Voisinage & Conflits

Arbre du Voisin Trop Haut : Comment l’Obliger à le Couper

Arbre du Voisin Trop Haut : Quels Sont Vos Droits ?

Temps de lecture : 8 minutes

Les branches du cerisier du voisin obscurcissent votre terrasse, les racines de son tilleul soulèvent votre allée, son thuya de 8 mètres prive votre jardin de soleil… Ces situations génèrent des tensions récurrentes entre voisins. Le Code civil encadre précisément les obligations de chacun en matière de plantations aux limites de propriété. Que l'arbre soit simplement trop haut, que ses branches empiètent sur votre terrain ou que ses racines causent des dégâts, des recours existent. Voici comment faire valoir vos droits, à l'amiable ou devant le juge.

Sommaire

  1. Les règles de distance pour les plantations
  2. Vos droits sur les branches qui dépassent
  3. Les racines et les dommages
  4. La procédure pour obliger le voisin à agir
  5. Cas pratiques et exemples
  6. Erreurs à éviter
  7. Questions fréquentes

Les règles de distance pour les plantations

Ce que dit le Code civil

L'article 671 du Code civil pose une règle simple : les plantations doivent respecter des distances minimales par rapport à la limite de propriété. Ces distances varient selon la hauteur de la plantation à maturité.

Hauteur de la plantation Distance minimale de la limite
Plus de 2 mètres 2 mètres
2 mètres ou moins 0,50 mètre

Cette règle s'applique aux arbres, arbustes et haies. La distance se mesure depuis le centre du tronc (ou de la tige pour les arbustes) jusqu'à la limite séparative entre les deux propriétés.

Les exceptions à la règle générale

Les distances légales peuvent être différentes dans plusieurs cas :

Les usages locaux :
Certains départements possèdent des usages locaux constants et reconnus qui modifient les distances du Code civil. Renseignez-vous auprès de la chambre d'agriculture ou du tribunal judiciaire de votre ressort.

Les règlements de lotissement :
Le cahier des charges du lotissement peut imposer des distances différentes ou interdire certaines essences.

Le PLU ou le règlement de zone :
Certains PLU réglementent les plantations en limite de propriété, notamment pour préserver des perspectives paysagères.

La prescription trentenaire :
Si l'arbre est planté depuis plus de 30 ans sans contestation et à une distance inférieure aux normes, le propriétaire peut invoquer la prescription acquisitive (article 672 alinéa 2 du Code civil). Dans ce cas, seul l'élagage des branches dépassant la limite reste exigible.

Les Espaces Boisés Classés (EBC)

Attention aux terrains situés en Espace Boisé Classé : l'abattage d'arbres y nécessite une autorisation préalable, délivrée dans le cadre d'une déclaration préalable de travaux. Le PLU identifie ces zones sur le plan de zonage. Même si l'arbre du voisin ne respecte pas les distances, le classement EBC peut compliquer son abattage.

Vos droits sur les branches qui dépassent

Le principe : demander l'élagage au propriétaire

L'article 673 du Code civil prévoit que vous pouvez contraindre votre voisin à couper les branches qui avancent sur votre terrain. Vous ne pouvez pas les couper vous-même sans son accord, mais il a l'obligation légale de procéder à l'élagage.

Cette règle s'applique quelle que soit l'ancienneté de l'arbre. Même si la plantation a plus de 30 ans et bénéficie de la prescription trentenaire pour la distance, le droit à l'élagage des branches qui empiètent reste imprescriptible.

La nouveauté de 2023 : le droit de couper soi-même

La loi du 23 février 2023 a modifié l'article 673 du Code civil. Désormais, si le propriétaire ne procède pas à l'élagage après mise en demeure restée sans effet, vous pouvez vous-même couper les branches dépassant votre propriété. Cette faculté nouvelle simplifie la procédure.

Conditions pour couper soi-même les branches :

  1. Envoyer une mise en demeure par courrier recommandé
  2. Accorder un délai raisonnable (généralement 2 mois)
  3. Constater l'inaction du voisin à l'expiration du délai
  4. Couper uniquement les branches dépassant la limite (pas au-delà)
  5. Ne pas pénétrer sur la propriété voisine pour effectuer la coupe

Les fruits des branches qui dépassent

Les fruits tombant naturellement de l'arbre voisin sur votre terrain vous appartiennent. En revanche, vous ne pouvez pas les cueillir directement sur les branches, même celles qui surplombent votre propriété.

Les racines et les dommages

Le droit de couper les racines

Contrairement aux branches, vous avez le droit de couper vous-même les racines qui pénètrent sur votre terrain, à la limite de propriété. Aucune mise en demeure préalable n'est nécessaire.

Toutefois, la coupe de racines importantes peut déstabiliser l'arbre et engager votre responsabilité si celui-ci venait à chuter. En cas de doute, faites intervenir un professionnel qui évaluera les risques.

Les dommages causés par les racines

Si les racines de l'arbre voisin causent des dégâts à votre propriété (soulèvement de terrasse, fissuration de mur, obstruction de canalisations), vous pouvez demander réparation sur le fondement de l'article 1240 du Code civil (responsabilité pour faute) ou de la théorie des troubles anormaux de voisinage.

Les dommages les plus courants :

  • Soulèvement de pavés, dalles ou bordures
  • Fissures dans les murs de clôture ou de soutènement
  • Obstruction ou perforation de canalisations
  • Dessèchement de terrain (arbres très gourmands en eau)

La réparation peut inclure le remboursement des travaux de remise en état et, dans les cas graves, l'arrachage de l'arbre à l'origine des dégâts.

La procédure pour obliger le voisin à agir

Étape 1 : La démarche amiable

Avant toute action en justice, privilégiez le dialogue. Un échange courtois avec votre voisin résout souvent le problème :

  • Expliquez les nuisances subies (perte de lumière, feuilles, dégâts)
  • Rappelez les distances légales si l'arbre est trop proche
  • Proposez une solution (élagage partiel, abattage avec replantation d'une essence moins haute)

Conservez une trace écrite de vos échanges (courriers, emails).

Étape 2 : La mise en demeure

Si le dialogue échoue, envoyez une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception. Ce courrier doit :

  • Décrire la situation (arbre concerné, distances, nuisances)
  • Rappeler les textes applicables (articles 671 à 673 du Code civil)
  • Formuler une demande précise (élagage des branches, abattage si distance non respectée)
  • Fixer un délai raisonnable (1 à 2 mois)
  • Annoncer les suites judiciaires en cas d'inaction

Étape 3 : La conciliation

Le recours préalable à un conciliateur de justice est obligatoire pour les litiges inférieurs à 5 000 €. Ce mode de règlement amiable, gratuit, permet souvent de trouver un accord sans procès.

Pour les litiges de voisinage concernant les arbres, la conciliation aboutit fréquemment : le conciliateur rappelle les règles et propose des solutions pratiques (calendrier d'élagage, partage des frais).

Étape 4 : L'action en justice

À défaut d'accord, saisissez le tribunal judiciaire (ou le tribunal de proximité pour les petits litiges). Les demandes les plus fréquentes :

  • Élagage sous astreinte (ex : 50 € par jour de retard)
  • Arrachage de l'arbre si distance non respectée
  • Dommages et intérêts pour préjudice (perte d'ensoleillement, dégâts matériels)

Le délai d'instruction d'une affaire au tribunal varie selon l'encombrement du rôle, comptez 6 à 18 mois.

Si l'arbre du voisin vous empêche de réaliser un projet de construction, sachez que le recours des voisins peut aussi jouer en sens inverse : un voisin peut contester votre permis s'il estime subir un préjudice.

Cas pratiques et exemples

Exemple 1 : Haie de thuyas trop haute

Situation : M. Martin possède une haie de thuyas plantée à 0,30 m de la limite, haute de 4 mètres. Son voisin M. Dupont se plaint du manque de lumière.

Analyse :

  • Distance légale : 2 m pour plantations > 2 m de hauteur
  • Distance réelle : 0,30 m → non conforme
  • Prescription : la haie a été plantée il y a 15 ans → pas de prescription (< 30 ans)

Solution : M. Martin doit soit rabattre sa haie à 2 m maximum de hauteur (elle peut alors rester à 0,50 m), soit l'arracher et replanter à 2 m de la limite.

Coût élagage : 400 à 800 € pour une haie de 15 mètres linéaires.
Coût arrachage + replantation : 1 500 à 3 000 €.

Exemple 2 : Branches de chêne surplombant une piscine

Situation : Les branches d'un chêne centenaire dépassent de 5 mètres sur la propriété voisine, au-dessus d'une piscine. Les feuilles et glands salissent le bassin en permanence.

Analyse :

  • Le chêne est planté à 4 m de la limite : distance conforme
  • Mais les branches dépassent sur le fonds voisin : élagage exigible
  • L'ancienneté de l'arbre (+ 30 ans) ne fait pas obstacle à la demande d'élagage

Procédure : Mise en demeure, puis coupe des branches par le voisin lui-même après délai. Le propriétaire du chêne peut aussi faire appel à un élagueur.

Coût élagage chêne : 800 à 2 000 € selon l'ampleur de la taille.

Exemple 3 : Racines endommageant un mur de soutènement

Situation : Les racines d'un platane ont provoqué des fissures dans un mur de soutènement séparant deux propriétés sur un terrain en pente.

Analyse :

  • Le mur de soutènement appartient au propriétaire du terrain en contrebas
  • Le platane appartient au voisin du terrain en hauteur
  • La responsabilité du propriétaire de l'arbre est engagée (trouble anormal de voisinage)

Solution : Demande de réparation du mur + indemnisation + éventuellement abattage si les racines continuent de menacer. Le calcul d'emprise au sol du terrain peut être impacté si le mur doit être reconstruit avec des fondations plus profondes.

Coût réparation mur : 3 000 à 8 000 € selon longueur et gravité.

Erreurs à éviter

1. Couper les branches vous-même sans mise en demeure

Avant la loi de 2023, couper les branches du voisin sans son accord vous exposait à une condamnation pour dégradation du bien d'autrui. Désormais, vous pouvez le faire MAIS uniquement après une mise en demeure restée sans effet pendant un délai raisonnable. Ne sautez pas cette étape.

2. Pénétrer sur la propriété voisine

Même pour élaguer des branches qui vous nuisent, vous ne pouvez pas entrer chez votre voisin sans son autorisation. Si l'accès à l'arbre nécessite de passer par sa propriété, vous devrez obtenir son accord ou attendre l'intervention ordonnée par le juge.

3. Abattre un arbre protégé

Certains arbres bénéficient d'une protection spéciale :

  • Arbres remarquables identifiés au PLU
  • Arbres en Espace Boisé Classé (EBC)
  • Arbres dans un Site Patrimonial Remarquable

L'abattage de ces arbres nécessite une autorisation administrative préalable. Vérifiez toujours le plan de masse et le PLU avant toute action.

4. Négliger la preuve des dommages

Si vous demandez des dommages et intérêts (perte d'ensoleillement, coût de nettoyage, dégâts matériels), constituez un dossier de preuves :

  • Photos datées
  • Devis de remise en état
  • Constat d'huissier si nécessaire
  • Témoignages écrits

5. Agir tardivement après la prescription

Si l'arbre est planté depuis plus de 30 ans à une distance non conforme, le propriétaire peut invoquer la prescription. Vous conservez le droit à l'élagage des branches, mais pas le droit d'exiger l'arrachage ou le déplacement de l'arbre.

Questions fréquentes

À quelle distance de la limite peut-on planter un arbre ?

Le Code civil (article 671) impose une distance minimale de 2 mètres pour les arbres dont la hauteur dépasse 2 mètres à maturité. Pour les plantations de 2 mètres ou moins, la distance minimale est de 0,50 mètre. Ces distances se mesurent du centre du tronc à la limite séparative. Des usages locaux ou règlements de lotissement peuvent prévoir des distances différentes.

Peut-on couper les branches du voisin qui dépassent chez soi ?

Depuis la loi du 23 février 2023, oui, à condition d'avoir préalablement mis en demeure le voisin par courrier recommandé et de lui avoir laissé un délai raisonnable (environ 2 mois) pour procéder lui-même à l'élagage. Si le voisin ne réagit pas, vous pouvez alors couper les branches qui dépassent sur votre propriété, à la limite séparative, sans pénétrer chez lui.

Que faire si les racines du voisin endommagent ma propriété ?

Vous avez le droit de couper les racines à la limite de propriété sans autorisation préalable. Si les racines ont causé des dommages (fissures, soulèvement de dallage, canalisation bouchée), vous pouvez demander réparation au propriétaire de l'arbre sur le fondement des troubles anormaux de voisinage. Conservez des preuves (photos, devis) et tentez d'abord une solution amiable avant d'engager une procédure judiciaire.

Un arbre planté depuis 30 ans peut-il être abattu ?

Si l'arbre est planté depuis plus de 30 ans à une distance inférieure aux normes légales, le propriétaire peut invoquer la prescription acquisitive (article 672 du Code civil). Dans ce cas, vous ne pouvez plus exiger l'arrachage ou le déplacement de l'arbre. Cependant, le droit à l'élagage des branches qui dépassent sur votre propriété reste imprescriptible : vous pouvez toujours exiger la coupe de ces branches.

Faut-il une autorisation pour couper un arbre en zone classée ?

Oui, en Espace Boisé Classé (EBC), l'abattage d'un arbre nécessite une déclaration préalable de travaux. Le délai d'instruction est d'un mois. Même si l'arbre du voisin ne respecte pas les distances légales, son abattage reste soumis à cette autorisation. De même, les arbres remarquables identifiés au PLU ou situés en Site Patrimonial Remarquable bénéficient d'une protection spéciale.

Quel tribunal saisir pour un litige d’arbre avec un voisin ?

Les litiges concernant les plantations relèvent du tribunal judiciaire. Pour les demandes inférieures à 5 000 €, un recours préalable au conciliateur de justice est obligatoire. Cette étape, gratuite, permet souvent de régler le différend sans procès. Si la conciliation échoue, vous pouvez saisir le tribunal en déposant une requête accompagnée du procès-verbal de non-conciliation. Un avocat n'est pas obligatoire pour les litiges inférieurs à 10 000 €.

Les fruits de l’arbre du voisin m’appartiennent-ils ?

Seuls les fruits tombés naturellement sur votre terrain vous appartiennent (article 673 du Code civil). Vous ne pouvez pas cueillir les fruits directement sur les branches, même si celles-ci surplombent votre propriété. En revanche, si vous demandez l'élagage des branches et que le voisin refuse, vous pouvez, après mise en demeure, couper ces branches vous-même et conserver les fruits qui en tomberaient.

Conclusion

Les conflits de voisinage liés aux arbres sont parmi les plus fréquents. Le Code civil offre des solutions claires : respect des distances de plantation, droit à l'élagage des branches dépassantes, possibilité de couper les racines à la limite. La loi de 2023 a encore simplifié les choses en autorisant la coupe des branches après simple mise en demeure.

Avant d'entamer une procédure judiciaire, privilégiez toujours le dialogue et la conciliation. Un bon accord vaut mieux qu'un mauvais procès, surtout entre voisins appelés à se côtoyer durablement. Si vous envisagez des travaux sur votre propriété (construction d'un abri, aménagement de terrasse, création d'un escalier extérieur), anticipez ces questions de voisinage pour éviter qu'un arbre mal placé ne compromette votre projet.

En cas de dégâts importants causés par les racines ou les branches, n'hésitez pas à faire constater les désordres par huissier avant d'engager toute discussion. Ces preuves seront précieuses si l'affaire doit être portée devant le juge.


Sources : Code civil (articles 671 à 673, 1240), Loi du 23 février 2023 relative aux branches dépassantes, Légifrance, Service-public.fr