Haie Mitoyenne : Qui Doit la Tailler et Payer l'Entretien ?
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La haie qui sépare votre jardin de celui du voisin a pris de l'ampleur. Les branches débordent des deux côtés, la hauteur dépasse les 3 mètres, et personne ne veut prendre l'initiative de la tailler. Qui doit s'en charger ? Qui paie ? Cette question, source de conflits de voisinage récurrents, trouve sa réponse dans le Code civil : une haie mitoyenne appartient aux deux propriétaires et doit être entretenue à frais partagés. Mais la réalité est plus nuancée : comment déterminer si la haie est vraiment mitoyenne ? Que faire si le voisin refuse de participer aux frais ? Peut-on exiger l'arrachage d'une haie trop envahissante ? Voici les règles à connaître pour gérer sereinement cette clôture végétale commune.
Sommaire
- Qu'est-ce qu'une haie mitoyenne ?
- Entretien et taille : qui fait quoi ?
- Cas pratiques et situations courantes
- Erreurs fréquentes à éviter
- Questions fréquentes
- Conclusion
Qu'est-ce qu'une haie mitoyenne ?
La définition juridique
Une haie est dite mitoyenne lorsqu'elle est plantée exactement sur la limite séparative entre deux propriétés. Elle appartient alors aux deux propriétaires en indivision, chacun étant copropriétaire de la moitié de la haie.
L'article 666 du Code civil pose le principe : "Toute clôture qui sépare des héritages est réputée mitoyenne, à moins qu'il n'y ait qu'un seul des héritages en état de clôture."
Cette présomption de mitoyenneté s'applique aux haies comme aux murs, grillages et autres clôtures en limite séparative. Elle signifie que, sauf preuve contraire, une haie située sur la limite appartient aux deux voisins.
Comment distinguer une haie mitoyenne d'une haie privative ?
La distinction est cruciale car elle détermine qui doit entretenir et payer :
Haie mitoyenne (sur la limite exacte) :
- Appartient aux deux propriétaires
- Entretien et frais partagés 50/50
- Chacun peut l'utiliser de son côté (y adosser un treillis, par exemple)
Haie privative (en retrait de la limite) :
- Appartient entièrement au propriétaire sur le terrain duquel elle est plantée
- Entretien et frais à sa charge exclusive
- Le voisin ne peut ni y toucher, ni exiger son entretien
Comment déterminer la position de la haie ?
La limite séparative n'est pas toujours là où on le croit. Pour établir la position exacte de la haie :
- Consultez les titres de propriété : ils peuvent mentionner la mitoyenneté ou préciser qui a planté la haie
- Vérifiez le cadastre : indicatif mais pas juridiquement probant
- Faites réaliser un bornage : seule solution définitive pour établir la limite (coût : 800-1500 €)
Le plan de masse pour déclaration préalable indique les limites de propriété et la position des clôtures. Si vous avez ce document pour un projet récent, il peut vous aider.
Le régime juridique de la mitoyenneté
La haie mitoyenne obéit aux règles des articles 653 à 673 du Code civil :
- Copropriété : chaque voisin est propriétaire de la moitié
- Usage commun : chacun peut jouir de son côté de la haie
- Entretien partagé : frais divisés par deux
- Décisions conjointes : arrachage ou modification nécessitent l'accord des deux
Entretien et taille : qui fait quoi ?
Le principe : partage des frais à parts égales
L'article 667 du Code civil est clair : "La clôture mitoyenne doit être entretenue à frais communs."
Concrètement, cela signifie :
- Les frais de taille sont divisés par deux
- Les frais de traitement (maladies, parasites) sont partagés
- Les frais de remplacement des plants morts sont communs
- L'arrosage (si nécessaire) est à la charge des deux
Qui effectue physiquement la taille ?
Le Code civil ne précise pas qui doit faire le travail. Plusieurs solutions pratiques :
Option 1 : Chacun taille son côté
- Solution la plus simple
- Chacun s'occupe de la face qui donne chez lui
- Problème : coordination nécessaire pour la hauteur et le sommet
Option 2 : Un seul taille, l'autre rembourse la moitié
- Un voisin fait appel à un jardinier
- Facture divisée par deux
- À formaliser par un accord écrit préalable
Option 3 : Jardinier commun
- Les deux voisins font intervenir le même professionnel
- Facture adressée aux deux ou divisée directement
- Solution la plus équitable
Coût indicatif : taille de haie par un professionnel = 10 à 25 €/mètre linéaire. Pour une haie de 20 m, comptez 200 à 500 €, soit 100 à 250 € chacun.
La procédure en cas de refus du voisin
Si votre voisin refuse de participer à l'entretien :
Étape 1 : Demande amiable écrite
Envoyez un courrier recommandé demandant :
- La taille de la haie (avec date limite)
- Le partage des frais (devis joint si possible)
- Gardez une copie et l'accusé de réception
Étape 2 : Mise en demeure
Sans réponse sous 15 jours, envoyez une mise en demeure rappelant l'obligation légale (art. 667 Code civil) et fixant un délai de 30 jours.
Étape 3 : Conciliation
Saisissez le conciliateur de justice (gratuit, en mairie). La conciliation est obligatoire pour les litiges de voisinage avant tribunal.
Étape 4 : Tribunal judiciaire
En dernier recours, le juge peut :
- Ordonner au voisin de faire les travaux
- L'autoriser à faire les travaux et condamner le voisin au remboursement
- Condamner le voisin à des dommages-intérêts
Le cas particulier des haies trop hautes
Une haie mitoyenne est soumise aux règles de hauteur de clôture :
- Règle générale : 2 m maximum (Code civil art. 671)
- Règle locale : le PLU peut imposer une hauteur différente
Si la haie dépasse la hauteur autorisée, chaque propriétaire peut exiger sa réduction. La demande se fait par courrier recommandé, puis par voie judiciaire si nécessaire.
En zone protégée ou proche de la voie publique, une autorisation de pose de portail ou clôture peut imposer des contraintes sur la hauteur de la haie en façade.
Cas pratiques et situations courantes
Exemple 1 : La haie de thuyas jamais taillée
Situation : M. Dupont et M. Martin partagent une haie de thuyas de 25 mètres de long, plantée sur la limite il y a 15 ans. La haie atteint 4 mètres de haut et n'a pas été taillée depuis 3 ans. M. Dupont veut la faire tailler, M. Martin refuse de participer aux frais.
Analyse : La haie est présumée mitoyenne (sur la limite, plantée de longue date). Elle dépasse la hauteur légale de 2 m. M. Dupont peut exiger à la fois la taille ET la réduction en hauteur.
Solution :
- Lettre recommandée demandant la taille et le partage des frais (devis : 400 €)
- Sans réponse : conciliation, puis tribunal
- Le juge condamnera M. Martin à payer sa part (200 €) et ordonnera la réduction à 2 m
Exemple 2 : Le voisin a planté seul la haie
Situation : Mme Petit découvre que la haie séparant les deux jardins a été plantée entièrement sur le terrain du voisin, M. Grand, à 30 cm de la limite. M. Grand lui demande de participer à l'entretien.
Analyse : La haie n'est pas mitoyenne puisqu'elle n'est pas sur la limite. Elle appartient entièrement à M. Grand, qui doit l'entretenir seul.
Solution : Mme Petit n'a aucune obligation de participer aux frais. Elle peut par contre exiger l'élagage des branches qui dépassent chez elle (art. 673 Code civil).
Astuce : Si les deux voisins souhaitent transformer cette haie privative en haie mitoyenne, ils peuvent signer une convention de mitoyenneté (acte notarié recommandé).
Exemple 3 : La haie en façade sur rue
Situation : Une haie mitoyenne longe à la fois la limite entre deux propriétés et la voie publique sur 5 mètres. Le PLU impose une hauteur maximale de 1,20 m en alignement sur la voie publique.
Analyse : La partie en limite séparative peut atteindre 2 m (Code civil), mais la partie donnant sur la voie doit respecter la règle locale de 1,20 m.
Obligations :
- Les deux propriétaires doivent veiller au respect de ces règles
- La mairie peut exiger la mise en conformité sous peine d'amende
- Le tracé de la clôture et son alignement sur la voie publique doivent être conformes au PLU
Pour une haie en façade, le plan d'implantation de la clôture précise ces contraintes.
Erreurs fréquentes à éviter
Erreur 1 : Supposer que toute haie en limite est mitoyenne
La présomption de mitoyenneté peut être renversée. Si un titre de propriété indique que la haie appartient à un seul des voisins, ou si des indices matériels le prouvent (haie manifestement plantée d'un seul côté), elle n'est pas mitoyenne. Vérifiez avant d'exiger un partage des frais.
Erreur 2 : Tailler le côté du voisin sans autorisation
Même pour une haie mitoyenne, vous ne pouvez pas pénétrer chez le voisin pour tailler son côté sans son accord. La mitoyenneté vous donne un droit sur la haie, pas un droit de passage. Organisez une intervention coordonnée ou chacun de son côté.
Erreur 3 : Arracher la haie unilatéralement
L'arrachage d'une haie mitoyenne nécessite l'accord des deux propriétaires. L'arracher seul expose à des dommages-intérêts. Même si la haie est malade ou inadaptée, passez par la négociation ou le tribunal.
Erreur 4 : Ignorer les règles du PLU sur les clôtures
Le PLU peut imposer des essences végétales (haies champêtres locales), interdire certaines espèces (thuyas, lauriers), ou fixer des hauteurs maximales différentes du Code civil. En zone protégée, une déclaration préalable peut être nécessaire pour planter ou modifier une haie. En secteur ABF, l'Architecte des Bâtiments de France peut imposer des prescriptions particulières.
Erreur 5 : Ne pas garder de traces écrites
En cas de litige ultérieur, les échanges oraux ne prouvent rien. Gardez une trace écrite de toutes les discussions : courriers, emails, SMS. Conservez les factures d'entretien partagées comme preuves d'un accord sur la mitoyenneté.
Questions fréquentes
Comment savoir si une haie est mitoyenne ?
Une haie est présumée mitoyenne si elle est plantée sur la limite exacte entre deux propriétés (art. 666 Code civil). Pour vérifier : consultez les titres de propriété (peuvent mentionner la mitoyenneté), le cadastre (indicatif) ou faites réaliser un bornage par un géomètre (800-1500 €, seule preuve définitive). Si la haie est en retrait de la limite, elle appartient au propriétaire du terrain sur lequel elle est plantée.
Puis-je obliger mon voisin à tailler la haie mitoyenne ?
Oui. La haie mitoyenne doit être entretenue à frais communs (art. 667 Code civil). En cas de refus du voisin : envoyez une lettre recommandée de demande, puis une mise en demeure, puis saisissez le conciliateur de justice (gratuit, obligatoire avant tribunal), et enfin le tribunal judiciaire. Le juge peut ordonner la taille et condamner le voisin à payer sa part, voire des dommages-intérêts pour le préjudice subi (ombre, aspect négligé).
Quelle hauteur maximale pour une haie mitoyenne ?
La règle générale du Code civil fixe la hauteur maximale à 2 mètres pour les plantations à moins de 2 m de la limite (art. 671). Mais le PLU de votre commune peut prévoir une hauteur différente : consultez le règlement de zone. En façade sur rue, des règles spécifiques peuvent imposer une hauteur inférieure (souvent 1,20 m à 1,50 m) pour la visibilité et l'esthétique urbaine. En lotissement, le règlement peut également fixer des contraintes.
Combien coûte l’entretien d’une haie mitoyenne ?
Le prix de la taille par un professionnel varie de 10 à 25 € par mètre linéaire selon la hauteur et l'essence. Pour une haie de 20 m, comptez 200 à 500 € par intervention, soit 100 à 250 € par voisin. La fréquence conseillée est d'une à deux tailles par an. Budget annuel : 200 à 500 € par propriétaire pour une haie standard. Tailler soi-même réduit les coûts aux seuls équipements (taille-haie électrique : 50-150 €).
Peut-on arracher une haie mitoyenne sans l’accord du voisin ?
Non. La haie mitoyenne est en copropriété : toute décision d'arrachage doit être prise conjointement. L'arracher seul expose à des poursuites pour destruction de bien en copropriété et à des dommages-intérêts. Si le voisin refuse et que la haie pose un vrai problème (maladie, danger), saisissez le tribunal qui pourra autoriser l'arrachage. Le remplacement éventuel sera également à frais partagés.
Faut-il une autorisation pour planter une haie mitoyenne ?
En principe non, sauf dans certains cas : secteur protégé (ABF, monument historique), commune ayant instauré la déclaration préalable pour les clôtures, ou PLU l'exigeant. En zone protégée, le délai d'instruction passe à 2 mois et l'ABF peut imposer des essences locales. Vérifiez auprès de votre mairie. Dans tous les cas, l'accord du voisin est nécessaire pour une haie mitoyenne (plantée sur la limite). Sans son accord, plantez en retrait sur votre terrain (50 cm minimum pour haie < 2 m, ou 2 m pour haie > 2 m).
Le voisin peut-il fixer un treillis sur la haie mitoyenne ?
Oui, chaque copropriétaire peut utiliser la haie mitoyenne de son côté : y adosser un treillis, faire grimper des plantes, accrocher des éléments décoratifs. La seule limite : ne pas nuire à la haie elle-même ni au voisin. Un treillis lourd qui écrase la haie ou des plantes envahissantes qui l'étouffent pourraient être contestés. En cas de doute, prévenez le voisin de votre projet.
Conclusion
La gestion d'une haie mitoyenne repose sur un principe simple : copropriété = coresponsabilité. Les frais d'entretien doivent être partagés à parts égales, et les décisions importantes (arrachage, remplacement) prises d'un commun accord.
Face à un voisin récalcitrant, la procédure est graduée : demande amiable, mise en demeure, conciliation obligatoire, puis tribunal en dernier recours. Les juges condamnent systématiquement le voisin qui refuse de participer à l'entretien d'une haie mitoyenne.
Avant tout conflit, vérifiez que la haie est bien mitoyenne (sur la limite exacte) et non privative (en retrait). Un bornage peut lever le doute définitivement. Et gardez des traces écrites de tous vos échanges : en cas de litige, elles seront précieuses.
Pour les autres types de clôtures (murs, grillages, portails), les règles varient. Une extension de 20 m² proche de la limite ou une terrasse avec pergola nécessitent également de respecter les distances aux limites séparatives. Anticipez ces questions dès la conception de votre projet.
Sources : Code civil articles 653-673, Service-public.fr, Legifrance
