Voisinage & Conflits

Fenêtre et Distance à la Limite de Propriété : Règles du Code Civil

⏱️ 11 min de lecture

Fenêtre et Distance à la Limite de Propriété : Les Règles à Respecter

Temps de lecture : 8 minutes

Vous souhaitez créer une fenêtre donnant sur le terrain de votre voisin ? Attention aux distances légales ! Le Code civil impose des règles strictes : 1,90 mètre minimum pour une vue droite, 0,60 mètre pour une vue oblique. Ces distances, méconnues de nombreux propriétaires, s'appliquent aussi bien aux fenêtres classiques qu'aux fenêtres de toit type Velux, aux lucarnes ou aux baies vitrées. Ignorer ces règles expose à des recours du voisin et à l'obligation de murer l'ouverture. Cet article vous explique comment mesurer les distances, quelles autorisations demander, et comment éviter les litiges.

Sommaire

Les distances légales pour les fenêtres

Vue droite et vue oblique : les règles du Code civil

Les articles 678 à 680 du Code civil définissent deux types de vues sur le fonds voisin :

Vue droite (article 678)
Une vue droite permet de regarder directement chez le voisin, sans tourner la tête. C'est le cas d'une fenêtre perpendiculaire à la limite séparative. Distance minimale obligatoire : 1,90 mètre depuis le bord extérieur de l'ouverture jusqu'à la limite de propriété.

Vue oblique (article 679)
Une vue oblique nécessite de tourner la tête ou le corps pour voir chez le voisin. C'est le cas d'une fenêtre parallèle à la limite, mais proche de celle-ci. Distance minimale : 0,60 mètre depuis le bord extérieur de l'ouverture.

Type de vue Distance minimale Mesure depuis
Vue droite 1,90 m Bord extérieur de la fenêtre
Vue oblique 0,60 m Bord extérieur de la fenêtre

Ces règles s'appliquent à toutes les ouvertures permettant de voir chez le voisin : fenêtres classiques, fenêtres de toit (Velux), lucarnes, baies vitrées, portes-fenêtres avec balcon.

Comment mesurer la distance ?

La mesure se fait horizontalement, depuis le parement extérieur du mur où est percée l'ouverture (ou depuis l'appui de fenêtre s'il fait saillie) jusqu'à la ligne séparative des deux propriétés.

Pour une fenêtre de toit installée sur un toit en pente, la distance se mesure également à l'horizontale, depuis le plan vertical passant par le bord de la fenêtre. Une ouverture de toiture située au centre d'un versant peut respecter les distances même si le toit est proche de la limite.

Les jours : une alternative aux vues

Contrairement aux vues, les jours (ou jours de souffrance) sont des ouvertures qui laissent passer la lumière mais ne permettent pas de voir à l'extérieur. Caractéristiques :

  • Verre dormant (fixe) translucide ou dépoli
  • Hauteur minimale : 2,60 m au-dessus du plancher (rez-de-chaussée) ou 1,90 m (étages)
  • Châssis à fer maillé si nécessaire

Un jour peut être créé sans respecter les distances de vue, car il ne permet pas de voir chez le voisin. C'est une solution pour éclairer une pièce située près de la limite.

Démarches et autorisations

La déclaration préalable obligatoire

Toute création ou modification de fenêtre modifie l'aspect extérieur du bâtiment. Une déclaration préalable est donc obligatoire, même pour une simple fenêtre de toit. Le formulaire CERFA de déclaration préalable doit être déposé en mairie.

Les pièces à fournir incluent :

  • Un plan de masse indiquant la position de l'ouverture et la distance à la limite
  • Un plan de toiture montrant l'emplacement de la fenêtre de toit
  • Des photographies de l'état existant et de l'environnement
  • Un plan de coupe si nécessaire

Le délai d'instruction est d'1 mois (2 mois en secteur ABF protégé).

Les contraintes en secteur protégé

Dans le périmètre de protection d'un monument historique ou en secteur ABF, l'Architecte des Bâtiments de France donne un avis conforme. Pour les fenêtres de toit, l'ABF peut :

  • Imposer des modèles spécifiques (encastrés, de petite taille)
  • Refuser les fenêtres de toit visibles depuis la voie publique
  • Exiger des couleurs de châssis particulières

Pour un Velux en zone ABF, comptez 2 mois d'instruction et préparez-vous à des prescriptions strictes. Des modèles solaires ou électriques peuvent être refusés si leurs cadres brillants sont jugés inadaptés au patrimoine.

Cas particulier : la copropriété

En copropriété, créer une fenêtre nécessite une double autorisation :

  1. Autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires (modification des parties communes : façade, toiture)
  2. Déclaration préalable en mairie

Changer ses fenêtres en copropriété implique cette procédure, même pour un simple remplacement à l'identique si le règlement l'exige.

Cas pratiques

Exemple 1 : Fenêtre de toit à 1 m de la limite

Situation : Vous souhaitez installer un Velux dans vos combles pour créer une chambre. La toiture est à 1,50 m de la limite séparative. La fenêtre de toit permettra de voir le jardin du voisin.

Analyse : Le Velux crée une vue. À quelle distance horizontale se trouve-t-il de la limite ? Si le toit est incliné et que le Velux est positionné au centre du versant, la projection horizontale peut dépasser 1,90 m même si le toit est proche de la limite.

Solution : Faites un plan de coupe précis. Si la distance horizontale est inférieure à 1,90 m (vue droite sur le jardin), optez pour un Velux à vitrage opaque (jour) ou repositionnez-le plus loin sur le versant. Les Velux et fenêtres de toit nécessitent toujours une déclaration préalable.

Exemple 2 : Création de fenêtre sur pignon

Situation : Votre maison n'a pas de fenêtre sur le pignon sud, proche de la limite (2 m). Vous souhaitez percer une fenêtre pour éclairer le salon.

Analyse : Une fenêtre sur pignon crée une vue droite si elle est perpendiculaire à la limite. Distance requise : 1,90 m. Avec seulement 2 m de recul, vous êtes juste au-dessus du seuil.

Solution : Positionnez la fenêtre à 1,90 m minimum du bord du mur côté voisin (pas du centre de la fenêtre). Si l'espace est insuffisant, optez pour un jour (verre dépoli fixe) qui ne nécessite pas de respecter les distances. Créer une fenêtre sur pignon demande toujours une déclaration préalable.

Exemple 3 : Transformation d'une fenêtre en baie vitrée

Situation : Vous remplacez une petite fenêtre (60 × 80 cm) par une grande baie vitrée (2,40 × 2,15 m) donnant sur la terrasse. La limite séparative est à 3 m.

Analyse : L'agrandissement de l'ouverture modifie l'aspect extérieur → déclaration préalable. La distance de 3 m respecte la règle des 1,90 m pour vue droite. Pas de problème réglementaire.

Attention : Remplacer une fenêtre par une baie vitrée nécessite une autorisation même si les distances sont respectées. Le voisin pourrait contester si la vue nouvelle porte atteinte à son intimité (terrasse, piscine).

Erreurs à éviter

Erreur 1 : Confondre jour et vue

Un jour ne permet pas de voir dehors (verre opaque, fixe). Une vue permet de regarder. Seules les vues sont soumises aux distances de 1,90 m ou 0,60 m. Un jour peut être créé en limite immédiate, à condition de respecter les hauteurs minimales (2,60 m ou 1,90 m selon l'étage).

Erreur 2 : Mesurer depuis le centre de la fenêtre

La distance se mesure depuis le bord extérieur de l'ouverture, pas depuis son centre. Une fenêtre de 1 m de large dont le centre est à 2 m de la limite a son bord à 1,50 m — en dessous du seuil de 1,90 m.

Erreur 3 : Ignorer la servitude de vue existante

Si votre maison a une fenêtre depuis plus de 30 ans, elle peut constituer une servitude de vue par prescription. Votre voisin ne peut alors pas construire un mur qui l'obstruerait. À l'inverse, si vous créez une fenêtre non conforme, le voisin dispose de 30 ans pour agir en justice.

Erreur 4 : Oublier la déclaration préalable

Même une petite fenêtre de toit modifie l'aspect extérieur du bâtiment. Sans déclaration préalable, les travaux sont en infraction. Le voisin ou la mairie peut exiger la suppression de l'ouverture. Les sanctions peuvent atteindre 6 000 € par m².

Erreur 5 : Ne pas vérifier le PLU

Certains PLU imposent des règles plus strictes que le Code civil : interdiction des fenêtres de toit sur certains versants, limitation du nombre d'ouvertures, matériaux imposés. L'isolation extérieure peut également impacter la position des fenêtres par rapport aux limites.

Questions fréquentes

Quelle distance pour un Velux par rapport au voisin ?

Un Velux créant une vue sur le fonds voisin doit respecter 1,90 m de distance pour une vue droite, 0,60 m pour une vue oblique. La distance se mesure horizontalement depuis le plan vertical passant par le bord de la fenêtre jusqu'à la limite de propriété. Si la distance est insuffisante, optez pour un Velux à vitrage opaque qui ne crée qu'un jour (pas de vue). La déclaration préalable reste obligatoire dans tous les cas.

Combien coûte la pose d’un Velux ?

Le prix d'un Velux avec pose varie selon la taille et le modèle : comptez 600 à 1 200 € pour un Velux standard (78 × 98 cm) avec pose par un professionnel. Un Velux électrique ou solaire coûte 900 à 1 800 € pose comprise. La création de la trémie dans la charpente ajoute 300 à 600 € si des travaux sont nécessaires. Les finitions intérieures (habillage, store) représentent 150 à 400 € supplémentaires. En secteur ABF, les modèles imposés peuvent être plus coûteux.

Peut-on installer un Velux sans autorisation ?

Non. L'installation d'une fenêtre de toit modifie l'aspect extérieur du bâtiment et nécessite une déclaration préalable (article R421-17 du Code de l'urbanisme). En secteur protégé (ABF, monument historique), l'autorisation est d'autant plus obligatoire, avec consultation de l'Architecte des Bâtiments de France. Poser un Velux sans déclaration expose à des sanctions (amende, obligation de démontage) et peut bloquer une future vente du bien.

Mon voisin peut-il m’obliger à murer ma fenêtre ?

Oui, si votre fenêtre ne respecte pas les distances légales (1,90 m vue droite, 0,60 m vue oblique). Le voisin peut agir en justice pour obtenir la suppression de l'ouverture non conforme. L'action se prescrit par 30 ans : passé ce délai, une servitude de vue est acquise. Si votre fenêtre existe depuis moins de 30 ans et viole les distances, vous risquez la condamnation à murer l'ouverture ou à la transformer en jour opaque.

Comment créer une ouverture proche de la limite sans vue ?

Créez un jour (jour de souffrance) au lieu d'une vue. Un jour comporte un vitrage fixe translucide ou dépoli qui laisse passer la lumière sans permettre de voir dehors. Les distances de 1,90 m et 0,60 m ne s'appliquent pas aux jours. Conditions : vitrage dormant (non ouvrant), hauteur minimale de 2,60 m au rez-de-chaussée ou 1,90 m aux étages. Le jour peut être créé en limite immédiate si ces conditions sont respectées.

Le PLU peut-il interdire les fenêtres de toit ?

Oui. Certains PLU interdisent les ouvertures de toit sur les versants visibles depuis la rue, limitent leur nombre ou imposent des dimensions maximales. En secteur patrimonial, le règlement peut exiger des fenêtres de toit encastrées, de petite taille, avec cadres de couleur spécifique. Consultez le règlement de zone avant de déposer votre déclaration préalable. Une extension de 20 m² ou une terrasse/pergola peuvent également être concernées par ces restrictions.

Conclusion

Les règles de distance pour les fenêtres ne sont pas des contraintes arbitraires : elles protègent l'intimité de chacun. Les 1,90 m pour une vue droite et 0,60 m pour une vue oblique sont des seuils fixés par le Code civil depuis 1804, toujours applicables aujourd'hui.

Avant de créer une fenêtre, mesurez précisément la distance à la limite séparative. Si vous êtes en dessous des seuils, optez pour un jour (verre opaque fixe) plutôt qu'une vue. Dans tous les cas, déposez une déclaration préalable en mairie — c'est obligatoire quelle que soit la taille de l'ouverture.

En secteur ABF ou si votre projet implique une pose de portail, un bow-window ou un chauffe-eau solaire visible, les contraintes seront renforcées. Consultez le PLU et anticipez les prescriptions de l'ABF pour éviter les refus et les conflits de voisinage.

Sources : Legifrance (Code civil articles 675-680), Service-public.fr