Voisinage & Conflits

Mon Voisin a Surélevé le Mur Mitoyen Sans Accord : Que Faire ?

Mon Voisin a Surélevé le Mur Mitoyen Sans Mon Accord : Quels Recours ?

Temps de lecture : 10 minutes

Vous rentrez chez vous et constatez que le mur séparant votre propriété de celle du voisin a pris 50 cm de hauteur. Surprise : personne ne vous a consulté. La surélévation d'un mur mitoyen sans l'accord du copropriétaire constitue pourtant une violation des articles 658 et 659 du Code civil. Si votre voisin a agi unilatéralement, vous disposez de plusieurs recours : demande de remise en état, indemnisation, voire démolition judiciaire. Mais attention, la situation n'est pas toujours aussi simple qu'il y paraît. Dans certains cas, le voisin avait effectivement le droit de surélever… à condition de respecter certaines règles. Cet article vous explique vos droits, les obligations de votre voisin, et les démarches à entreprendre pour faire valoir vos intérêts.

Sommaire

  1. Le mur mitoyen : définition et droits des copropriétaires
  2. La surélévation : quand est-elle légale ?
  3. Cas pratiques : 3 situations concrètes
  4. Les 5 erreurs à éviter face à cette situation
  5. Questions fréquentes
  6. Conclusion

Le mur mitoyen : définition et droits des copropriétaires

Qu'est-ce qu'un mur mitoyen ?

Le mur mitoyen est un mur édifié sur la limite séparative de deux propriétés et appartenant en copropriété aux deux voisins. Contrairement à un mur privatif qui appartient à un seul propriétaire, le mur mitoyen implique des droits et obligations partagés entre les deux parties.

Le Code civil (articles 653 à 673) encadre précisément ce régime de copropriété forcée. Chaque copropriétaire peut utiliser le mur, y adosser des constructions, y planter des espaliers… mais dans le respect des droits de l'autre.

Comment savoir si le mur est mitoyen ?

Plusieurs indices permettent d'identifier la mitoyenneté :

Indice Interprétation
Mur sur la limite exacte Présomption de mitoyenneté
Chaperon à un seul versant Mur privatif (côté du versant)
Filet d'un seul côté Mur privatif (côté du filet)
Titre de propriété Mention explicite fait foi
Convention notariée Règle les droits entre voisins

En l'absence de preuve contraire, un mur situé exactement sur la limite séparative est présumé mitoyen (article 653 du Code civil).

Les droits du copropriétaire du mur mitoyen

Chaque copropriétaire dispose de droits équivalents :

  • Droit d'usage : utiliser le mur de son côté (accrocher, adosser)
  • Droit de surélévation : exhausser le mur à ses frais
  • Droit d'enfoncement : placer des poutres dans le mur (jusqu'à mi-épaisseur)
  • Droit de démolition-reconstruction : sous conditions

Attention : ces droits ne sont pas absolus. La surélévation notamment obéit à des règles strictes.

La surélévation d'un mur mitoyen : quand est-elle légale ?

Le principe : surélévation unilatérale possible

L'article 658 du Code civil autorise chaque copropriétaire à surélever le mur mitoyen sans l'accord préalable de l'autre, mais sous plusieurs conditions :

  1. Supporter seul les frais de la surélévation
  2. Supporter les réparations d'entretien de la partie surélevée
  3. Payer une indemnité si le mur existant ne peut pas supporter la surcharge
  4. Reconstruire le mur si nécessaire, à ses frais exclusifs

La partie surélevée reste la propriété exclusive de celui qui l'a construite, mais repose sur un bien commun.

Les limites au droit de surélévation

Votre voisin ne peut pas tout faire. Son droit de surélévation trouve ses limites dans :

Les règles d'urbanisme : même sur un mur existant, la surélévation peut nécessiter une déclaration préalable si la hauteur dépasse 2 m (article R421-12 du Code de l'urbanisme). En zone protégée par l'ABF ou dans le périmètre de protection d'un monument historique, l'avis de l'Architecte des Bâtiments de France est obligatoire.

Le PLU : le Plan Local d'Urbanisme peut limiter la hauteur des clôtures et murs de séparation. Une surélévation dépassant cette limite constitue une infraction.

L'abus de droit : si la surélévation n'a aucune utilité pour le voisin mais vise uniquement à vous nuire (vous priver de lumière par exemple), les tribunaux peuvent caractériser un abus de droit.

Les troubles du voisinage : perte d'ensoleillement excessive, création d'une vue plongeante… La jurisprudence sanctionne les troubles anormaux, même en l'absence de faute technique.

La déclaration préalable pour les murs et clôtures

Avant d'entreprendre une surélévation, le voisin devait-il déposer une déclaration préalable en mairie ? La réponse dépend de plusieurs critères :

  • Hauteur finale du mur : au-delà de 2 m, déclaration obligatoire
  • Zone du PLU : certaines communes imposent une déclaration pour toute modification de clôture
  • Secteur protégé : abords de monument historique, site inscrit → déclaration systématique

L'absence d'autorisation d'urbanisme constitue une infraction distincte de la question civile. Vous pouvez signaler cette irrégularité à la mairie.

Cas pratiques : 3 situations concrètes

Cas n°1 : Surélévation de 30 cm pour un abri de jardin

Situation : Votre voisin a surélevé le mur mitoyen de 30 cm pour pouvoir y adosser un abri de jardin. Le mur fait maintenant 2,10 m au lieu de 1,80 m.

Analyse :

  • La surélévation de 30 cm est légalement autorisée (article 658 du Code civil)
  • Mais : la hauteur finale dépasse 2 m → déclaration préalable obligatoire
  • Le voisin aurait dû informer la mairie, pas vous demander l'accord

Recours possible :

  • Si pas de déclaration préalable : signaler à la mairie pour obtenir la régularisation ou la démolition
  • Si trouble de voisinage (ombre) : recours civil possible

Coût estimé du litige : 1 500 à 3 000 € de frais d'avocat si procédure

Cas n°2 : Surélévation de 80 cm avec reconstruction partielle

Situation : Le voisin a fait reconstruire le haut du mur mitoyen pour le surélever de 80 cm. Les travaux ont fissuré votre côté du mur et abîmé votre crépi.

Analyse :

  • Le voisin a le droit de surélever (article 658)
  • Mais : il doit réparer les dégâts causés au mur commun
  • La fissuration engage sa responsabilité civile

Recours :

  1. Mise en demeure par courrier recommandé
  2. Expertise amiable ou judiciaire pour chiffrer les dégâts
  3. Demande d'indemnisation (crépi, renforcement, préjudice de jouissance)

Exemple de chiffrage :

  • Reprise crépi côté propriétaire lésé : 1 200 €
  • Renforcement fissures : 2 500 €
  • Préjudice de jouissance pendant travaux : 500 €
  • Total : 4 200 € à réclamer au voisin

Cas n°3 : Surélévation pour créer une vue plongeante

Situation : Le voisin a surélevé le mur de 1,50 m et y a percé une fenêtre qui donne directement sur votre terrasse et votre piscine.

Analyse :

  • La surélévation seule peut être légale
  • Mais : la création d'une vue directe viole l'article 678 du Code civil
  • Une fenêtre donnant vue droite doit être à 1,90 m minimum du fonds voisin

Recours :

  1. Mise en demeure d'obturer la fenêtre
  2. Si refus : référé pour faire cesser le trouble
  3. Possible demande de démolition de la partie irrégulière

Ce cas peut aussi croiser les questions d'urbanisme : votre voisin peut-il contester votre permis de construire de la même façon que vous pouvez contester ses travaux irréguliers.

Les 5 erreurs à éviter face à cette situation

Erreur n°1 : Détruire soi-même la partie surélevée

Même si la surélévation est irrégulière, vous n'avez pas le droit de vous faire justice vous-même. La destruction sans décision de justice constitue une voie de fait et vous expose à des poursuites. Seul un tribunal peut ordonner la démolition.

Erreur n°2 : Attendre trop longtemps pour agir

Les actions civiles relatives aux troubles du voisinage se prescrivent par 5 ans (article 2224 du Code civil). Plus vous attendez, plus il sera difficile de prouver les préjudices et d'obtenir satisfaction. Agissez dès que vous constatez la surélévation.

Erreur n°3 : Confondre droit civil et droit de l'urbanisme

L'absence de permis de construire ou de déclaration préalable est une infraction au Code de l'urbanisme. Elle ne vous donne pas automatiquement droit à la démolition sur le plan civil. Les deux procédures sont distinctes :

  • Signalement en mairie → sanction administrative
  • Action civile au tribunal → indemnisation ou démolition pour trouble

Erreur n°4 : Refuser toute négociation amiable

Un procès coûte cher et dure longtemps. Avant d'engager une action judiciaire, tentez une médiation :

  • Lettre amiable exposant vos griefs
  • Proposition de conciliation (mairie ou conciliateur de justice)
  • Médiation professionnelle

80 % des litiges de voisinage se règlent à l'amiable quand les parties acceptent de discuter.

Erreur n°5 : Ignorer les délais de recours

Si votre voisin a obtenu une déclaration préalable pour sa surélévation, le recours des tiers est limité à 2 mois à compter de l'affichage sur le terrain. Passé ce délai, l'autorisation devient définitive et vous ne pourrez plus la contester. Si votre voisin a fait opposition à votre permis, les règles sont similaires.

Questions fréquentes

Mon voisin peut-il surélever le mur mitoyen sans mon accord ?

Oui, l'article 658 du Code civil l'y autorise expressément. Chaque copropriétaire d'un mur mitoyen peut le faire exhausser à ses frais, sans demander l'accord de l'autre. En revanche, il doit supporter seul les frais de construction et d'entretien de la partie surélevée. Si le mur actuel ne peut pas supporter la surcharge, il doit le reconstruire en totalité à ses frais. La partie surélevée lui appartient en propre.

Quelle hauteur maximale pour un mur mitoyen surélevé ?

Le Code civil ne fixe pas de hauteur maximale. C'est le PLU de votre commune qui détermine cette limite, généralement entre 1,80 m et 2,50 m selon les zones. Au-delà de 2 m, une déclaration préalable est obligatoire. En zone ABF (périmètre de 500 m autour d'un monument historique), l'Architecte des Bâtiments de France peut imposer des restrictions supplémentaires.

Quels recours si la surélévation me prive de lumière ?

La perte de lumière peut constituer un trouble anormal de voisinage, même si la surélévation est techniquement légale. Vous pouvez saisir le tribunal judiciaire pour demander des dommages et intérêts, voire la réduction de hauteur du mur. La jurisprudence apprécie au cas par cas : importance de la perte d'ensoleillement, situation antérieure, destination des pièces affectées (salon vs garage), etc.

Puis-je refuser de participer aux frais de la surélévation ?

Absolument. L'article 658 du Code civil est clair : celui qui fait surélever le mur supporte seul les frais de construction ET d'entretien de la partie exhaussée. Vous n'avez rien à payer. En revanche, si vous souhaitez ultérieurement utiliser cette partie surélevée (y appuyer une construction par exemple), vous devrez alors verser une indemnité au voisin.

La surélévation a fissuré le mur : qui paie les réparations ?

Le voisin qui a fait surélever le mur est responsable de tous les dégâts causés par les travaux. L'article 659 du Code civil prévoit qu'en cas de surcharge excessive, il doit même reconstruire le mur à ses frais. Les fissures, décollements de crépi et autres désordres engagent sa responsabilité civile. Faites constater les dégâts par huissier et adressez une mise en demeure de réparation.

Comment prouver que le mur est bien mitoyen ?

Consultez d'abord votre titre de propriété chez le notaire. Si le mur n'y est pas mentionné, la présomption de l'article 653 du Code civil s'applique : tout mur situé sur la limite séparative est présumé mitoyen. Cette présomption peut être renversée par la preuve contraire (chaperon à un versant, traces d'appropriation exclusive). Un géomètre-expert peut réaliser un bornage pour trancher le doute.

Puis-je exiger la démolition de la partie surélevée ?

La démolition n'est pas automatique. Vous pouvez l'obtenir si la surélévation viole les règles d'urbanisme (absence de déclaration préalable, dépassement des hauteurs du PLU) ou constitue un abus de droit manifeste. Le tribunal apprécie la proportionnalité entre le préjudice subi et la sanction demandée. Une indemnisation est souvent préférée à la démolition quand le préjudice reste limité.

Conclusion

La surélévation d'un mur mitoyen par votre voisin n'est pas forcément illégale. Le Code civil autorise cette pratique, à condition que le voisin supporte seul les frais et ne cause pas de trouble excessif.

Les points clés à retenir :

  • La surélévation unilatérale est légale (article 658 du Code civil)
  • Le PLU et les règles d'urbanisme peuvent limiter la hauteur
  • Vous n'avez pas à participer aux frais
  • Les dégâts causés par les travaux doivent être indemnisés
  • Un trouble anormal de voisinage reste sanctionnable

Avant d'engager une procédure contentieuse, tentez toujours une résolution amiable. Si la négociation échoue, le conciliateur de justice (gratuit) puis le tribunal judiciaire sont vos recours.

Pour des travaux sur votre propre terrain, pensez à vérifier la durée de validité de votre permis de construire et à préparer un plan de masse conforme. Une extension de 20 m² ou une terrasse avec pergola nécessitent également des autorisations spécifiques. Et si vous envisagez une isolation thermique par l'extérieur, le mur mitoyen peut poser des questions particulières à anticiper.


Sources : Code civil (articles 653-673), Code de l'urbanisme, Service-public.fr, Legifrance.gouv.fr