Charles Aznavour : Sa Dernière Demeure aux Alpilles, un Patrimoine sous Protection
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Mouriès, au cœur des Alpilles. C'est là que Charles Aznavour avait choisi de poser ses valises, dans un mas provençal de 400 m² entouré d'oliviers centenaires. Cette demeure, typique du patrimoine bâti des Bouches-du-Rhône, illustre parfaitement les défis auxquels font face les propriétaires de biens situés en zone protégée. Entre le Parc Naturel Régional des Alpilles et les servitudes patrimoniales, construire ou rénover dans ce secteur exige une connaissance approfondie des règles d'urbanisme. Une mise en conformité mal anticipée peut coûter très cher.
Sommaire
- Le mas de Mouriès : un patrimoine d'exception
- Les Alpilles : un territoire sous haute protection
- Construire ou rénover dans les Alpilles
- Les démarches administratives spécifiques
- Cas pratiques de rénovation en zone protégée
- Erreurs à éviter
- Questions fréquentes
- Conclusion
Le mas de Mouriès : un patrimoine d'exception
Une demeure provençale authentique
Charles Aznavour a acquis cette propriété dans les années 1970, attirée par l'authenticité du lieu. Le mas, construction traditionnelle provençale, présente les caractéristiques typiques de l'architecture locale :
- Surface habitable : environ 400 m²
- Terrain : 5 hectares d'oliviers et de champs
- Matériaux : pierre de Fontvieille, tuiles canal
- Époque de construction : XVIIIe siècle (corps principal)
Cette demeure n'est pas un cas isolé. Les Alpilles comptent des centaines de mas similaires, dont beaucoup nécessitent des travaux de rénovation soumis à des règles strictes.
L'estimation d'un tel bien
| Élément | Valeur estimée |
|---|---|
| Mas principal (400 m²) | 1,5 à 2 M€ |
| Dépendances (150 m²) | 300 000 à 500 000 € |
| Terrain (5 ha) | 400 000 à 600 000 € |
| Plus-value « notoriété » | Variable |
| Total | 2,5 à 3,5 M€ |
La valeur dépend fortement de l'état du bâti et des possibilités d'extension ou de rénovation autorisées par le PLU et le règlement du Parc Naturel Régional.
Les Alpilles : un territoire sous haute protection
Le Parc Naturel Régional
Créé en 2007, le Parc Naturel Régional des Alpilles couvre 16 communes et 51 000 hectares. Cette protection implique :
- Une charte paysagère à respecter
- Des prescriptions architecturales strictes
- L'avis systématique de la commission du parc pour certains projets
- Des restrictions sur les matériaux et couleurs autorisés
Les autres protections cumulables
La région concentre plusieurs dispositifs de protection qui peuvent se superposer :
Sites classés et inscrits : les crêtes des Alpilles sont classées, imposant une autorisation ministérielle pour tout travaux visible.
Périmètres de monuments historiques : à proximité des Baux-de-Provence ou de Saint-Rémy, le périmètre de 500 m autour des monuments impose l'avis de l'ABF.
Zones Natura 2000 : plusieurs sites abritent des espèces protégées (aigle de Bonelli, faucon crécerellette), nécessitant une évaluation des incidences pour certains projets.
ZPPAUP/AVAP devenues SPR : certaines communes disposent d'un Site Patrimonial Remarquable avec règlement spécifique.
Impact sur les autorisations d'urbanisme
| Type de zone | Délai supplémentaire | Contraintes |
|---|---|---|
| Parc Naturel Régional | Variable | Avis architecte-conseil |
| Périmètre MH | +1 mois | Avis ABF obligatoire |
| Site classé | +3 à 6 mois | Autorisation ministérielle |
| Natura 2000 | +2 mois | Évaluation des incidences |
Construire ou rénover dans les Alpilles
Les travaux soumis à autorisation
Dans ce secteur, pratiquement tous les travaux visibles depuis l'extérieur nécessitent une autorisation :
Déclaration préalable obligatoire :
- Ravalement de façade
- Changement de menuiseries
- Installation de panneaux solaires
- Création d'ouvertures
- Clôtures et portails
Permis de construire obligatoire :
- Extensions supérieures à 20 m² (ou 40 m² en zone U)
- Constructions nouvelles
- Changements de destination avec travaux structurels
- Piscines couvertes
Pour tout projet dépassant 150 m² de surface totale, le recours à un architecte est obligatoire.
Les prescriptions architecturales
Le règlement du Parc et les PLU locaux imposent généralement :
Toitures :
- Tuiles canal de récupération ou aspect vieilli
- Pente entre 25% et 35%
- Couleur terre cuite (nuancier imposé)
Façades :
- Enduit à la chaux (pas de crépi projeté)
- Coloris ocre, beige, blanc cassé
- Pierre apparente possible si existante
Menuiseries :
- Bois peint ou aluminium laqué
- Couleurs : gris, blanc cassé, vert amande
- Volets battants obligatoires (pas de volets roulants apparents)
Clôtures :
- Murets en pierre sèche privilégiés
- Hauteur limitée (1,20 m à 1,80 m selon zones)
- Pas de grillage vert industriel
Le cas des piscines
L'installation d'une piscine dans les Alpilles suit des règles strictes :
- Déclaration préalable : obligatoire dès que le bassin dépasse 10 m²
- Intégration paysagère : margelles en pierre naturelle, pas de liner bleu vif
- Local technique : doit être masqué ou enterré
- Plage : matériaux naturels (pierre, bois, gravier)
Le plan de masse doit montrer précisément l'implantation et les aménagements paysagers.
Les démarches administratives spécifiques
Étape 1 : Consultation préalable
Avant tout projet, prenez rendez-vous avec :
- Le service urbanisme de la commune
- Le CAUE (Conseil d'Architecture, d'Urbanisme et de l'Environnement)
- L'architecte-conseil du Parc (gratuit)
Ces consultations vous éviteront des refus et des modifications coûteuses.
Étape 2 : Constitution du dossier renforcé
En zone protégée, le dossier doit être particulièrement soigné :
Pièces graphiques :
- Plan de masse à l'échelle 1/200 ou 1/500
- Plans des façades existantes et projetées
- Document d'insertion paysagère (photomontage)
- Palette de matériaux et coloris
Pièces complémentaires :
- Notice décrivant le projet et son intégration
- Attestation de conformité aux règles du Parc
- Éventuellement, étude d'impact Natura 2000
Étape 3 : Instruction prolongée
Les délais d'instruction sont majorés :
- Déclaration préalable : 2 mois (au lieu d'1 mois)
- Permis de construire : 3 à 4 mois (au lieu de 2)
- Avec site classé : jusqu'à 6 mois
Étape 4 : Respect des prescriptions
L'autorisation accordée comporte souvent des prescriptions spéciales de l'ABF ou du Parc. Leur non-respect peut entraîner une mise en demeure et l'obligation de travaux correctifs.
Cas pratiques de rénovation en zone protégée
Cas 1 : Extension d'un mas à Maussane-les-Alpilles
Projet : Extension de 45 m² pour créer une suite parentale
Situation : Mas de 180 m² dans le Parc, à 600 m d'un site inscrit
Contraintes identifiées :
- Avis ABF nécessaire (périmètre monument)
- Règlement du Parc applicable
- Surface totale après travaux : 225 m² → architecte obligatoire
Déroulement :
- Consultation CAUE : recommandation d'une extension en volume bas
- Avant-projet soumis à l'ABF : modifications demandées sur les ouvertures
- Dépôt du permis : instruction de 4 mois
- Obtention avec prescriptions : tuiles de récupération imposées
Budget : 180 000 € de travaux + 12 000 € d'honoraires architecte
Cas 2 : Changement de fenêtres à Saint-Rémy-de-Provence
Projet : Remplacement de 8 fenêtres bois par du PVC
Situation : Maison de village dans le périmètre des Antiques (monument classé)
Issue : Refus ABF pour le PVC. Obligation de conserver le bois, avec possibilité d'aluminium à rupture de pont thermique, finition laquée gris.
Budget révisé : de 6 400 € (PVC) à 14 400 € (aluminium haute qualité)
Leçon : En secteur ABF, anticipez le surcoût des matériaux nobles. Le calcul de surface de plancher n'est pas le seul critère – l'aspect extérieur prime.
Cas 3 : Construction d'un pool house aux Baux
Projet : Pool house de 25 m² avec cuisine d'été
Situation : Propriété dans le site classé des Alpilles
Procédure :
- Demande d'autorisation en site classé (DREAL + Commission des sites)
- Durée d'instruction : 8 mois
- Prescriptions : construction semi-enterrée, toiture végétalisée, murs en pierre locale
Budget : 95 000 € (au lieu de 45 000 € pour une construction standard)
Erreurs à éviter
1. Sous-estimer les délais
Un projet simple en zone non protégée prend 3-4 mois. En zone Alpilles, comptez 6 à 12 mois minimum. Planifiez en conséquence.
2. Négliger la consultation préalable
L'architecte-conseil du Parc est gratuit. Ne pas le consulter expose à des refus et des modifications coûteuses. Les infos pratiques sur les démarches sont disponibles en mairie.
3. Choisir des matériaux non conformes
Les économies sur les matériaux se transforment en surcoûts si l'ABF impose des modifications. Intégrez dès le départ les prescriptions architecturales.
4. Oublier les déclarations « mineures »
Un simple changement de volets sans déclaration peut entraîner un procès-verbal d'infraction. Même les travaux d'entretien peuvent nécessiter une autorisation en secteur protégé.
5. Commencer avant l'autorisation définitive
Le délai de recours des tiers (2 mois) s'applique aussi en zone protégée. Commencer les travaux trop tôt vous expose à devoir tout défaire si un recours aboutit.
Questions fréquentes
Peut-on construire une maison neuve dans les Alpilles ?
Oui, mais uniquement dans les zones constructibles du PLU (zones U et AU). Les zones A (agricoles) et N (naturelles), majoritaires dans le Parc, ne permettent que des constructions liées à l'exploitation agricole ou des extensions limitées de l'existant. En zone constructible, le projet doit respecter la charte du Parc et obtenir les avis favorables des services compétents. Comptez 12 à 18 mois pour un projet de maison neuve dans ce secteur.
Faut-il un architecte pour rénover un mas provençal ?
Légalement, l'architecte n'est obligatoire que si la surface totale après travaux dépasse 150 m². Toutefois, dans les zones protégées des Alpilles, faire appel à un architecte est fortement recommandé même en dessous de ce seuil. Les exigences de l'ABF et du Parc nécessitent une expertise que seul un professionnel maîtrise. Le surcoût (8 à 12% du projet) est souvent compensé par l'absence de modifications en cours de chantier.
Quels sont les délais pour obtenir un permis de construire dans les Alpilles ?
Les délais sont majorés par rapport au droit commun. Pour une déclaration préalable : 2 mois (au lieu d'1 mois). Pour un permis de construire : 3 à 4 mois. En site classé, l'autorisation ministérielle peut porter le délai total à 6-8 mois. Ajoutez 2 mois de recours des tiers après affichage. Un projet complet prend donc 6 à 12 mois entre le dépôt et le début des travaux.
Les panneaux solaires sont-ils autorisés dans les Alpilles ?
Oui, sous conditions strictes. Les panneaux doivent être intégrés en toiture (pas de surimposition) et de couleur sombre pour se fondre avec les tuiles. Leur installation nécessite une déclaration préalable avec avis de l'ABF en périmètre de monument. Certains secteurs très protégés (sites classés, cœurs de village) peuvent voir les demandes refusées. Les installations au sol sont généralement interdites sauf sur des annexes agricoles non visibles depuis l'espace public.
Comment régulariser des travaux réalisés sans autorisation dans les Alpilles ?
La régularisation est possible si les travaux sont conformes aux règles actuelles. Déposez une déclaration préalable ou un permis « régularisatif » en mairie. L'ABF sera consulté et pourra demander des modifications pour mise en conformité avec les prescriptions architecturales. En cas de travaux non régularisables (extension en zone N, matériaux interdits), la démolition peut être ordonnée. Les sanctions sont plus lourdes en zone protégée : jusqu'à 6 000 €/m² d'amende plus les frais de remise en état.
Conclusion
La demeure de Charles Aznavour aux Alpilles symbolise un patrimoine provençal d'exception, mais aussi les défis que représente la construction ou la rénovation dans ce territoire sous haute protection.
Pour tout projet dans les Alpilles :
- Anticipez les délais : 6 à 12 mois minimum
- Consultez les experts : CAUE, architecte-conseil du Parc, ABF
- Respectez les prescriptions : matériaux, couleurs, volumes
- Prévoyez un budget adapté : le surcoût des matériaux nobles est inévitable
Les formulaires CERFA sont les mêmes qu'ailleurs, mais les pièces complémentaires et l'attention aux détails font toute la différence. Un plan de maison respectant les codes architecturaux locaux est indispensable.
Si vous envisagez d'acquérir ou de rénover un mas dans les Alpilles, faites-vous accompagner dès le départ. La beauté préservée de ce territoire a un prix : celui de la rigueur administrative et du respect du patrimoine.
Sources : Charte du Parc Naturel Régional des Alpilles, Code du patrimoine, Code de l'urbanisme, DRAC PACA
