépassantes, sous conditions strictes.
Les conditions pour couper soi-même
Pour exercer ce droit d'auto-élagage, vous devez :
- Mettre en demeure le voisin par lettre recommandée avec accusé de réception
- Accorder un délai raisonnable pour qu'il procède lui-même (généralement 2 mois)
- Constater son inaction passé ce délai
- Ne couper que ce qui dépasse sur votre propriété, à l'aplomb exact de la limite séparative
Les branches coupées doivent être restituées au propriétaire de l'arbre, car elles lui appartiennent. Les fruits tombés naturellement chez vous peuvent toutefois être conservés.
Les racines : un régime différent
Pour les racines qui s'étendent sous votre terrain, le régime est plus simple. L'article 673 alinéa 2 vous autorise à les couper vous-même « jusqu'à la limite séparative ». Aucune mise en demeure n'est requise.
Attention toutefois : couper des racines importantes peut fragiliser l'arbre et engager votre responsabilité si celui-ci tombe et cause des dommages. Une expertise préalable peut être prudente pour les arbres de grande taille.
Le cas des arbres protégés
Si l'arbre du voisin est classé (monument historique) ou identifié dans le PLU comme élément remarquable du paysage, l'élagage peut nécessiter une autorisation préalable. En zone ABF ou site classé, vérifiez auprès de la mairie avant toute intervention.
Procédure pour faire élaguer les branches
Étape 1 : Dialogue amiable
Commencez toujours par une discussion courtoise avec votre voisin. Beaucoup ignorent que leurs arbres empiètent chez le voisin ou ne mesurent pas la gêne occasionnée. Un échange bienveillant résout souvent le problème sans formalisme.
Proposez une date d'intervention et, si possible, partagez le coût de l'élagage. Un élagueur professionnel coûte entre 100 et 500 € selon la hauteur et le volume de branches à couper.
Étape 2 : Mise en demeure écrite
Si le dialogue échoue, envoyez une lettre recommandée avec accusé de réception comprenant :
- La description précise du problème (branches dépassantes, gêne occasionnée)
- Le fondement juridique (article 673 du Code civil)
- La demande d'élagage sous délai (généralement 2 mois)
- L'avertissement que vous procéderez vous-même passé ce délai
Conservez une copie de ce courrier et l'accusé de réception. Ces documents seront précieux en cas de litige ultérieur.
Étape 3 : Couper les branches (si inaction)
Passé le délai accordé sans réponse ni action du voisin, vous pouvez procéder à la coupe. Respectez scrupuleusement ces règles :
- Ne coupez que les parties dépassant la limite séparative
- Ne montez pas sur l'arbre (qui appartient au voisin)
- Restituez les branches coupées au voisin
- Documentez l'opération (photos avant/après, facture de l'élagueur)
Pour les travaux en hauteur, faites appel à un professionnel qui dispose des assurances nécessaires.
Étape 4 : Recours judiciaire (cas extrêmes)
Si le voisin s'oppose activement à l'élagage ou conteste votre droit, saisissez le tribunal judiciaire (anciennement tribunal d'instance). Le juge peut :
- Ordonner l'élagage sous astreinte financière
- Vous autoriser à faire procéder aux travaux aux frais du voisin
- Accorder des dommages-intérêts pour le préjudice subi
Les frais d'avocat et de procédure peuvent atteindre 2 000 à 5 000 €. Réservez cette option aux cas de blocage total. Pour les litiges importants, consultez un avocat spécialisé en urbanisme ou en droit de la propriété.
Cas pratiques et jurisprudence
Exemple 1 : Élagage amiable réussi
Une propriétaire constate que les branches du tilleul voisin (20 mètres de haut) ombragent sa terrasse et bouchent ses gouttières chaque automne.
La démarche : Discussion avec le voisin qui reconnaît le problème. Ils font appel ensemble à un élagueur qui intervient pour 380 €, partagés en deux.
Résultat : Les branches sont coupées à l'aplomb de la limite. Le voisin récupère le bois pour son chauffage. Coût pour chacun : 190 €. Aucun conflit.
Exemple 2 : Auto-élagage après mise en demeure
Un retraité subit depuis 3 ans l'envahissement de son potager par les branches d'un chêne voisin. Le propriétaire de l'arbre, en résidence secondaire, ne répond jamais aux appels.
La procédure :
- Lettre recommandée envoyée le 15 mars (délai de 2 mois accordé)
- Aucune réponse au 15 mai
- Intervention d'un élagueur le 20 mai
- Branches coupées déposées chez le voisin avec photos
Coût : 450 € d'élagage professionnel, entièrement à la charge du retraité (pas de remboursement possible sans procédure judiciaire).
Exemple 3 : Recours des tiers devenu contentieux
Deux voisins en conflit depuis des années sur de multiples sujets. L'un demande l'élagage de cyprès de 15 mètres qui ont grandi sans entretien.
Le litige : Le propriétaire des cyprès refuse, invoquant un droit acquis. L'autre saisit le tribunal.
Le jugement : Le tribunal ordonne l'élagage sous astreinte de 50 € par jour de retard. Les frais de justice et d'avocat (4 200 €) sont mis à la charge du propriétaire récalcitrant.
Durée : 18 mois de procédure avant l'exécution effective.
Distances légales de plantation
Le Code civil (article 671) fixe également des distances minimales de plantation :
| Type de plantation | Distance à la limite |
|---|---|
| Arbres > 2 m de haut | 2 mètres minimum |
| Arbres ≤ 2 m de haut | 0,5 mètre minimum |
| Haies | 0,5 mètre minimum |
Si un arbre est planté trop près de la limite, vous pouvez en exiger l'arrachage, sauf s'il est là depuis plus de 30 ans (prescription acquisitive).
Erreurs à éviter
1. Couper sans mise en demeure préalable
Même si la loi de 2023 autorise l'auto-élagage, elle impose une mise en demeure préalable. Couper sans ce formalisme vous expose à un recours du voisin qui pourrait obtenir des dommages-intérêts. Respectez la procédure : courrier recommandé, délai raisonnable, puis action.
2. Dépasser la limite séparative
Vous ne pouvez couper que ce qui dépasse chez vous. Si vous taillez au-delà de la limite, même de quelques centimètres, vous portez atteinte à la propriété du voisin. Cette erreur peut vous coûter des dommages-intérêts et la remise en état.
3. Empoisonner l'arbre ou endommager le tronc
Certains, excédés, versent des produits sur les racines ou entaillent le tronc. Ces actes constituent une destruction de bien d'autrui, passible de poursuites pénales. Les dommages-intérêts peuvent atteindre plusieurs milliers d'euros pour un arbre mature.
4. Intervenir sur un arbre protégé sans autorisation
Un arbre classé, situé en site inscrit ou en périmètre de monument historique, ne peut être élagué qu'avec l'accord de l'Architecte des Bâtiments de France. Une intervention non autorisée expose à des sanctions pénales.
5. Négliger les distances de plantation lors de travaux
Si vous construisez une extension ou aménagez vos extérieurs, vérifiez les distances de plantation existantes. Un arbre non conforme planté depuis moins de 30 ans peut être arraché sur demande du voisin. Consultez le plan de masse de votre projet pour anticiper ces problèmes.
Questions fréquentes
Puis-je couper les branches du voisin qui dépassent chez moi ?
Oui, depuis la loi du 8 octobre 2023, l'article 673 du Code civil vous autorise à couper vous-même les branches dépassant sur votre propriété. Cependant, vous devez d'abord mettre en demeure votre voisin par lettre recommandée et lui accorder un délai raisonnable (généralement 2 mois) pour procéder lui-même à l'élagage. Ce n'est qu'en cas d'inaction que vous pouvez intervenir.
À qui appartiennent les branches et fruits des arbres du voisin ?
Les branches coupées appartiennent au propriétaire de l'arbre. Vous devez les lui restituer après l'élagage. En revanche, les fruits qui tombent naturellement sur votre terrain vous appartiennent. Vous ne pouvez pas cueillir les fruits sur les branches qui dépassent (ils appartiennent au voisin), mais ceux qui tombent au sol chez vous sont à vous.
Puis-je couper les racines qui viennent chez moi ?
Oui, l'article 673 alinéa 2 du Code civil vous autorise à couper les racines jusqu'à la limite séparative, sans mise en demeure préalable. Attention toutefois : couper des racines importantes peut déstabiliser l'arbre. Si celui-ci tombe et cause des dommages, votre responsabilité pourrait être engagée. Pour les grands arbres, faites évaluer les risques par un professionnel.
Quelle distance minimum pour planter un arbre en limite de propriété ?
L'article 671 du Code civil fixe les distances : 2 mètres de la limite pour les arbres de plus de 2 mètres de haut, et 0,5 mètre pour les arbres et haies de moins de 2 mètres. Le règlement de lotissement ou le PLU peut prévoir des règles différentes. Un arbre non conforme peut être arraché sur demande du voisin, sauf s'il est planté depuis plus de 30 ans.
Que faire si mon voisin refuse de couper ses branches ?
Après une mise en demeure restée sans effet, vous avez deux options : procéder vous-même à l'élagage (à vos frais) ou saisir le tribunal judiciaire. Le juge peut ordonner l'élagage sous astreinte financière et condamner le voisin aux frais de procédure. La voie judiciaire est plus coûteuse mais permet d'obtenir le remboursement de l'élagage et des dommages-intérêts.
Les feuilles mortes du voisin sont-elles un trouble de voisinage ?
La chute de feuilles est considérée comme un inconvénient normal du voisinage tant qu'elle reste dans des proportions raisonnables. Cependant, une quantité excessive qui engorge vos gouttières ou rend impraticable votre terrasse peut constituer un trouble anormal. Dans ce cas, vous pouvez demander l'élagage pour réduire la quantité de feuilles tombant chez vous.
Un arbre qui fait de l’ombre est-il un trouble de voisinage ?
L'ombre portée par les arbres est généralement considérée comme un inconvénient normal du voisinage. Toutefois, une ombre excessive et permanente qui prive votre logement de tout ensoleillement peut être qualifiée de trouble anormal. La jurisprudence apprécie au cas par cas selon l'intensité de la gêne, l'ancienneté des plantations et les usages locaux.
Conclusion
Les branches dépassantes constituent l'un des litiges de voisinage les plus fréquents. La réforme de l'article 673 du Code civil en 2023 a simplifié vos droits : après mise en demeure restée sans effet, vous pouvez désormais couper vous-même les branches qui empiètent sur votre terrain.
Pour éviter les conflits, privilégiez toujours le dialogue amiable. Un élagage partagé coûte moins cher qu'une procédure judiciaire et préserve les bonnes relations de voisinage. Si vous devez agir seul, respectez scrupuleusement la procédure : mise en demeure écrite, délai raisonnable, coupe limitée à ce qui dépasse chez vous.
Vous envisagez des travaux qui pourraient être gênés par les plantations voisines ? Anticipez en consultant les zones constructibles du PLU et en faisant réaliser des exemples de plan de masse annotés qui tiennent compte des végétaux existants. Pour les projets complexes incluant des aménagements paysagers, pensez à la RE2020 qui valorise la végétalisation tout en respectant les limites de propriété.
Sources : Code civil (articles 671-673), Service-public.fr, Legifrance
