Jurisprudence

Checklist avant de contester un permis : Procédure et Délais

Checklist Avant de Contester un Permis de Construire : Les 10 Points à Vérifier

Temps de lecture : 10 minutes

Un voisin vient d'obtenir un permis de construire pour une extension qui vous semble illégale. Une surélévation va boucher votre vue. Un projet commercial s'installe en zone résidentielle. Avant de vous lancer dans un recours, vous devez vérifier méthodiquement plusieurs points : le délai est-il respecté ? Avez-vous un intérêt à agir ? Le permis comporte-t-il vraiment une irrégularité ? Cette checklist vous guide étape par étape pour évaluer vos chances de succès et éviter une procédure vouée à l'échec. Un recours mal préparé, c'est du temps et de l'argent perdus.

Sommaire

  1. Qu'est-ce qu'un recours contre un permis de construire ?
  2. La checklist des 10 vérifications indispensables
  3. Procédure de recours
  4. Cas pratiques et exemples
  5. Erreurs à éviter
  6. Questions fréquentes
  7. Conclusion

Qu'est-ce qu'un recours contre un permis de construire ?

Les deux types de recours

Le recours gracieux : adressé au maire qui a délivré le permis. Gratuit, il demande le retrait ou la modification de l'autorisation. Délai : 2 mois à compter de l'affichage. Le maire a 2 mois pour répondre. Le silence vaut rejet.

Le recours contentieux : déposé au tribunal administratif. Il demande l'annulation du permis pour illégalité. Délai : 2 mois à compter de l'affichage (ou 2 mois après rejet du recours gracieux). Coût : avocat conseillé (2 000 à 5 000 €).

Qui peut contester ?

Le pétitionnaire (demandeur du permis) ne peut pas contester son propre permis. Les recours viennent des tiers :

  • Voisins directs
  • Associations de défense de l'environnement
  • Toute personne justifiant d'un intérêt à agir

L'article L600-1-2 du Code de l'urbanisme exige que le requérant prouve que le projet "affecte directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance" de son bien.

Le délai de recours des tiers

Le délai permis de construire pour contester est de 2 mois à partir du premier jour d'un affichage régulier, visible et continu sur le terrain. Si le panneau est mal placé, incomplet ou retiré, le délai ne court pas.

La durée de validité d'un permis de construire est de 3 ans, mais le délai de recours est bien de 2 mois seulement.

La checklist des 10 vérifications indispensables

1. Vérifier le délai de recours

Question : L'affichage date-t-il de moins de 2 mois ?

Le panneau de permis doit être affiché dès la notification de l'autorisation. Si vous constatez l'affichage le 15 janvier, vous avez jusqu'au 15 mars pour agir.

Attention : le délai court même si vous n'avez pas vu le panneau. Passez régulièrement devant les chantiers de votre quartier.

2. Vérifier la régularité de l'affichage

Question : Le panneau comporte-t-il toutes les mentions obligatoires ?

Mentions obligatoires :

  • Nom du bénéficiaire
  • Date et numéro du permis
  • Nature des travaux
  • Surface de plancher créée
  • Hauteur de la construction
  • Adresse de la mairie où consulter le dossier

Un panneau incomplet peut prolonger le délai de recours. Faites constater l'affichage par huissier si vous avez un doute.

3. Vérifier votre intérêt à agir

Question : Le projet affecte-t-il directement votre bien ?

Vous devez prouver que le projet porte atteinte à vos conditions d'occupation :

  • Perte de vue directe
  • Perte d'ensoleillement
  • Vis-à-vis
  • Nuisances (bruit, trafic)
  • Dévaluation du bien

Un voisin à 500 m aura plus de mal à justifier son intérêt qu'un voisin mitoyen.

4. Consulter le dossier de permis de construire

Question : Avez-vous lu le dossier complet en mairie ?

Rendez-vous au service urbanisme de la commune pour consulter :

  • Le formulaire CERFA (13406 pour un permis de construire maison individuelle)
  • Les plans : PCMI3 (coupe), PCMI4 (notice), PCMI5 (façades), PCMI6 (insertion)
  • L'avis de l'instructeur
  • Les éventuelles consultations (ABF, commission de sécurité)

Photographiez ou demandez des copies. Le dossier de permis de construire est un document public.

5. Identifier les irrégularités potentielles

Question : Le projet respecte-t-il le PLU ?

Vérifiez point par point :

Règle PLU À vérifier
Hauteur maximale Le projet dépasse-t-il le plafond ?
Implantation (recul) Les distances aux limites sont-elles respectées ?
Emprise au sol (CES) Le coefficient est-il dépassé ?
Surface de plancher Les seuils d'architecte sont-ils respectés ?
Aspect extérieur Les matériaux et couleurs sont-ils conformes ?
Stationnement Le nombre de places est-il suffisant ?

Le PLU est consultable en mairie ou en ligne. Les irrégularités les plus fréquentes concernent les distances aux limites séparatives et le dépassement de hauteur.

6. Vérifier la procédure d'instruction

Question : L'instructeur a-t-il respecté les délais et consultations ?

Le délai d'instruction du permis de construire est de 2 mois (3 mois avec consultations spéciales). Vérifiez :

  • La date de dépôt vs la date de décision
  • Les consultations obligatoires (ABF si secteur protégé, commission de sécurité si ERP)
  • L'avis de l'ABF (Architecte des Bâtiments de France) s'il était requis

7. Évaluer vos chances de succès

Question : L'irrégularité est-elle suffisamment grave ?

Tous les vices ne conduisent pas à l'annulation :

  • Vices substantiels : peuvent entraîner l'annulation (dépassement de hauteur, implantation non conforme)
  • Vices régularisables : le juge peut demander une régularisation sans annuler (erreur de calcul mineure)
  • Vices de forme : rarement annulants sauf s'ils ont influencé la décision

Depuis 2018, le juge peut ne prononcer qu'une "annulation partielle" du permis.

8. Calculer le coût du recours

Question : Avez-vous les moyens financiers ?

Poste Coût estimé
Recours gracieux Gratuit
Recours contentieux sans avocat 35 € (timbre fiscal)
Honoraires avocat 2 000 à 5 000 €
Expertise (si nécessaire) 1 500 à 3 000 €
Appel si rejet 3 000 à 6 000 €

Vérifiez votre assurance protection juridique : elle peut couvrir tout ou partie des frais.

9. Anticiper les conséquences

Question : Que se passera-t-il si vous gagnez/perdez ?

Si vous gagnez :

  • Le permis est annulé (travaux arrêtés ou démolition)
  • Vous pouvez obtenir des dommages-intérêts
  • Le pétitionnaire peut déposer une nouvelle demande de permis de construire corrigée

Si vous perdez :

  • Vous payez vos frais d'avocat
  • Le pétitionnaire peut vous demander des dommages-intérêts pour recours abusif (rare mais possible)

10. Envisager la négociation

Question : Une solution amiable est-elle possible ?

Avant le contentieux, contactez le pétitionnaire. Parfois, une modification du projet (réduction de hauteur, décalage de fenêtre) résout le problème sans procès.

Le recours gracieux peut servir de base à cette négociation : il montre votre sérieux sans engager de frais.

Procédure de recours

Le recours gracieux

Étape 1 : Rédigez une lettre recommandée adressée au maire
Contenu :

  • Vos coordonnées et qualité (propriétaire voisin)
  • Références du permis contesté
  • Motifs d'illégalité invoqués
  • Demande de retrait du permis

Étape 2 : Envoyez copie au pétitionnaire (obligatoire depuis 2018, article R600-1)

Étape 3 : Attendez la réponse (2 mois). Silence = rejet.

Le recours contentieux

Étape 1 : Rédigez une requête au tribunal administratif

  • Conclusions (ce que vous demandez)
  • Moyens (pourquoi c'est illégal)
  • Pièces justificatives

Étape 2 : Déposez au greffe du TA dans le délai de 2 mois

Étape 3 : Notifiez au pétitionnaire et à la commune (article R600-1)

Étape 4 : Échangez les mémoires (6 à 18 mois)

Étape 5 : Audience et jugement

La procédure dure généralement 12 à 24 mois en première instance.

Cas pratiques et exemples

Exemple 1 : Extension dépassant la hauteur PLU

Situation : Un voisin construit une extension de 35 m² avec toiture terrasse. Le PLU limite la hauteur à 6 m, l'extension atteint 6,50 m.

Vérifications :

  • Délai : affichage le 10 février, recours déposé le 5 avril ✓
  • Intérêt : voisin mitoyen, perte d'ensoleillement prouvée ✓
  • Irrégularité : dépassement de 50 cm = vice substantiel ✓

Issue : Annulation partielle. Le juge ordonne la modification de la toiture pour respecter les 6 m.

Exemple 2 : Permis sans consultation ABF

Situation : Un permis de construire est délivré pour une construction neuve à 400 m d'un monument historique, sans consultation de l'ABF.

Vérifications :

  • Périmètre ABF : 500 m autour du monument ✓
  • Consultation ABF obligatoire et absente ✓

Issue : Annulation totale. Le dossier de permis de construire doit être redéposé avec consultation ABF. L'instruction reprend à zéro.

Exemple 3 : Recours abusif rejeté

Situation : Un voisin à 200 m conteste un permis de construire maison individuelle de 120 m² conforme au PLU, arguant d'une "atteinte au paysage".

Problème :

  • Intérêt à agir faible (distance + absence de préjudice direct)
  • Pas d'irrégularité identifiable

Issue : Rejet. Le tribunal condamne le requérant à 1 500 € de frais au bénéfice du pétitionnaire.

Erreurs à éviter

Erreur n°1 : Agir hors délai

Le délai de 2 mois est impératif. Passé ce délai, le recours est irrecevable, même si l'irrégularité est flagrante. Surveillez les affichages dans votre quartier.

Erreur n°2 : Oublier de notifier au pétitionnaire

Depuis 2018, tout recours doit être notifié au pétitionnaire dans les 15 jours du dépôt. L'oubli entraîne l'irrecevabilité du recours. Envoyez une copie en recommandé.

Erreur n°3 : Confondre légalité et opportunité

Le juge administratif contrôle la légalité (respect des règles), pas l'opportunité (le projet est-il souhaitable ?). "Je trouve ça moche" n'est pas un motif d'annulation. Il faut une violation du PLU ou du Code de l'urbanisme.

Erreur n°4 : Négliger le recours gracieux

Le recours gracieux coûte rien et peut aboutir. Il montre aussi votre détermination et peut inciter à la négociation. Ne passez pas directement au contentieux.

Erreur n°5 : Sous-estimer l'adversaire

Le pétitionnaire va se défendre, souvent avec un avocat. Son architecte peut avoir vérifié scrupuleusement le PLU. Préparez un dossier solide avec des preuves techniques, pas seulement des impressions.

Questions fréquentes

Quel est le délai pour obtenir un permis de construire ?

Le délai d'instruction est de 2 mois pour un permis de construire maison individuelle, 3 mois pour les autres permis. En secteur ABF ou avec consultation de la commission de sécurité, le délai peut être majoré d'1 à 2 mois. Ces délais courent à compter du dépôt d'un dossier complet. Une demande de pièces complémentaires suspend le délai.

Peut-on faire un permis de construire sans architecte ?

Oui, si la surface de plancher totale après travaux ne dépasse pas 150 m². En dessous de ce seuil, un particulier peut déposer un permis de construire sans recourir à un architecte. Au-delà, l'architecte est obligatoire (article R431-2). Exception : les exploitations agricoles bénéficient d'un seuil à 800 m². Un architecte d'intérieur ne peut pas signer de permis.

Comment contester un refus de permis de construire ?

Si votre demande de permis de construire est refusée, vous disposez de 2 mois pour contester. Déposez d'abord un recours gracieux auprès du maire en démontrant que le refus est mal fondé. Si le maire maintient sa décision, saisissez le tribunal administratif dans les 2 mois suivant le rejet. L'assistance d'un avocat spécialisé en urbanisme est fortement conseillée.

Comment obtenir un permis de construire ?

Pour obtenir un permis de construire, déposez un dossier complet en mairie : formulaire CERFA 13406 (PCMI), plans (situation, masse, coupe, façades, insertion), notice descriptive, attestations (RE2020 si applicable). Le dossier est instruit par la commune puis le maire signe la décision. Le délai est de 2 à 3 mois selon les cas. Un accord tacite est acquis si aucune réponse n'intervient dans le délai.

Que faire si mon permis de construire est refusé ?

Un refus permis de construire n'est pas définitif. Analysez les motifs invoqués : si le projet peut être modifié pour respecter les règles (réduction de hauteur, décalage d'implantation), déposez une nouvelle demande corrigée. Si le refus vous semble infondé, contestez par recours gracieux puis contentieux. Consultez un professionnel pour évaluer vos options. Dans tous les cas, respectez le délai de 2 mois.

Le changement de destination nécessite-t-il un permis ?

Le changement de destination nécessite une déclaration préalable s'il n'implique pas de travaux modifiant la structure ou la façade. En revanche, un permis de construire est obligatoire si le changement s'accompagne de modifications structurelles (création d'ouvertures, modification de la charpente). Exemple : transformer un garage en habitation avec percement d'une fenêtre = permis.

La division d’un terrain nécessite-t-elle un permis ?

La division de terrain pour créer des lots à bâtir nécessite un permis d'aménager si au moins 2 lots sont destinés à la construction et que des équipements communs sont prévus. Sinon, une déclaration préalable suffit. Le détachement d'un seul lot constructible d'une propriété bâtie nécessite une simple déclaration préalable (DP divisionnaire).

Conclusion

Avant de contester un permis de construire, passez en revue cette checklist des 10 points essentiels :

  1. ✅ Délai de 2 mois respecté
  2. ✅ Affichage régulier vérifié
  3. ✅ Intérêt à agir justifiable
  4. ✅ Dossier consulté en mairie
  5. ✅ Irrégularités identifiées
  6. ✅ Procédure d'instruction conforme
  7. ✅ Chances de succès évaluées
  8. ✅ Budget prévu
  9. ✅ Conséquences anticipées
  10. ✅ Négociation tentée

Un recours bien préparé a de bonnes chances d'aboutir. Un recours bâclé ou fondé sur de mauvais arguments vous coûtera du temps et de l'argent.

En cas de doute, consultez un avocat spécialisé en urbanisme avant de vous lancer. Une consultation préalable (150 à 300 €) peut vous éviter une procédure vouée à l'échec ou au contraire vous conforter dans votre démarche.


Sources : Legifrance (Code de l'urbanisme articles L600-1-2, R600-1, R600-2), Conseil d'État jurisprudence