Hauteur de Haie entre Voisins : la Règle des 2 Mètres
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La haie du voisin monte, monte, et finit par vous priver de soleil. À partir de quelle hauteur pouvez-vous exiger une réduction ? Le Code civil fixe une règle simple : 2 mètres maximum pour les plantations situées à moins de 2 mètres de la limite de propriété. Mais cette règle générale connaît de nombreuses exceptions locales. Le PLU de votre commune peut imposer une hauteur autorisée différente, parfois plus restrictive, parfois plus permissive. Les usages locaux peuvent également modifier cette limite de hauteur. Avant de partir en guerre contre le laurier envahissant du voisin, vérifiez les règles applicables chez vous. Voici comment vous y retrouver et faire respecter vos droits.
Sommaire
- La règle des 2 mètres : ce que dit le Code civil
- Comment faire respecter la hauteur maximale
- Cas pratiques et jurisprudences
- Erreurs fréquentes à éviter
- Questions fréquentes
- Conclusion
La règle des 2 mètres : ce que dit le Code civil
Le principe de base : article 671
L'article 671 du Code civil établit deux règles de distance et de hauteur pour les plantations :
Pour les arbres et haies de plus de 2 mètres de hauteur :
- Distance minimale de 2 mètres de la limite séparative
- Mesurée depuis le milieu du tronc ou de la haie jusqu'à la limite
Pour les arbres et haies de 2 mètres ou moins :
- Distance minimale de 50 centimètres de la limite
- Cette règle permet les haies basses en bordure de propriété
La conséquence logique : si une haie est plantée à moins de 2 mètres de la limite (cas le plus fréquent), elle ne doit pas dépasser 2 mètres de hauteur. C'est la fameuse "règle des 2 mètres" que beaucoup de voisins invoquent.
Les exceptions légales
Cette règle de hauteur max n'est pas absolue. L'article 671 prévoit trois dérogations :
1. Les usages locaux constants et reconnus
Dans certaines régions, des traditions ancestrales autorisent des plantations différentes. Par exemple, dans le Sud, les haies de cyprès peuvent être tolérées à des hauteurs supérieures. Ces usages doivent être "constants" (pratiqués depuis longtemps) et "reconnus" (attestés officiellement, souvent par la chambre d'agriculture).
2. Les règlements particuliers (PLU)
Le règlement de zone du PLU peut fixer des règles de hauteur autorisée différentes :
- Plus restrictives : limitation à 1,50 m en façade sur rue
- Plus permissives : autorisation jusqu'à 3 m en zone agricole
- Prescription d'essences : obligation de haies champêtres locales
3. La prescription trentenaire
Une haie plantée depuis plus de 30 ans, même non conforme, peut bénéficier d'un droit acquis. Le voisin ne peut plus en exiger l'arrachage, mais peut toujours demander l'élagage des branches qui débordent.
Comment mesurer la hauteur ?
La hauteur se mesure depuis le niveau du sol où la haie est plantée jusqu'au sommet de la végétation. Si le terrain est en pente, c'est le point le plus haut du pied de haie qui sert de référence.
Attention : ce n'est pas parce qu'une haie est taillée à 2 m qu'elle est conforme. La règle s'applique à la hauteur naturelle de l'essence plantée. Un cyprès de Leyland qui atteint naturellement 15 m ne peut pas être planté à 50 cm de la limite, même si on prévoit de le tailler à 2 m.
L'articulation avec le PLU
Le PLU de votre commune peut contenir des règles spécifiques sur les clôtures végétales. Consultez :
- L'article 11 du règlement de zone (aspect extérieur)
- Les annexes (règlement de lotissement applicable)
- Les orientations d'aménagement
En zone protégée ou en secteur ABF, des contraintes supplémentaires peuvent s'appliquer. La Hmax (hauteur maximale) des constructions indiquée dans le PLU ne concerne pas les végétaux, qui ont leurs propres règles.
Comment faire respecter la hauteur maximale
Étape 1 : Vérifier les règles applicables
Avant toute action, identifiez la règle qui s'applique chez vous :
- Consultez le PLU en mairie : règlement de zone, hauteur plafond pour les clôtures
- Vérifiez les usages locaux : chambre d'agriculture, notaires locaux
- En lotissement : consultez le règlement du lotissement qui peut fixer des règles différentes
Si aucune règle locale ne déroge, c'est le Code civil qui s'applique : 2 m max pour les plantations à moins de 2 m de la limite.
Étape 2 : Constater et documenter
Rassemblez les preuves du dépassement :
- Photographiez la haie avec un repère de hauteur (mètre visible)
- Notez la distance entre la haie et la limite de propriété
- Faites un constat d'huissier si les montants en jeu le justifient (200-400 €)
Étape 3 : Demande amiable
Adressez un courrier recommandé au voisin :
- Constatez le dépassement de hauteur (X mètres au lieu de 2 m autorisés)
- Rappelez la règle applicable (Code civil ou PLU)
- Demandez la réduction à la hauteur conforme sous 30 jours
Modèle de phrase : "Votre haie de [essence] atteint actuellement [X] mètres de hauteur alors qu'elle est plantée à [X] cm de notre limite commune. Conformément à l'article 671 du Code civil, je vous demande de la réduire à 2 mètres maximum dans un délai de 30 jours."
Étape 4 : Conciliation obligatoire
Sans réponse satisfaisante, saisissez le conciliateur de justice :
- Gratuit, en mairie ou au tribunal
- Obligatoire avant toute action judiciaire pour les litiges de voisinage < 5 000 €
- Peut aboutir à un accord amiable homologué
Étape 5 : Tribunal judiciaire
En cas d'échec de la conciliation :
- Saisissez le tribunal judiciaire (ex-tribunal d'instance)
- Demandez la réduction de la haie à la hauteur légale sous astreinte
- Demandez éventuellement des dommages-intérêts pour trouble de jouissance
Délai moyen : 12 à 18 mois. Coût : frais de justice + avocat si montant > 10 000 €.
Le délai d'instruction d'un recours contre un voisin est différent de celui d'une demande de permis : les procédures civiles sont généralement plus longues.
Cas pratiques et jurisprudences
Exemple 1 : Le thuya géant
Situation : M. Durand a planté une haie de thuyas à 80 cm de la limite il y a 10 ans. Les thuyas atteignent aujourd'hui 4 mètres et privent son voisin M. Martin de tout ensoleillement.
Analyse : Plantés à moins de 2 m de la limite, les thuyas ne doivent pas dépasser 2 m (art. 671 Code civil). Pas de prescription trentenaire (10 ans < 30 ans). Pas d'usage local dérogatoire.
Jugement : M. Durand condamné à réduire sa haie à 2 m sous astreinte de 50 €/jour de retard, et à verser 800 € de dommages-intérêts pour trouble de jouissance.
Coût des travaux : Taille par un professionnel = 300 €. Total pour M. Durand : 1 100 € + frais de procédure.
Exemple 2 : Le PLU plus restrictif
Situation : Mme Petit veut planter une haie de lauriers de 2 m pour se protéger du vis-à-vis. Son voisin lui signale que le PLU limite les clôtures à 1,50 m en zone UB.
Analyse : Le PLU prime sur le Code civil quand il est plus restrictif. En zone UB de cette commune, la limite de hauteur est de 1,50 m pour toutes les clôtures, y compris végétales.
Solution : Mme Petit devra respecter la règle locale de 1,50 m. Elle peut contester cette règle lors de la révision du PLU, mais doit s'y conformer en attendant.
Exemple 3 : L'usage local dans le Midi
Situation : M. Grand possède une haie de cyprès de 3,50 m plantée à 1 m de la limite depuis 20 ans. Son nouveau voisin exige la réduction à 2 m.
Analyse : Dans cette commune du Var, un usage local constant reconnu par la chambre d'agriculture autorise les haies de cyprès jusqu'à 4 m. Cet usage déroge à l'article 671.
Jugement : Demande du voisin rejetée. La haie de 3,50 m est conforme à l'usage local. Le nouveau propriétaire aurait dû se renseigner avant d'acheter.
Erreurs fréquentes à éviter
Erreur 1 : Croire que la règle des 2 m est universelle
La limitation à 2 mètres est la règle par défaut, mais elle peut être modifiée par le PLU, le règlement de lotissement, ou les usages locaux. Avant d'invoquer cette règle, vérifiez qu'aucune dérogation ne s'applique chez vous.
Erreur 2 : Tailler la haie du voisin sans autorisation
Même si la haie dépasse la hauteur légale, vous n'avez pas le droit de la tailler vous-même côté voisin. Seul le propriétaire de la haie peut intervenir. Vous pouvez exiger la réduction, pas la faire vous-même.
Erreur 3 : Confondre hauteur taillée et hauteur naturelle
Une haie d'essence qui pousse naturellement à 10 m ne peut pas être plantée à 50 cm de la limite sous prétexte qu'on la taillera à 2 m. C'est la hauteur potentielle de l'essence qui compte pour déterminer la distance de plantation.
Erreur 4 : Ignorer la prescription trentenaire
Une haie en place depuis plus de 30 ans sans contestation bénéficie d'un droit acquis. Vous ne pouvez plus exiger son arrachage ni sa réduction (sauf pour les branches débordantes). Renseignez-vous sur l'ancienneté avant d'agir.
Erreur 5 : Négliger le trouble de voisinage
Au-delà de la hauteur légale, une haie peut constituer un trouble anormal de voisinage (ombre excessive, humidité, racines envahissantes). Ce fondement juridique permet d'obtenir des mesures même quand la haie est techniquement conforme.
Questions fréquentes
Quelle hauteur maximale pour une haie en limite de propriété ?
La règle générale du Code civil (art. 671) fixe la hauteur maximale à 2 mètres pour les plantations situées à moins de 2 mètres de la limite. Mais cette règle peut être modifiée par le PLU de votre commune (parfois 1,50 m en façade), le règlement de lotissement, ou des usages locaux reconnus. Vérifiez toujours les règles applicables localement avant d'invoquer la limite des 2 mètres. La hauteur de clôture sans autorisation dépend de ces mêmes règles.
Le voisin refuse de tailler sa haie trop haute : que faire ?
Procédez par étapes : (1) Lettre recommandée constatant le dépassement et demandant la réduction sous 30 jours. (2) En cas de refus, saisissez le conciliateur de justice (gratuit, obligatoire avant tribunal). (3) Si la conciliation échoue, saisissez le tribunal judiciaire. Le juge peut ordonner la réduction sous astreinte (amende par jour de retard) et des dommages-intérêts pour le préjudice subi. Délai moyen de la procédure : 12-18 mois.
La règle des 2 mètres s’applique-t-elle aux arbres isolés ?
Oui. L'article 671 du Code civil concerne toutes les plantations : haies, arbres, arbustes. Un arbre de plus de 2 m de haut doit être planté à au moins 2 m de la limite. À moins de 2 m, il doit être maintenu à maximum 2 m de hauteur. La différence avec une haie : un arbre isolé peut plus facilement être exigé à l'arrachage s'il ne respecte pas ces règles, car le replanter plus loin est possible.
Puis-je exiger l’arrachage d’une haie trop haute plantée depuis 25 ans ?
Oui, car la prescription trentenaire n'est pas encore acquise. L'article 672 du Code civil permet d'exiger l'arrachage ou la réduction d'une plantation non conforme tant qu'elle n'est pas en place depuis 30 ans. Passé ce délai, seul l'élagage des branches débordantes peut être exigé. Agissez donc rapidement si la haie approche des 30 ans d'existence.
Le PLU peut-il autoriser des haies plus hautes que 2 mètres ?
Oui. Le PLU peut fixer des règles différentes du Code civil, dans les deux sens. Certaines zones agricoles ou naturelles autorisent des haies de 3 m ou plus. À l'inverse, des zones urbaines peuvent limiter à 1,50 m. Le PLU peut aussi interdire certaines essences (thuyas, lauriers) au profit de haies champêtres locales. Consultez le règlement de zone applicable à votre terrain. Le plan de masse pour permis de construire doit indiquer les plantations existantes.
La haie du voisin me prive de soleil : quel recours en plus de la hauteur ?
Au-delà de la règle de hauteur, vous pouvez invoquer le trouble anormal de voisinage. Même une haie conforme (2 m à 2 m de la limite) peut constituer un trouble si elle cause un préjudice excessif : ombre permanente sur une pièce de vie, humidité pathogène, dépréciation de votre bien. Le juge apprécie au cas par cas et peut ordonner des mesures (réduction supplémentaire, élagage) même en l'absence de violation du Code civil. Le recours des voisins pour trouble de voisinage est distinct du recours contre un permis.
Faut-il une autorisation pour planter une haie de 2 mètres ?
En principe non, si vous respectez les distances légales. Mais une déclaration préalable peut être nécessaire dans les cas suivants : secteur protégé (ABF, monument historique), commune ayant instauré la déclaration préalable pour les clôtures, règlement de lotissement l'exigeant, ou PLU imposant une formalité. En cas de doute, consultez le service urbanisme de votre mairie. La durée de validité d'un permis ne concerne pas les simples plantations, qui sont autorisées une fois pour toutes.
Conclusion
La règle des 2 mètres est un bon point de départ, mais ne vous y fiez pas aveuglément. Vérifiez systématiquement les règles locales (PLU, règlement de lotissement, usages) avant d'exiger quoi que ce soit de votre voisin.
Si la haie dépasse effectivement la hauteur autorisée, procédez méthodiquement : demande amiable écrite, conciliation, puis tribunal si nécessaire. Les juges ordonnent régulièrement la réduction des haies non conformes, avec astreintes et dommages-intérêts.
Pour vos propres projets de plantation, anticipez ces contraintes. Une haie de 2 m procure une bonne intimité sans créer de conflit. Et si vous avez besoin de plus de hauteur, plantez à plus de 2 m de la limite ou vérifiez que votre PLU l'autorise.
Les questions de haies rejoignent souvent d'autres problématiques de voisinage : extension proche de la limite, piscine et distance au voisin, ou bow-window créant un vis-à-vis. Une bonne entente préalable évite bien des contentieux.
Sources : Code civil articles 671-673, Service-public.fr, Legifrance
