Jurisprudence

Astreinte Journalière de 500€ : La Sanction qui Fait Mal

Astreinte Journalière : 500€ par Jour Jusqu'à Démolition

Temps de lecture : 8 minutes

500 euros par jour. Voilà ce que risque un propriétaire qui refuse d'exécuter un jugement de démolition ordonnée par le tribunal. En un an, la note peut atteindre 182 500 €, sans compter l'amende initiale. L'astreinte en urbanisme est un mécanisme redoutable, conçu pour contraindre les contrevenants à se mettre en conformité rapidement. Elle s'applique aussi bien aux constructions sans permis qu'aux travaux non conformes à l'autorisation obtenue. Pour éviter d'en arriver là, la meilleure stratégie reste de respecter les règles du PLU et de déposer les autorisations requises.

Sommaire

Qu'est-ce que l'astreinte en urbanisme ?

Définition juridique

L'astreinte est une condamnation pécuniaire prononcée par le juge pénal pour contraindre un contrevenant à exécuter une décision de justice. Elle consiste en une somme d'argent due par jour, semaine ou mois de retard dans l'exécution (article L480-7 du Code de l'urbanisme).

Concrètement, si le tribunal ordonne la démolition d'une construction illégale sous 6 mois, et que le propriétaire n'obtempère pas, il devra payer l'astreinte pour chaque jour de retard après l'échéance.

Les caractéristiques principales

Aspect Détail
Nature Pénalité de retard
Montant courant 50 à 500 €/jour
Point de départ Fin du délai d'exécution
Point d'arrêt Exécution complète ou régularisation
Bénéficiaire Commune ou État
Caractère Provisoire (peut être liquidée ou supprimée)

Le fondement légal

L'article L480-7 du Code de l'urbanisme dispose :

"Le tribunal impartit au bénéficiaire des travaux irréguliers ou de l'utilisation irrégulière du sol un délai pour l'exécution de l'ordre de démolition, de mise en conformité ou de réaffectation ; il peut assortir sa décision d'une astreinte de 500 € au plus par jour de retard."

Cette astreinte s'ajoute à l'amende pénale (jusqu'à 6 000 € par m²), créant une pression financière considérable.

Comment l'astreinte est-elle fixée ?

Les critères du juge

Le tribunal fixe le montant de l'astreinte en fonction de plusieurs éléments :

1. La gravité de l'infraction

  • Construction en zone naturelle N : astreinte élevée
  • Non-conformité mineure : astreinte modérée
  • Infraction dans le périmètre de 500 mètres d'un monument historique : aggravation

2. La situation financière du contrevenant

  • Particulier modeste : astreinte adaptée
  • Promoteur professionnel : aucune clémence
  • Récidiviste : montant maximum

3. L'urgence environnementale ou patrimoniale

  • Espace boisé classé : astreinte maximale
  • Zone inondable : pression accrue
  • Site classé : exécution rapide exigée

Exemples de montants prononcés

Situation Astreinte fixée Délai d'exécution
Extension de 30 m² sans permis 75 €/jour 4 mois
Maison 200 m² en zone N 300 €/jour 12 mois
Pool house non conforme 50 €/jour 3 mois
Villa en secteur ABF 200 €/jour 6 mois
Construction récidiviste 500 €/jour 6 mois

Le calcul de l'emprise au sol : un facteur clé

La gravité de l'infraction dépend souvent de l'emprise au sol et de la surface de plancher créées illégalement. Plus ces surfaces sont importantes, plus l'astreinte sera élevée.

Procédure de mise en œuvre

Étape 1 : Le jugement initial

Le tribunal correctionnel, saisi par le procureur après un procès-verbal d'infraction, prononce :

  1. L'amende (1 200 à 6 000 €/m²)
  2. L'ordre de démolition ou mise en conformité
  3. Le délai d'exécution
  4. L'astreinte éventuelle

La notification se fait par le greffe sous 15 jours. Le condamné dispose de 10 jours pour faire appel.

Étape 2 : Le délai d'exécution

Le tribunal accorde généralement un délai raisonnable :

  • 3 à 6 mois pour une démolition simple
  • 6 à 12 mois pour une construction importante
  • Parfois 18 mois si des relogements sont nécessaires

Pendant ce délai, l'astreinte ne court pas encore.

Étape 3 : La liquidation de l'astreinte

À l'expiration du délai, si les travaux ne sont pas exécutés :

  1. Le procureur ou la commune demande la liquidation de l'astreinte
  2. Le juge de l'exécution calcule le montant dû (astreinte × jours de retard)
  3. Un commandement de payer est signifié
  4. À défaut de paiement, saisie des comptes et biens

Exemple concret : Astreinte de 200 €/jour, 6 mois de retard = 200 × 180 = 36 000 €

Étape 4 : Les voies de recours

Le condamné peut :

  • Demander un relevé d'astreinte : si des circonstances exceptionnelles ont empêché l'exécution (maladie grave, catastrophe naturelle)
  • Solliciter une réduction : si l'exécution partielle a été réalisée
  • Contester la liquidation : si le calcul est erroné

Cas pratiques et jurisprudences

Cas 1 : Le hangar agricole transformé en habitation (Cour d'appel de Rennes, 2022)

Situation : M. Duval a transformé un hangar de 120 m² en maison d'habitation sans permis, en zone agricole où ce changement de destination était interdit.

Condamnation initiale :

  • Amende : 72 000 € (120 m² × 600 €)
  • Démolition ordonnée sous 8 mois
  • Astreinte : 150 €/jour

Issue : M. Duval n'a pas démoli. Après 2 ans, liquidation de l'astreinte : 150 € × 730 = 109 500 €.

Leçon : Vérifiez toujours les règles de changement de destination auprès du service urbanisme. Une déclaration préalable ou un permis sont nécessaires selon les cas.

Cas 2 : La piscine en secteur ABF (Tribunal de Nîmes, 2021)

Situation : Une piscine de 60 m² construite sans déclaration préalable, à 400 m d'un monument historique.

Condamnation :

  • Amende : 12 000 €
  • Mise en conformité (création d'un aménagement paysager masquant la piscine) sous 4 mois
  • Astreinte : 100 €/jour

Issue : Le propriétaire a régularisé en obtenant une déclaration préalable d'emprise au sol avec avis favorable ABF. L'astreinte n'a pas été liquidée.

Leçon : À 500 mètres d'un monument historique, toute construction visible nécessite l'avis de l'Architecte des Bâtiments de France.

Cas 3 : La surélévation non conforme (Cassation, 2023)

Situation : Une surélévation de 35 m² autorisée par permis, mais réalisée avec 8 m² de plus et une hauteur dépassant celle autorisée.

Condamnation :

  • Amende : 8 000 €
  • Mise en conformité (démolition partielle) sous 6 mois
  • Astreinte : 75 €/jour

Issue : Le propriétaire a déposé un permis modificatif accepté. La mise en conformité a consisté à rabaisser la toiture de 40 cm. L'astreinte a été suspendue.

Leçon : Respectez scrupuleusement les cotes de votre permis. Un écart même faible peut déclencher un contentieux.

Comment éviter l'astreinte

Avant les travaux : prévenir plutôt que guérir

1. Vérifier la constructibilité

Consultez le PLU de votre commune. Les formulaires CERFA sont disponibles gratuitement en mairie ou en ligne.

2. Déposer la bonne autorisation

Surface créée Zone standard Zone U (PLU)
< 5 m² Aucune Aucune
5-20 m² Déclaration préalable Déclaration préalable
20-40 m² Permis de construire Déclaration préalable
> 40 m² Permis Permis

Au-delà de 150 m² de surface totale, l'architecte est obligatoire.

3. Respecter l'autorisation obtenue

Les contrôles portent sur :

  • L'emprise au sol (conformité à l'échelle 1/500 du plan de masse)
  • La hauteur maximale autorisée
  • Les matériaux et couleurs déclarés
  • Les distances aux limites

Après condamnation : limiter les dégâts

1. Exécuter le plus vite possible

Chaque jour compte. Une exécution anticipée peut permettre de demander la suppression de l'astreinte non encore liquidée.

2. Tenter la régularisation

Si votre construction est régularisable (conforme au PLU actuel même si non autorisée à l'origine), déposez un permis ou une déclaration. L'obtention de l'autorisation peut faire lever l'ordre de démolition.

3. Négocier avec la commune

Certaines communes préfèrent une régularisation avec taxe d'aménagement majorée plutôt qu'une démolition. Un dialogue constructif peut éviter l'astreinte.

Les pièges à éviter

1. Croire que le temps joue pour vous

La prescription pénale (6 ans) ne supprime pas l'obligation civile de démolir (10 ans). Et une fois le jugement rendu, il s'exécute.

2. Ignorer les courriers du tribunal

La non-comparution aggrave votre situation. Le jugement sera rendu par défaut, souvent plus sévèrement.

3. Commencer les travaux puis les abandonner

Une exécution partielle ne suspend pas l'astreinte. Il faut aller jusqu'au bout.

Questions fréquentes

Quel est le montant maximum de l’astreinte en urbanisme ?

L'article L480-7 du Code de l'urbanisme fixe le plafond à 500 € par jour de retard. Sur une année complète, cela représente jusqu'à 182 500 €. Ce montant s'ajoute à l'amende initiale (jusqu'à 6 000 €/m²) et aux frais de démolition éventuels. Le juge fixe le montant en fonction de la gravité de l'infraction et des moyens du contrevenant.

Comment éviter l’astreinte pour construction illégale ?

Trois stratégies : 1) Exécuter le jugement dans le délai imparti (démolir ou mettre en conformité). 2) Tenter une régularisation si la construction est conforme au PLU actuel – l'obtention d'un permis ou d'une déclaration peut faire lever l'ordre de démolition. 3) En amont, toujours vérifier la constructibilité et déposer les autorisations requises avant de construire. La prévention reste la meilleure protection.

L’astreinte peut-elle être supprimée ou réduite ?

Oui, le juge peut accorder un relevé total ou partiel de l'astreinte dans deux cas : 1) Circonstances exceptionnelles ayant empêché l'exécution (maladie grave, force majeure). 2) Exécution partielle de bonne foi – le juge peut réduire l'astreinte proportionnellement aux travaux réalisés. La demande se fait devant le juge de l'exécution. Attention : la simple difficulté financière ne suffit généralement pas.

Que se passe-t-il si je ne paie pas l’astreinte ?

L'astreinte liquidée devient une dette exécutoire. Le Trésor public ou la commune peut procéder à des saisies : compte bancaire, salaire, biens mobiliers, et même vente forcée du bien immobilier. En cas de vente du bien avant paiement, l'astreinte reste due par le vendeur. Elle ne se transmet pas à l'acquéreur, mais complique considérablement la transaction immobilière.

L’astreinte s’applique-t-elle à une déclaration préalable non respectée ?

Oui. L'article L480-4 s'applique à toute infraction au Code de l'urbanisme, y compris le non-respect d'une déclaration préalable. Si vos travaux diffèrent de ce qui a été déclaré (emprise plus grande, hauteur supérieure), vous êtes en infraction. Le tribunal peut ordonner la mise en conformité sous astreinte. Les règles de la RT2012 ou RE2020 peuvent également donner lieu à des sanctions complémentaires.

Conclusion

L'astreinte journalière de 500 € maximum par jour est l'arme ultime du juge pour contraindre à l'exécution d'une décision de démolition ou de mise en conformité. En quelques mois, la facture peut dépasser 100 000 €, s'ajoutant aux amendes et aux frais de démolition.

La prévention reste la meilleure stratégie :

  • Consultez le PLU avant tout projet
  • Déposez systématiquement les autorisations requises
  • Respectez scrupuleusement les cotes et prescriptions de votre permis
  • En cas de doute, sollicitez les conseils du service urbanisme de votre commune

Pour vos projets, le calcul de l'emprise au sol et de la surface de plancher est une étape préalable indispensable. Les formulaires CERFA sont gratuits et accessibles à tous.

Si vous êtes déjà confronté à une astreinte, agissez vite : chaque jour compte. La régularisation ou l'exécution rapide sont vos meilleures cartes.


Sources : Code de l'urbanisme (articles L480-4 à L480-7), Legifrance, jurisprudence des cours d'appel