Zone Agricole du PLU : Peut-on Construire en Zone A ?

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Votre terrain est classé en zone A du Plan Local d'Urbanisme ? La constructibilité y est extrêmement limitée. Le classement en zone agricole vise à protéger les terres à fort potentiel agronomique, et la loi restreint sévèrement les possibilités de construire. Seuls les bâtiments nécessaires à l'exploitation agricole sont autorisés, ainsi que le logement de l'exploitant sous conditions strictes. Un particulier souhaitant construire sa maison en zone A se heurtera à un refus quasi certain. Cette zone n'est pas un terrain constructible au sens habituel du terme. Voici ce qu'il est réellement possible d'y faire et les rares exceptions qui existent.

Sommaire

Qu'est-ce que la zone agricole ?

Définition juridique

La zone A (agricole) est l'une des quatre grandes zones du PLU, avec les zones constructibles U et AU et la zone naturelle N.

L'article R151-22 du Code de l'urbanisme définit les zones agricoles comme « les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles ».

Le classement en zone A répond à plusieurs objectifs :

  • Protéger les terres cultivables
  • Éviter le mitage (dispersion de constructions)
  • Préserver l'activité agricole
  • Maintenir les paysages ruraux

Les sous-zones agricoles

Comme pour la zone U, la zone A peut être subdivisée :

Sous-zone Caractéristiques typiques
Aa Zone agricole stricte, aucune construction autre qu'agricole
Ab Zone agricole avec constructions existantes
Ac Zone agricole de coteaux ou vallées
Ap Zone agricole protégée (paysage remarquable)

Le règlement de chaque sous-zone précise les possibilités et restrictions spécifiques.

Différence avec la zone N

Critère Zone A Zone N
Objectif Protection agricole Protection naturelle
Activité Agriculture Conservation
Bâtiments agricoles Autorisés Interdits
Extension existant Très limitée Mesurée
Changement de destination Très encadré Rare

Les constructions autorisées en zone A

Les bâtiments agricoles

L'article L151-11 du Code de l'urbanisme autorise en zone A « les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole ».

Types de bâtiments agricoles autorisés :

  • Hangars et remises agricoles
  • Bâtiments d'élevage (stabulations, bergeries)
  • Serres de production
  • Silos et stockage de récoltes
  • Locaux de transformation à la ferme
  • Caves viticoles
  • Magasins de vente directe (liés à l'exploitation)

Condition sine qua non : le bâtiment doit être nécessaire à l'exploitation. Un simple rangement de matériel amateur ne suffit pas. L'instructeur vérifiera :

  • L'existence d'une exploitation agricole réelle
  • L'affiliation à la MSA (Mutualité Sociale Agricole)
  • La cohérence de la taille du bâtiment avec l'activité

Les équipements publics

Sont également autorisés en zone A :

  • Les équipements collectifs d'intérêt général
  • Les ouvrages techniques liés aux réseaux (transformateurs, relais)
  • Les voiries et infrastructures

Ces constructions nécessitent généralement une déclaration d'utilité publique ou un statut particulier.

Les constructions liées à la diversification

La loi ALUR a élargi les possibilités aux activités de diversification agricole :

  • Gîtes ruraux (si liés à l'exploitation)
  • Accueil à la ferme
  • Hébergements touristiques dans des bâtiments existants

Ces activités doivent rester accessoires à l'activité agricole principale.

Les constructions interdites

La maison individuelle du particulier

Un particulier non agriculteur ne peut pas construire sa maison en zone A. C'est l'interdiction la plus absolue et la plus fréquemment méconnue.

Les refus sont systématiques pour :

  • Maison de résidence principale
  • Maison de vacances
  • Résidence secondaire
  • Projet d'habitation sans lien agricole

Même si le terrain vous appartient et qu'il est viabilisé, la réponse sera négative.

Les activités commerciales et industrielles

Sont également interdits :

  • Commerces (sauf vente directe agricole)
  • Bureaux
  • Entrepôts non agricoles
  • Industries
  • Artisanat sans lien avec l'agriculture

Les équipements de loisirs

En règle générale :

  • Piscines (sauf rares exceptions)
  • Courts de tennis
  • Abris de jardin non liés à l'exploitation
  • Garages pour véhicules de tourisme

Ces équipements peuvent être autorisés uniquement s'ils sont liés à une construction existante légalement autorisée, dans le cadre d'une extension très limitée.

Le logement de l'exploitant agricole

Conditions d'autorisation

Le logement de l'exploitant agricole peut être autorisé en zone A si plusieurs conditions sont réunies :

1. Nécessité avérée
Le logement doit être nécessaire à l'exploitation. Cette nécessité est appréciée au regard :

  • De la présence d'animaux nécessitant une surveillance
  • Des horaires de travail (élevage, irrigation)
  • De la distance au siège d'exploitation

2. Absence d'alternative
L'exploitant ne doit pas disposer d'un logement adapté à proximité. Une maison à 2 km peut suffire à refuser un nouveau logement en zone A.

3. Exploitation viable
L'exploitation doit être économiquement viable :

  • Surface minimale d'exploitation (selon les productions)
  • Revenus agricoles suffisants
  • Plan d'entreprise cohérent

4. Rattachement à l'exploitation
Le logement doit être :

  • Situé sur l'exploitation ou à proximité immédiate
  • Dimensionné selon les besoins (pas de villa de 300 m²)
  • Intégré au paysage agricole

Pièces justificatives demandées

Pour un permis de construire de logement agricole :

  • Attestation MSA (affiliation)
  • Statuts de l'exploitation (EARL, GAEC, individuel)
  • Déclaration PAC (Politique Agricole Commune)
  • Plan d'entreprise ou attestation du Centre de Gestion
  • Justificatif de non-disponibilité de logement à proximité

Le délai d'instruction

Le délai d'instruction du permis est de 2 mois pour une maison individuelle, majoré d'un mois en secteur ABF. La Commission Départementale de Préservation des Espaces Naturels, Agricoles et Forestiers (CDPENAF) peut être consultée.

Extension et changement de destination

Extension des constructions existantes

L'article L151-12 autorise « l'extension des constructions existantes » en zone A, sous conditions strictes définies par le règlement du PLU.

Limitations courantes :

  • Surface maximale d'extension (souvent 30 % de l'existant)
  • Surface totale plafonnée après extension
  • Pas de création de nouveau logement
  • Maintien du caractère du bâtiment

Exemple : Une maison de 100 m² peut généralement être étendue de 30 m² maximum (30 %), portant le total à 130 m².

Changement de destination

Le changement de destination d'un bâtiment agricole (grange en habitation, par exemple) est possible mais très encadré.

Conditions :

  • Le bâtiment doit être « identifié » au PLU comme pouvant changer de destination
  • Le changement ne doit pas compromettre l'activité agricole
  • L'avis de la CDPENAF est requis

Procédure :

  • Permis de construire obligatoire (modification structure/façade)
  • Ou déclaration préalable (sans modification structure)
  • Formulaire CERFA de déclaration préalable

Attention : La transformation d'une grange en habitation crée de la surface de plancher. Le bâtiment doit être conforme aux règles de salubrité et de sécurité. Des travaux importants sont souvent nécessaires (isolation, ouvertures, réseaux).

Annexes aux constructions existantes

Les annexes (garage, abri) peuvent être autorisées pour les constructions existantes légalement établies, dans des limites strictes :

  • Surface plafonnée (souvent 30 à 50 m²)
  • Distance maximale par rapport au bâtiment principal
  • Pas de création de logement

Pour une piscine en zone A, le PLU doit expressément l'autoriser en annexe d'une habitation existante. Dans le cas contraire, c'est un refus.

Peut-on sortir de la zone A ?

Évolution du classement

Un terrain classé en zone A peut évoluer vers une autre zone lors de la révision du PLU. Les évolutions possibles :

Vers zone AU (à urbaniser)

  • Le plus fréquent pour les terrains en périphérie de bourgs
  • Nécessite une révision du PLU
  • Procédure longue (2 à 4 ans)
  • Justification au regard du PADD et du SCoT

Vers zone U (urbaine)

  • Rare : passage direct de A à U exceptionnel
  • Possible si le terrain est déjà intégré au tissu urbain
  • Nécessite révision du PLU

Vers zone N (naturelle)

  • Possible si perte du caractère agricole
  • Friches, boisements spontanés
  • Ne rend pas le terrain plus constructible

Démarches pour faire évoluer le zonage

  1. Contacter la mairie : demander si une révision du PLU est prévue
  2. Formuler une demande écrite : expliquer votre projet et demander le reclassement
  3. Attendre la révision : le calendrier est décidé par la commune
  4. Participer à l'enquête publique : faire valoir vos arguments

Attention : la commune n'a aucune obligation d'accepter votre demande. Le SCoT et les orientations régionales limitent fortement les possibilités de déclassement agricole.

Les STECAL

Les STECAL (Secteurs de Taille et Capacité d'Accueil Limitées) sont des micro-zones définies au sein des zones A ou N permettant des constructions encadrées.

En zone A, un STECAL peut autoriser :

  • Des gîtes ruraux
  • Des hébergements touristiques
  • Des équipements de loisirs liés à l'agriculture
  • Des résidences démontables

La création d'un STECAL nécessite une modification du PLU et un avis favorable de la CDPENAF.

Erreurs à éviter

Erreur 1 : Croire qu'on peut construire si on « fait de l'agriculture »

Avoir un potager ou quelques poules ne fait pas de vous un agriculteur au sens du PLU. La qualité d'exploitant agricole s'apprécie au regard de critères stricts : affiliation MSA, surface minimale d'exploitation, revenus agricoles. Un projet de « retour à la terre » sans ces critères sera refusé.

Erreur 2 : Acheter en pensant que « ça va passer en constructible »

Les terrains en zone A sont vendus moins cher car non constructibles. Certains vendeurs laissent entendre que le terrain sera bientôt reclassé. C'est un pari très risqué :

  • Aucune garantie de reclassement
  • Délais imprévisibles (5, 10, 20 ans…)
  • Évolution possible vers N (encore moins constructible)

Erreur 3 : Construire sans autorisation

Construire sans permis en zone A expose à des sanctions aggravées :

  • Amende jusqu'à 6 000 € par m²
  • Démolition quasi systématique
  • Pas de prescription pour les zones agricoles protégées
  • Poursuites pénales

Les services de contrôle sont particulièrement vigilants en zone agricole.

Erreur 4 : Confondre zone A et zone AU

Un terrain en zone 2AU (à urbaniser différée) n'est pas constructible non plus, mais son avenir est différent. Un terrain en zone A est protégé pour son usage agricole, pas réservé à l'urbanisation future. La distinction est fondamentale pour estimer la valeur et le potentiel d'un terrain.

Erreur 5 : Négliger les recours

Un refus de permis en zone A peut être contesté si vous remplissez les conditions d'exploitant agricole. Le recours gracieux puis le recours contentieux sont possibles. Mais attention : un recours sur un projet non conforme aux règles est voué à l'échec.

Questions fréquentes

Peut-on construire un abri de jardin en zone A ?

Non, un abri de jardin classique n'est pas autorisé en zone A s'il n'est pas lié à une exploitation agricole. Si vous êtes agriculteur, un local de rangement de matériel peut être autorisé comme bâtiment agricole. Si vous possédez une habitation existante légalement construite en zone A, le PLU peut autoriser une annexe limitée (vérifiez l'article 2 de votre zone). Dans tous les autres cas, le refus est quasi certain.

Comment prouver que je suis agriculteur ?

La qualité d'exploitant agricole se prouve par plusieurs documents : attestation d'affiliation MSA (cotisation maladie des agriculteurs), numéro SIRET avec code APE agricole, déclarations PAC si applicable, et statuts de l'exploitation (EARL, GAEC, individuel). Les revenus agricoles doivent représenter une part significative de vos revenus totaux. Un projet d'installation peut être accepté avec un plan d'entreprise validé par la Chambre d'Agriculture.

Peut-on transformer une grange en habitation en zone A ?

C'est possible mais très encadré. Le bâtiment doit être identifié au PLU comme pouvant changer de destination (repérage sur le plan de zonage). Le changement ne doit pas compromettre l'activité agricole environnante. L'avis de la CDPENAF est requis. Un permis de construire est nécessaire si des travaux modifient la structure ou les façades. Le plan de masse devra montrer le bâtiment existant et les modifications projetées.

Quel est le délai pour un permis en zone agricole ?

Le délai d'instruction d'un permis de construire en zone A est de 2 mois pour une maison individuelle (logement d'exploitant), 3 mois pour les autres constructions (bâtiment agricole). Si le terrain est en zone ABF, ajoutez 1 mois. La consultation de la CDPENAF peut allonger le délai. Comptez 3 à 4 mois en pratique. La durée de validité du permis obtenu est de 3 ans.

Une piscine est-elle possible en zone A ?

Une piscine peut être autorisée en zone A uniquement comme annexe d'une habitation existante légalement établie, et si le règlement du PLU le permet expressément. Consultez l'article 2 de votre zone A. La surface du bassin est généralement limitée (souvent 50-60 m²). La déclaration préalable est nécessaire entre 10 et 100 m². Un plan de masse pour DP montrant l'implantation est obligatoire.

Peut-on faire de l’isolation extérieure en zone A ?

Oui, l'isolation thermique par l'extérieur d'un bâtiment existant est possible en zone A. Elle nécessite une déclaration préalable car elle modifie l'aspect extérieur. L'épaisseur ajoutée (15-20 cm) peut créer un léger dépassement sur les limites existantes. En zone ABF, l'avis de l'Architecte des Bâtiments de France sera requis sur les matériaux et couleurs.

Une terrasse est-elle autorisée en zone A ?

Une terrasse de plain-pied (non couverte, au niveau du sol) ne nécessite généralement pas d'autorisation et peut être réalisée dans le prolongement d'une habitation existante en zone A. En revanche, une terrasse surélevée ou couverte (pergola) crée de l'emprise au sol et nécessite une autorisation. Le PLU doit autoriser ce type d'annexe. Les mêmes limites de surface que pour les autres annexes s'appliquent.

Conclusion

La zone agricole du PLU est une zone de protection, pas une zone constructible. Seules sont autorisées :

  • Les constructions nécessaires à l'exploitation agricole
  • Le logement de l'exploitant (sous conditions strictes)
  • Les extensions très limitées des constructions existantes
  • Les changements de destination pour les bâtiments identifiés

Un particulier non agriculteur ne peut pas construire sa maison en zone A. Cette interdiction est stricte et les refus sont systématiques.

Si vous êtes exploitant agricole et souhaitez construire un bâtiment ou un logement, préparez un dossier solide avec tous les justificatifs de votre activité. Consultez le règlement de votre zone A pour connaître les limites de surface et d'implantation.

Pour les propriétaires de bâtiments existants, l'extension limitée et les annexes peuvent être possibles selon le règlement du PLU. Vérifiez les articles 1 et 2 de votre sous-zone.

Enfin, si vous envisagez d'acheter un terrain en zone A dans l'espoir d'un reclassement futur, mesurez bien le risque : les évolutions de zonage sont rares, longues et incertaines. Un certificat d'urbanisme vous donnera une réponse officielle sur les possibilités actuelles.


Sources : Code de l'urbanisme (articles L151-11 à L151-13, R151-22 à R151-26), Code rural, Legifrance, Service-public.fr