Voisinage & Conflits

Terrasse surélevée du voisin : vue plongeante et recours

Terrasse surélevée du voisin : vue plongeante, recours et solutions

Temps de lecture : 9 minutes

Votre voisin vient de construire une terrasse surélevée qui offre une vue plongeante sur votre jardin, votre piscine ou vos fenêtres. Cette situation, de plus en plus fréquente avec l'engouement pour les espaces extérieurs surélevés, pose des questions juridiques précises : a-t-il le droit ? Pouvez-vous exiger des mesures pour préserver votre intimité ? Quels recours si la terrasse a été construite sans autorisation ? Le Code civil et le Code de l'urbanisme apportent des réponses concrètes.


Sommaire

  1. Qu'est-ce qu'une terrasse surélevée ?
  2. Les règles de vue et de distance
  3. Vos recours possibles
  4. Cas pratiques
  5. Erreurs à éviter
  6. Questions fréquentes
  7. Conclusion

Qu'est-ce qu'une terrasse surélevée ?

Définition et seuils

Une terrasse surélevée est une plateforme extérieure construite au-dessus du niveau du sol naturel. Le seuil de 60 cm est déterminant :

Hauteur Qualification Autorisation requise
< 60 cm Terrasse de plain-pied Aucune formalité
60 cm à 1 m Terrasse surélevée Déclaration préalable
> 1 m Terrasse sur pilotis Déclaration préalable ou PC

La terrasse surélevée de plus de 60 cm nécessite une déclaration, car elle crée de l'emprise au sol. Au-delà de 20 m², un permis de construire peut être exigé.

Pourquoi la vue plongeante pose problème

Une terrasse surélevée, même de 80 cm, peut créer une vue directe chez le voisin que le niveau du sol ne permettait pas. Cette nouvelle perspective sur votre jardin, votre terrasse béton au sol ou vos fenêtres constitue une potentielle violation des règles de servitude de vue prévues par le Code civil.

Le problème est d'autant plus sensible avec les terrasses sur pilotis qui peuvent atteindre 2 ou 3 mètres de hauteur, offrant une vue panoramique sur tout le voisinage.

Le cadre juridique

Deux codes régissent cette situation :

Le Code de l'urbanisme (articles R421-9 et suivants) définit les autorisations nécessaires :

  • Déclaration préalable si emprise au sol créée
  • Respect du PLU (distances, hauteur, emprise)

Le Code civil (articles 678 à 680) impose des distances pour les vues :

  • Vue droite (perpendiculaire) : 1,90 m minimum de la limite
  • Vue oblique (en angle) : 0,60 m minimum

Ces distances s'appliquent à toute ouverture créant une vue chez le voisin, y compris les terrasses surélevées.


Les règles de vue et de distance

La servitude de vue : principes

Le Code civil distingue deux types de vues :

Vue droite (article 678) : regard perpendiculaire à la limite séparative

  • Distance minimale : 1,90 mètre entre le bord de la terrasse et la limite
  • Mesurée depuis le bord extérieur de la terrasse jusqu'à la ligne séparative

Vue oblique (article 679) : regard en angle par rapport à la limite

  • Distance minimale : 0,60 mètre
  • S'applique quand il faut tourner la tête pour voir chez le voisin

Schéma des distances :

Limite séparative
        |
        |<-- 1,90 m -->| Terrasse (vue droite)
        |
        |<- 0,60 m ->| Terrasse (vue oblique)

Application aux terrasses surélevées

Une terrasse de plain-pied n'est généralement pas concernée par ces règles : étant au niveau du sol, elle ne crée pas de vue plongeante. Mais dès qu'elle est surélevée, la situation change :

Hauteur terrasse Vue créée Distance applicable
< 60 cm Pas de vue nouvelle Néant
60-120 cm Vue partielle Selon configuration
> 120 cm Vue plongeante certaine 1,90 m ou 0,60 m

Point crucial : la jurisprudence considère qu'une terrasse surélevée accessible constitue une "ouverture" au sens du Code civil, même à ciel ouvert.

Le PLU et les règles locales

Au-delà du Code civil, le PLU peut imposer des contraintes supplémentaires :

  • Retrait minimum par rapport aux limites (souvent 3 m ou H/2)
  • Hauteur maximale des constructions annexes
  • Emprise au sol limitée

Consultez le plan de masse pour permis de construire ou déclaration préalable de votre voisin pour vérifier la conformité aux règles locales.

Construire une terrasse : les démarches

Si vous souhaitez vous-même construire une terrasse surélevée, voici les étapes :

  1. Vérifier le PLU : distances, hauteur, emprise autorisée
  2. Déposer une déclaration préalable si hauteur > 60 cm ou emprise > 5 m²
  3. Respecter les distances de vue : 1,90 m pour vue droite
  4. Prévoir des occultations si distances insuffisantes

Le formulaire CERFA 13703 (ou 16702/16703 depuis 2025) est requis pour la déclaration de terrasse.


Vos recours possibles

Recours amiable

Avant toute procédure, tentez une discussion avec votre voisin. Plusieurs solutions amiables existent :

  • Panneau occultant : brise-vue, canisse, plantes grimpantes
  • Rehaussement de clôture : mur ou palissade plus haute
  • Modification de la terrasse : recul, garde-corps opaque
  • Convention de servitude : accord écrit autorisant la vue

Ces solutions évitent un contentieux long et coûteux.

Vérification de l'autorisation d'urbanisme

Première étape juridique : vérifier si la terrasse a été autorisée.

Comment procéder :

  1. Consultez le registre des autorisations d'urbanisme en mairie
  2. Demandez communication du dossier (droit d'accès aux documents administratifs)
  3. Vérifiez la conformité au PLU : distances, hauteur, emprise

Si la terrasse a été construite sans autorisation ou en violation du PLU, vous pouvez signaler l'infraction à la mairie. La terrasse compte dans l'emprise au sol si elle est surélevée.

Recours contre le permis ou la déclaration

Si une déclaration préalable a été accordée et que vous estimez qu'elle viole les règles d'urbanisme, vous pouvez former un recours :

Délai : 2 mois à compter de l'affichage sur le terrain

Procédure :

  1. Recours gracieux auprès du maire
  2. Recours contentieux devant le tribunal administratif si rejet

Motifs invocables :

  • Non-respect des distances du PLU
  • Emprise au sol dépassée
  • Absence de consultation ABF en secteur protégé

Action civile pour violation des règles de vue

Indépendamment du droit de l'urbanisme, vous pouvez agir devant le tribunal judiciaire pour faire respecter les distances légales du Code civil.

Ce que vous pouvez obtenir :

  • Condamnation à mettre en place un occultant
  • Obligation de reculer la terrasse
  • Dommages-intérêts pour trouble de voisinage

Attention : l'action en justice peut prendre 1 à 3 ans et coûter plusieurs milliers d'euros en honoraires d'avocat.


Cas pratiques

Cas 1 : Terrasse bois sur pilotis à 1 m de la limite

Situation : M. Dupont a construit une terrasse bois sur pilotis de 25 m² à 1,50 m de hauteur, située à seulement 1 m de la limite avec Mme Martin. La vue plongeante donne directement sur le jardin et la terrasse béton de Mme Martin.

Analyse :

  • Hauteur > 60 cm : déclaration préalable obligatoire
  • Surface > 20 m² : possible permis de construire selon PLU
  • Distance < 1,90 m : violation de l'article 678 du Code civil

Solution : Mme Martin peut exiger la mise en place d'un brise-vue de 1,80 m de hauteur minimum, ou le recul de la terrasse à 1,90 m de la limite.

Cas 2 : Terrasse sur plots sans autorisation

Situation : Une terrasse sur plots de 15 m² surélevée de 40 cm a été installée sans déclaration. Le voisin conteste.

Analyse :

  • Hauteur < 60 cm : pas de création d'emprise au sol
  • Pas de vue plongeante significative
  • Généralement pas d'autorisation requise

Solution : La terrasse est probablement régulière. Le voisin ne peut pas exiger sa démolition, sauf si le PLU prévoit des règles spécifiques.

Cas 3 : Extension de 20 m² avec terrasse attenante

Situation : Une extension de maison s'accompagne d'une terrasse surélevée de 30 m² à 80 cm du sol, à 2,50 m de la limite.

Analyse :

  • Extension : déclaration préalable (zone U PLU)
  • Terrasse > 60 cm : déclaration préalable
  • Distance > 1,90 m : conforme au Code civil

Solution : Le projet est régulier si une déclaration préalable a été déposée et acceptée. Le voisin ne peut pas s'y opposer.

Cas 4 : Rooftop en copropriété

Situation : Un copropriétaire aménage un rooftop sur son toit-terrasse privatif, créant une vue sur les appartements voisins.

Analyse :

  • Autorisation de la copropriété (AG) obligatoire
  • Déclaration préalable en mairie
  • Règles de vue applicables aux voisins extérieurs

Solution : Sans accord de l'AG, l'aménagement peut être contesté par les autres copropriétaires.


Erreurs à éviter

Erreur 1 : Penser que la terrasse sans permis est forcément illégale

Une terrasse de plain-pied (< 60 cm) ne nécessite généralement aucune autorisation. Vérifiez les seuils avant de contester auprès de votre voisin.

Erreur 2 : Ignorer le délai de recours de 2 mois

Le recours contre une déclaration préalable ou un permis doit être formé dans les 2 mois suivant l'affichage. Passé ce délai, l'autorisation devient définitive et vous ne pouvez plus la contester sur le plan administratif.

Erreur 3 : Confondre règles d'urbanisme et règles civiles

Le fait qu'une terrasse soit conforme au PLU n'exonère pas du respect des distances de vue du Code civil. Deux procédures distinctes peuvent être engagées.

Erreur 4 : Agir sans preuves

Avant toute action, documentez la situation :

  • Photos de la terrasse et de la vue créée
  • Mesures des distances (idéalement par géomètre)
  • Copies des autorisations d'urbanisme
  • Courriers échangés avec le voisin

Erreur 5 : Négliger la médiation

Un conflit de voisinage peut durer des années et coûter des milliers d'euros. La médiation ou la conciliation permettent souvent de trouver un accord satisfaisant (brise-vue, plantes, modification de la terrasse) à moindre coût.


Questions fréquentes

Quelle hauteur de terrasse sans autorisation ?

Une terrasse de plain-pied, c'est-à-dire de moins de 60 cm de hauteur par rapport au sol naturel, ne nécessite généralement aucune autorisation. Au-delà de 60 cm, une déclaration préalable est obligatoire car la terrasse crée de l'emprise au sol.

La terrasse compte-t-elle dans l’emprise au sol ?

Uniquement si elle est surélevée de plus de 60 cm. Une terrasse de plain-pied au niveau du sol naturel ne crée pas d'emprise au sol. Une terrasse sur pilotis ou surélevée génère de l'emprise et doit être déclarée.

Faut-il un permis pour une terrasse surélevée ?

Une déclaration préalable suffit généralement pour une terrasse surélevée de moins de 20 m². Au-delà de 20 m², un permis de construire peut être exigé selon le PLU. Consultez les règles de votre commune pour connaître les seuils applicables.

À quelle distance de la limite peut-on construire une terrasse ?

Le Code civil impose 1,90 m minimum pour une vue droite et 0,60 m pour une vue oblique. Le PLU peut prévoir des distances plus importantes (souvent 3 m). Une terrasse de plain-pied n'est pas soumise à ces distances car elle ne crée pas de vue plongeante.

Mon voisin a construit une terrasse sans autorisation, que faire ?

Signalez l'infraction à la mairie qui pourra dresser un procès-verbal et exiger la régularisation ou la démolition. Vous pouvez également agir devant le tribunal judiciaire pour trouble de voisinage si la terrasse crée une vue illégale sur votre propriété.

Prix d’une terrasse bois au m² ?

Le prix d'une terrasse bois varie de 80 à 200 €/m² selon les essences (pin traité : 80-100 €, bois exotique : 150-200 €). Une terrasse sur pilotis coûte plus cher (150 à 300 €/m²) en raison de la structure porteuse. La terrasse béton revient à 70-120 €/m² hors revêtement.

Puis-je exiger que mon voisin pose un brise-vue sur sa terrasse ?

Si la terrasse ne respecte pas les distances légales de vue (1,90 m pour vue droite), vous pouvez effectivement exiger la mise en place d'un occultant. Cette demande peut être faite à l'amiable ou, en cas de refus, devant le tribunal judiciaire. Le juge peut ordonner l'installation d'un brise-vue aux frais du voisin.


Conclusion

La terrasse surélevée du voisin avec vue plongeante sur votre propriété n'est pas une fatalité. Le Code civil et le Code de l'urbanisme offrent des protections concrètes.

Points essentiels à retenir :

  1. Vérifiez l'autorisation : déclaration terrasse obligatoire si hauteur > 60 cm
  2. Mesurez les distances : 1,90 m pour vue droite, 0,60 m pour vue oblique
  3. Privilégiez l'amiable : brise-vue, végétalisation, accord écrit
  4. Respectez les délais : 2 mois pour contester l'autorisation d'urbanisme
  5. Documentez : photos, mesures, courriers recommandés

Si vous envisagez vous-même de construire une terrasse, pensez aux conséquences pour vos voisins. Une terrasse couverte crée de la surface de plancher et nécessite des autorisations supplémentaires. Une terrasse avec pergola suit des règles spécifiques.

Pour les projets d'envergure, faites appel à un géomètre pour le relevé des distances et à un professionnel pour le plan de masse. Les règles de cotation et les exemples annotés vous aideront à constituer un dossier conforme.

L'isolation extérieure peut également modifier l'implantation d'une terrasse existante – pensez à vérifier les distances après travaux.


Sources : Code civil (articles 678-680), Code de l'urbanisme, jurisprudence