RE2020 : Sanctions et Risques en Cas de Non-Conformité

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Votre maison neuve ne respecte pas les exigences de la RE2020 ? Le test de perméabilité à l'air révèle des valeurs non conformes ? L'attestation de fin de chantier ne peut pas être délivrée ? Les conséquences d'une non-conformité à la réglementation environnementale 2020 vont bien au-delà d'une simple amende. Blocage de la DAACT, refus du certificat de conformité, impossibilité de revendre, mise en jeu de la garantie décennale… Les sanctions sont multiples et peuvent transformer un projet de construction en cauchemar administratif et financier. Cet article détaille les risques réels encourus et les moyens de les éviter.

Sommaire

Le cadre réglementaire de la RE2020

La RE2020 (Réglementation Environnementale 2020) s'applique depuis le 1er janvier 2022 aux constructions neuves de logements, puis progressivement aux autres bâtiments. Elle remplace la RT2012 avec des exigences renforcées.

Les exigences à respecter

La RE2020 impose le respect de plusieurs indicateurs :

Indicateur Signification Exigence type maison
Bbio Besoin bioclimatique Bbio ≤ Bbio max
Cep Consommation énergie primaire Cep ≤ Cep max
Cep,nr Consommation non renouvelable Cep,nr ≤ Cep,nr max
Ic énergie Impact carbone énergie Ic ≤ Ic max
Ic construction Impact carbone matériaux Ic ≤ Ic max
DH Degrés-heures inconfort DH ≤ 1250 (ou 1850)
Perméabilité Étanchéité à l'air Q4 ≤ 0,6 m³/h.m²

Les attestations obligatoires

Deux attestations matérialisent la conformité RE2020 :

L'attestation au dépôt du permis (PCMI14-1 ou PC14-2) : Elle prouve que le projet a fait l'objet d'une étude thermique et respecte le Bbio max. Sans cette attestation, le permis de construire est irrecevable.

L'attestation de fin de chantier (AT.3) : Elle certifie que la construction réalisée respecte effectivement les exigences. Elle doit être jointe à la DAACT (Déclaration Attestant l'Achèvement et la Conformité des Travaux).

Qui contrôle la conformité ?

Contrairement aux ERP où des commissions de sécurité interviennent, les maisons individuelles ne font pas l'objet d'un contrôle systématique de la RE2020. Le système repose sur :

  • L'auto-certification par le maître d'ouvrage (via les attestations)
  • La responsabilité des professionnels (bureau d'études, constructeur)
  • Des contrôles aléatoires par les services de l'État (DDT)

Les sanctions administratives

Blocage de la DAACT

La première sanction — et la plus immédiate — est l'impossibilité de déposer une DAACT complète sans l'attestation de fin de chantier RE2020.

Conséquences pratiques :

  • Pas de DAACT complète = pas de certificat de non-opposition
  • Impossibilité d'obtenir une attestation de conformité
  • Blocage des dernières tranches du prêt immobilier
  • Difficultés pour l'assurance habitation

La mairie dispose de 3 mois (5 mois si récolement obligatoire) pour contester la conformité. Sans attestation RE2020, cette contestation est quasi-automatique.

Refus de conformité

Si la mairie constate une non-conformité — que ce soit à la RE2020 ou au permis accordé — elle peut :

  1. Mettre en demeure de réaliser des travaux de mise en conformité
  2. Refuser de délivrer l'attestation de non-contestation
  3. Signaler l'infraction au procureur de la République

Le défaut d'affichage du permis aggrave la situation car il prolonge indéfiniment le délai de recours des tiers.

Contrôles aléatoires de la DDT

La Direction Départementale des Territoires peut effectuer des contrôles sur les constructions neuves. Ces contrôles vérifient :

  • L'existence des attestations RE2020
  • La cohérence entre le projet déclaré et la réalisation
  • Le respect des prescriptions du permis

En cas de non-conformité constatée, la DDT transmet un procès-verbal au procureur.

Les sanctions civiles et pénales

Les sanctions pénales

L'article L480-4 du Code de l'urbanisme prévoit des sanctions pour les constructions non conformes :

Amende pénale : Jusqu'à 6 000 € par m² de surface concernée. Pour une maison de 140 m² entièrement non conforme, l'amende théorique peut atteindre 840 000 €. En pratique, les tribunaux prononcent des amendes de 10 000 à 50 000 €.

Récidive : L'amende peut être doublée et une peine de 6 mois d'emprisonnement peut être prononcée.

Prescription : L'action pénale se prescrit par 6 ans à compter de l'achèvement des travaux. Passé ce délai, plus de poursuites pénales possibles.

La mise en conformité forcée

Le tribunal peut ordonner :

  • La mise en conformité des travaux dans un délai fixé
  • Une astreinte journalière en cas de non-exécution (50 à 500 €/jour)
  • La démolition en dernier recours (rare mais possible)

Pour la RE2020, la mise en conformité peut impliquer :

  • Renforcement de l'isolation
  • Remplacement du système de chauffage
  • Reprise de l'étanchéité à l'air
  • Travaux lourds sur l'enveloppe

Les conséquences civiles

Vis-à-vis de l'assurance : L'assurance dommages-ouvrage peut refuser de garantir les désordres liés à une non-conformité réglementaire connue. Le défaut de souscription de l'assurance DO est déjà une faute ; y ajouter une non-conformité aggrave considérablement la situation.

Vis-à-vis des acquéreurs : En cas de revente, l'acquéreur peut invoquer un vice caché si la non-conformité RE2020 n'a pas été déclarée. Le délai pour agir est de 2 ans à compter de la découverte du vice.

Vis-à-vis des voisins : Un recours des tiers peut être exercé si la construction cause un préjudice (même si la non-conformité RE2020 en elle-même n'est pas un motif direct de recours).

Les responsabilités des intervenants

Responsabilité du maître d'ouvrage

En tant que commanditaire des travaux, vous êtes le premier responsable de la conformité de votre construction. Cependant, cette responsabilité peut être partagée ou transférée selon les contrats signés.

En CCMI (Contrat de Construction de Maison Individuelle) : Le constructeur assume la responsabilité de livrer une maison conforme à la réglementation. Votre recours est direct contre lui.

En maîtrise d'œuvre classique : La responsabilité est partagée entre l'architecte (conception), le bureau d'études thermiques (calculs), et les entreprises (exécution).

En auto-construction : Vous assumez l'intégralité de la responsabilité.

Responsabilité du constructeur

Le constructeur en CCMI est tenu à une obligation de résultat. Il doit livrer une maison :

  • Conforme au permis de construire
  • Respectant la RE2020
  • Dotée de toutes les attestations

En cas de non-conformité RE2020, il doit à ses frais :

  • Réaliser les travaux correctifs
  • Obtenir les attestations manquantes
  • Indemniser le maître d'ouvrage pour les préjudices (retard, surcoûts)

Responsabilité du bureau d'études thermiques

Le bureau d'études engage sa responsabilité professionnelle sur :

  • L'exactitude des calculs RE2020
  • La cohérence des hypothèses avec le projet réel
  • La délivrance des attestations

Si les calculs sont erronés ou si l'attestation est délivrée pour un bâtiment non conforme, le BET peut être poursuivi pour faute professionnelle.

La garantie décennale

Les désordres liés à une non-conformité RE2020 peuvent relever de la garantie décennale s'ils :

  • Compromettent la solidité de l'ouvrage (rare pour la RE2020)
  • Rendent l'ouvrage impropre à sa destination (plus fréquent)

Exemple : Une maison avec un Bbio très supérieur au Bbio max peut être considérée comme « impropre à sa destination » si elle est impossible à chauffer correctement ou génère des factures énergétiques prohibitives.

Comment éviter la non-conformité

Avant le permis de construire

  1. Choisir un bureau d'études thermiques qualifié : Vérifiez ses références et ses certifications.

  2. Intégrer la RE2020 dès la conception : L'orientation du bâtiment, les surfaces vitrées, l'isolation prévue doivent être pensées pour respecter le Bbio.

  3. Obtenir l'attestation PCMI14-1 : Elle garantit que le projet est calculé pour être conforme.

  4. Prévoir une marge de sécurité : Un Bbio à 95% du max laisse moins de marge qu'un Bbio à 80%.

Pendant le chantier

  1. Suivre les préconisations de l'étude thermique : Les épaisseurs d'isolant, les types de menuiseries, les systèmes de chauffage doivent être conformes au calcul.

  2. Anticiper le test de perméabilité : Ce test doit être réalisé AVANT les finitions intérieures. Une mauvaise étanchéité découverte après la pose des placos est très coûteuse à corriger.

  3. Documenter les travaux : Conservez les fiches techniques des matériaux, les photos de chantier, les PV de réception.

  4. Prévoir un accompagnement du BET : Certains bureaux proposent des visites de contrôle en cours de chantier.

À l'achèvement

  1. Réaliser le test d'étanchéité à l'air : Obligatoire et déterminant pour l'attestation.

  2. Faire établir l'attestation AT.3 : Par un professionnel habilité (architecte, contrôleur technique, diagnostiqueur).

  3. Joindre l'attestation à la DAACT : C'est la condition pour une DAACT complète.

  4. Afficher le permis jusqu'à la fin du délai de recours : 2 mois d'affichage continu après dépôt de la DAACT.

Cas pratiques et exemples

Exemple 1 : Test de perméabilité non conforme

Situation : Construction d'une maison de 130 m² en CCMI. Le test de perméabilité à l'air révèle Q4 = 0,85 m³/h.m² au lieu des 0,6 exigés.

Conséquences immédiates :

  • L'attestation RE2020 fin de chantier ne peut pas être délivrée
  • La DAACT est bloquée
  • La banque refuse de débloquer la dernière tranche (15 000 €)

Résolution :

  • Identification des fuites : joints de menuiseries, passages de gaines, trappe de combles
  • Travaux correctifs : reprise des joints, pose de membranes, calfeutrement
  • Nouveau test : Q4 = 0,52 m³/h.m² (conforme)
  • Coût des reprises : 4 800 € (à la charge du constructeur en CCMI)
  • Retard : 6 semaines

Exemple 2 : Bbio dépassé en cours de chantier

Situation : Maison de 160 m² dont le Bbio calculé était à 95% du Bbio max. En cours de chantier, le client demande des fenêtres de toit supplémentaires non prévues.

Problème : Les nouvelles ouvertures dégradent le Bbio qui dépasse désormais le Bbio max.

Options :

  1. Supprimer les fenêtres de toit ajoutées
  2. Renforcer l'isolation pour compenser
  3. Installer des protections solaires performantes

Solution retenue : Pose de stores extérieurs automatisés sur les fenêtres de toit + renforcement de l'isolation des rampants. Coût supplémentaire : 8 500 €.

Exemple 3 : Contrôle DDT après construction

Situation : Maison construite en 2023, contrôle aléatoire de la DDT en 2024. L'attestation RE2020 fin de chantier n'a jamais été établie.

Constatations :

  • Test de perméabilité jamais réalisé
  • DAACT déposée sans attestation (passée inaperçue en mairie)
  • Propriétaire installé depuis 8 mois

Procédure :

  • PV d'infraction transmis au procureur
  • Mise en demeure de régularisation sous 3 mois
  • Réalisation du test de perméabilité (conforme heureusement)
  • Établissement de l'attestation a posteriori
  • Classement sans suite par le procureur (régularisation effective)

Coût de la régularisation : 1 200 € (test + attestation) + stress considérable.

Erreurs à éviter

Erreur n°1 : Sous-estimer le test d'étanchéité

Le test de perméabilité à l'air est LE point de blocage le plus fréquent. Une maison peut avoir une isolation parfaite et échouer au test à cause de défauts de mise en œuvre : gaines non étanchées, joints de menuiseries défectueux, trappe de combles sans joint.

Conseil : Faites réaliser un pré-test avant les finitions. Coût : 200-300 €. Économie potentielle : plusieurs milliers d'euros de reprises.

Erreur n°2 : Modifier le projet sans recalculer

Tout changement par rapport à l'étude thermique initiale doit être validé : modification des menuiseries, changement de système de chauffage, ajout d'ouvertures. Un recalcul coûte quelques centaines d'euros ; une non-conformité en coûte des milliers.

Erreur n°3 : Déposer la DAACT sans attestation

Certains maîtres d'ouvrage pressés déposent leur DAACT sans l'attestation RE2020, espérant la fournir plus tard. C'est une erreur : la DAACT incomplète peut déclencher un contrôle et bloquer la procédure.

Erreur n°4 : Confondre attestation au permis et fin de chantier

L'attestation PCMI14-1 (au dépôt) prouve que le PROJET est conforme. L'attestation AT.3 (fin de chantier) prouve que la RÉALISATION est conforme. Les deux sont obligatoires et distinctes.

Erreur n°5 : Négliger les pièces du permis

Une piscine non déclarée, une extension de 20 m² oubliée, une isolation extérieure non autorisée… Ces modifications affectent aussi les calculs RE2020 et doivent être intégrées.

Questions fréquentes

Que risque-t-on si le test de perméabilité échoue ?

Si le test de perméabilité à l'air dépasse la valeur Q4 de 0,6 m³/h.m² pour une maison individuelle, l'attestation RE2020 fin de chantier ne peut pas être délivrée. Des travaux correctifs sont nécessaires : reprise des joints, étanchéité des passages de gaines, traitement des points singuliers. Un nouveau test doit ensuite être réalisé. Le coût des reprises varie de 2 000 à 10 000 € selon l'ampleur des défauts.

L’attestation RE2020 est-elle obligatoire pour une extension ?

L'attestation RE2020 est obligatoire pour les extensions de plus de 50 m² chauffées. En dessous de 50 m², la réglementation thermique des bâtiments existants s'applique (moins contraignante). Pour établir un plan de masse conforme et calculer précisément la surface de plancher, faites appel à un professionnel.

Peut-on régulariser une non-conformité RE2020 après construction ?

La régularisation est possible par la réalisation des travaux de mise en conformité : renforcement de l'isolation, changement du système de chauffage, reprise de l'étanchéité. Une fois les travaux effectués, le test de perméabilité et l'attestation peuvent être obtenus. Le coût dépend des écarts à corriger. En cas de contrôle, la régularisation effective peut conduire à un classement sans suite des poursuites.

Le constructeur est-il responsable en cas de non-conformité RE2020 ?

En CCMI (Contrat de Construction de Maison Individuelle), le constructeur a une obligation de résultat : il doit livrer une maison conforme à la RE2020. En cas de non-conformité, il doit réaliser les travaux correctifs à ses frais et indemniser le maître d'ouvrage pour les préjudices (retard de livraison, surcoûts). La durée de validité du permis n'impacte pas cette responsabilité qui perdure après livraison.

Comment savoir si ma maison respecte la RE2020 ?

Le respect de la RE2020 est attesté par deux documents : l'attestation PCMI14-1 au dépôt du permis (conformité du projet) et l'attestation AT.3 à la fin des travaux (conformité de la réalisation). Cette dernière nécessite un test de perméabilité à l'air conforme. Sans ces attestations, la conformité RE2020 ne peut pas être prouvée. Faites appel au bureau d'études qui a réalisé l'étude thermique initiale.

Quel est le délai de prescription pour une non-conformité RE2020 ?

La prescription pénale est de 6 ans à compter de l'achèvement des travaux. Passé ce délai, plus de poursuites pénales possibles. La prescription civile (responsabilité décennale) est de 10 ans. Les recours des voisins se prescrivent par 2 mois après affichage du permis sur le terrain — mais la non-conformité RE2020 n'est généralement pas un motif de recours des tiers.

Peut-on construire en zone inondable avec la RE2020 ?

La RE2020 ne traite pas des zones inondables — c'est le PPRI (Plan de Prévention des Risques Inondation) qui réglemente la construction dans ces zones. En zone rouge, la construction est généralement interdite. En zone bleue, elle est possible sous conditions (surélévation du plancher, matériaux résistants). La RE2020 s'applique en plus de ces contraintes. Le formulaire de déclaration préalable ou le plan de masse doivent mentionner les contraintes PPRI.

Conclusion

Les sanctions liées à une non-conformité RE2020 sont réelles et potentiellement lourdes : blocage administratif, amendes, travaux correctifs coûteux, difficultés de revente. Mais la plupart de ces problèmes peuvent être évités par une approche rigoureuse dès la conception.

Points clés à retenir :

  • L'attestation RE2020 fin de chantier est indispensable pour la DAACT
  • Le test de perméabilité à l'air est le point de contrôle critique
  • Le constructeur en CCMI assume la responsabilité de la conformité
  • La régularisation a posteriori est possible mais coûteuse
  • La prescription pénale est de 6 ans, civile de 10 ans

Pour votre projet de construction, anticipez la RE2020 dès la conception. Choisissez des professionnels qualifiés, suivez les préconisations de l'étude thermique, et réalisez un pré-test d'étanchéité avant les finitions. Ces précautions vous éviteront les mauvaises surprises à la réception.


Sources : Code de l'urbanisme (L480-4, R431-16), Décret n°2021-1004 (RE2020), Code de la construction et de l'habitation